Abdelmoumène Khalifa devrait être extradé d'ici la fin du mois en cours vers l'Algérie, selon le ministère de l'Intérieur britannique qui, dans un communiqué rendu public lundi dernier par le Home Office, a annoncé que «M. Khalifa s'est vu refuser d'interjeter appel devant la Cour suprême le 3 décembre. Il va être extradé dans les 28 jours qui font suite à cette date». Mais, cela ne semble plus aussi certain, à en croire le ministre de la Justice, Tayeb Louh. Le garde des Sceaux, approché par les médias en marge d'une séance en plénière à l'APN, a dit «Abdelmoumène Khalifa s'est vu refuser un recours devant la Cour suprême britannique le 3 décembre dernier. Il a épuisé ses recours au Royaume-Uni. Il sera extradé s'il ne dépose pas de recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme». Ainsi donc, si la défense de l'ex-milliardaire saisit la Cour européenne, son extradition risque d'être annulée ou du moins reportée jusqu'à ce que cette instance internationale rende sa décision. Les autorités suivent de très près l'évolution des événements dans ce dossier, comme l'a encore affirmé le ministre de la Justice ajoutant que «les autorités ont entamé déjà les procédures pour accueillir Khalifa». Il est à préciser que la Cour européenne des droits de l'Homme (Cedh), sise à Strasbourg, est un organe juridictionnel supranational. Elle a pour mission de veiller au respect de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Elle aura donc à traiter du recours porté par Abdelmoumène Khalifa, dans le cas où sa défense en introduit un, pour s'assurer du respect ou non en Algérie des droits et des libertés consacrés dans la Convention des droits de l'Homme. Mais pour que le recours d'Abdelmoumène Khalifa soit examiné par la Cour des droits de l'Homme, la défense du Golden Boy devra présenter des preuves solides qui démontrent le non-respect des droits de l'Homme en Algérie. Ce qui ne sera pas facile après la décision de la justice britannique, connue pour sa rigidité dans le respect des lois. En plus, le recours à la Cour européenne des droits de l'Homme ne signifie pas forcément la suspension de l'extradition. Une fois en Algérie, Abdelmoumène Khalifa aura droit à un nouveau procès après l'introduction d'une opposition à sa condamnation par contumace à la réclusion à la perpétuité en mars 2007. Pour l'homme par qui le plus grand scandale financier est arrivé, deux cas peuvent se présenter, selon Me Bourayou. Dans le premier cas, le juge chargé du dossier peut décider de l'écouter et de l'envoyer ensuite devant le tribunal directement et là Abdelmoumène Khalifa ne bénéficiera pas d'une information judiciaire. Dans le second cas, le juge peut décider d'un complément d'information. Dans ce cas-là, s'il n'y a pas de faits nouveaux, le dossier d'Abdelmoumène Khalifa intégrera celui de l'affaire et il devra être jugé en même temps que les autres inculpés dont la cassation a été acceptée le 19 janvier 2012 et qui attendent l'enrôlement de leur affaire pour la tenue du procès. Si des faits nouveaux sont portés à la connaissance du juge à l'issue du complément d'information, un nouveau dossier devra être instruit. Précisons, à ce propos, que l'affaire Khalifa est revenue devant les tribunaux après la cassation introduite au niveau de la Cour suprême qui a accepté 54 pourvois en cassation introduits par le ministère public et vingt-quatre autres introduits par la défense, soit un total de 78 pourvois en cassation. Une première programmation du procès pour le 2 avril dernier a eu lieu mais le procès a été reporté à une date ultérieure. Devant un tribunal, Abdelmoumène Khalifa devra répondre des chefs d'inculpation qui lui sont reprochés, notamment faillite frauduleuse, association de malfaiteurs, vol qualifié, détournement de fonds, faux et usage de faux.... Il devra surtout tenir promesse. Celle de «divulguer des noms» pour démontrer «une complicité à haut niveau», comme il avait souvent menacé de le faire depuis son exil. La présence d'Abdelmoumène Khalifa va permettre, à ne pas en douter, de lever certaines zones d'ombres sur une affaire qualifiée de «scandale du siècle». Compréhensible si on rappelle que le préjudice s'élève à plus de 7 700 milliards de centimes. La présence de Khalifa permettra également de faire avancer les autres dossiers Khalifa (swifts, Khalifa TV, Khalifa Airways et le dossier lié aux hauts cadres de l'Etat qui bénéficient du privilège de juridiction). Des dossiers qui sont en instruction depuis des années mais qui ne voient toujours pas le jour. La justice algérienne piétine et pousse le citoyen à se poser des questions. Dix ans après l'éclatement de l'affaire Khalifa, le citoyen n'a eu droit qu'à un procès qui est loin d'avoir révélé tous les secrets de la boîte de Pandore. Il a eu pourtant le tournis en 2007, année du déroulement du procès de la caisse principale d'El Khalifa Bank, en découvrant tous les matins pendant deux mois et demi, les milliards engloutis par cette banque et les noms des hauts cadres cités. Mais à la fin, il a réalisé la limite d'un jugement. «C'est un procès juste pour la galerie», avait dit le commun des Algériens et il n'avait pas tellement tort. Car, au cours du procès, personne n'arrive, jusqu'à aujourd'hui, à comprendre, à titre d'exemple, les raisons qui ont poussé la juge à refuser une question adressée au témoin Iouaz Nadjia, la secrétaire et assistante personnelle de Abdelmoumène Khalifa qui pouvait faire des révélations, dire les mots...plutôt les noms. Elle finira pourtant par lâcher certains avant d'être arrêtée par la juge qui s'est adressée à l'avocat de la partie civile : «Vous avez la liste et les noms maître.» Qu'est devenue cette liste de personnalités ? A-t-elle été mise au fond d'un tiroir et oubliée? Publiquement non, puisqu'à maintes reprises, il a été assuré qu'un dossier contre les hauts cadres qui bénéficient du privilège de juridiction, a été instruit et qu'une fois l'enquête ficelée, il sera renvoyé devant les tribunaux. Mais depuis, le simple citoyen attend toujours. Malheureusement, il n'y a pas eu que cette liste, il y a eu des témoignages devant le tribunal où des personnes ont reconnu leur culpabilité ou encore leurs erreurs de gestion. Mais toujours rien. L'omerta est toujours de mise. Des hauts responsables, en poste lors des opérations frauduleuses menées à El Khalifa Bank, n'ont même pas été appelés à témoigner. Les raisons ? Personne ne peut s'aventurer à en donner. Que doit comprendre alors le simple citoyen ? Pour lui, le raccourci est simple : il y a eu orientation flagrante, des «raccommodages» de dernière minute, visant à contenir les débordements d'un scandale qui a failli éclabousser, plus que des personnes, tout un Etat. Le «curetage» s'est avéré nécessaire, pense le commun des Algériens. En fin de compte même s'il est reconnu au procès Khalifa, le franchissement d'un grand pas avec le défilement à la barre comme témoins de hauts cadres et de ministres, il n'en demeure pas moins que ce procès du «siècle» a laissé un arrière- goût amer. La justice a-t-elle été dite ? Dans sa totalité ? Reste à espérer que le remake du procès sera plus révélateur. H. Y.