L'Egypte s'enfonce chaque jour un peu plus dans une spirale de violence. Nul ne peut prédire le développement de cette situation des plus périlleuses. En enregistrant, hier, le troisième attentat en moins d'une semaine, les Egyptiens ne cachent plus leurs craintes. L'attentat d'hier a frappé un bâtiment militaire faisant quatre blessés. Dénonçant «la poursuite des lâches actes terroristes», l'armée a annoncé qu'une bombe avait détruit une partie du mur d'enceinte d'un bâtiment du renseignement militaire dans la province de Charqyia, dans le delta du Nil, et blessé quatre militaires chargés de la protection du site. Peu après, une autre bombe a été désamorcée aux abords d'une université de Damiette, sur la côte méditerranéenne, selon des responsables des services de sécurité. Il s'agit du troisième attentat dans le pays en moins d'une semaine. Mardi, un attentat suicide à la voiture piégée contre la police avait fait 15 morts à Mansoura, également dans le delta du Nil, et, jeudi, une bombe a blessé cinq personnes dans un bus au Caire. L'Egypte s'est engouffrée dans un engrenage de violence avec la décision de l'armée, suite à des manifestations massives, de destituer et d'arrêter M. Morsi, premier Président élu démocratiquement du pays. D'une part, l'implacable campagne des autorités, dirigées de facto par les militaires, contre les islamistes pro-Morsi a fait plus d'un millier de morts et des milliers d'arrestations. D'autre part, des djihadistes, qui n'ont pas de lien connu avec les Frères musulmans et critiquent même ouvertement leur entrée dans le jeu démocratique, mènent des attaques qui ont tué plus d'une centaine de policiers et de soldats. D'abord cantonnées à la péninsule désertique du Sinaï, ces violences ont débordé aux villes proches, jusqu'à gagner Le Caire. L'attentat contre un QG de la police à Mansoura, condamné par les Frères musulmans et revendiqué par un groupe djihadiste disant s'inspirer d'Al Qaïda, a toutefois marqué un palier dans les violences. L'attaque a choqué en Egypte par l'ampleur des dégâts qu'elle a provoqués : des rues entières ravagées et des immeubles totalement soufflés par l'explosion. Mais cet attentat a également constitué un tournant dans le pays : les autorités, qui accusent régulièrement les Frères musulmans d'aider et de financer les attentats contre les forces de l'ordre sans toutefois en apporter la preuve, ont incriminé la confrérie et l'ont déclarée dans la foulée «organisation terroriste». Désormais considérés comme des «terroristes», les centaines de milliers de Frères musulmans risquent jusqu'à cinq années de prison s'ils manifestent ou sont découverts en possession d'écrits ou d'enregistrements de la confrérie. Durant les jours précédents, et en particulier vendredi, jour traditionnel de mobilisation, de nombreuses manifestations à travers le pays ont bravé la campagne des autorités intérimaires contre la confrérie vieille de 85 ans et déjà passée par la clandestinité. Hier, de nouveaux heurts opposaient police et étudiants pro-Morsi dans la prestigieuse Université islamique d'Al-Azhar, théâtre depuis plusieurs semaines de violents affrontements. A cause de leur désignation «terroriste», les dirigeants de la confrérie risquent désormais la peine capitale, et le journal du mouvement, Liberté et Justice, a été définitivement interdit, de même que le parti du même nom, pourtant vainqueur de toutes les élections organisées depuis la révolte ayant chassé le président Hosni Moubarak en 2011. En destituant M. Morsi, les militaires ont promis une «transition démocratique», dont la première étape est un référendum constitutionnel les 14 et 15 janvier, avant des élections législatives et présidentielle, mi-2014. Sauf que la démocratie ne fleurit jamais à l'ombre des képis. M. S./Agences