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Israël fait tout pour saboter les négociations
Kerry en émissaire de paix et en allié de l'Etat hébreux
Publié dans La Tribune le 06 - 01 - 2014

En perte de vitesse et d'initiative au plan international, les Etats-Unis tentent de se replacer à travers le dossier le plus épineux de l'histoire des conflits régionaux. Washington a promis d'aboutir à un accord entre Palestiniens et Israéliens en neuf mois. Depuis fin juillet 2013, les discussions entre Palestiniens et Israéliens n'ont pas avancé d'un iota, en raison, d'une part, des manœuvres israéliennes qui veulent faire table rase de tous les accords conclus depuis 1993 et, d'autre part, en raison de la poursuite de constructions de colonies juives en Cisjordanie et à El Qods-Est. Tous les observateurs sont unanimes pour reconnaître que depuis leur reprise fin juillet, après trois ans d'interruption, les discussions de paix n'ont enregistré aucune avancée notable quant à la possibilité de conclure un «accord-cadre» traçant les grandes lignes d'un règlement final entre les deux parties avant la fin de la période de neuf mois fixée lors du lancement de ce dialogue. Tout au long de l'année, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a multiplié les navettes au Proche-Orient et a finalement réussi à ramener Palestiniens et Israéliens à la table des négociations. Mais tous les espoirs d'une avancée dans les négociations
ont été très vite déçus, en raison principalement de l'épineuse question de la colonisation : les autorités israéliennes multipliant les annonces de nouveaux plans de construction de logements juifs dans les territoires occupés provoquant la colère des Palestiniens. Jeudi dernier, John Kerry, est arrivé jeudi dernier à Tel-Aviv, pour sa dixième visite en Israël et dans les Territoires palestiniens visant, malgré le pessimisme ambiant, à faire avancer les négociations israélo-palestiniennes. Cette énième visite intervient au moment où Ariel Sharon, ancien Premier ministre et ex-homme fort de la droite israélienne, dans le coma depuis huit ans, est dans un état jugé «critique» par les médecins. Le secrétaire d'Etat «démarre la nouvelle année avec un effort spécial pour tenter de faire avancer les négociations israélo-palestiniennes», a déclaré un haut responsable américain avant son départ. Selon des sources diplomatiques et les médias, il entend soumettre pour la première fois aux deux dirigeants un projet d'«accord-cadre» traçant les grandes lignes d'un règlement définitif. Ce
document fournira «une base sur laquelle on pourra négocier le traité de paix final», a précisé le responsable américain. Une fois que «les contours de cet accord final auront été agréés (par les deux parties), il restera à travailler intensivement sur les détails», a-t-il ajouté. Mais la libération, mardi dernier, de 26 prisonniers palestiniens par Israël n'a pas suffi à dissiper le scepticisme sur les chances de progrès des négociations de paix relancées fin juillet sous l'égide des Etats-Unis. Israéliens et Palestiniens s'accusent mutuellement de saboter les efforts de paix. Netanyahu a dénoncé le fait que les prisonniers relâchés aient été fêtés par les dirigeants palestiniens comme des héros. «Ce n'est pas comme ça que l'on fait la paix», a-t-il accusé. Etrange attitude du Premier ministre israélien qui veut même dicter aux Palestiniens leurs émotions et leurs symboles. Les reproches des Palestiniens sont, en revanche, sérieux et concrets. L'extension des colonies juives à El Qods-Est annexée et en Cisjordanie occupée, le statut de la vallée du Jourdain et la question des prisonniers palestiniens, sont autant de questions que l'autorité palestinienne exige de régler avant tout accord. En outre, La visite de Kerry coïncide avec une recrudescence des violences en Cisjordanie et à Ghaza. Un Palestinien est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi après avoir inhalé des gaz lacrymogènes utilisés par l'armée israélienne pour disperser un rassemblement dans le nord de la Cisjordanie, selon des sources de sécurité
palestiniennes. A Ghaza, un Palestinien de 16 ans a été grièvement blessé par un tir israélien près de la clôture de sécurité avec Israël, ont indiqué des sources locales et militaires israéliennes. Le président palestinien Mahmoud Abbas, qui s'est entretenu vendredi soir à Ramallah avec John Kerry, a menacé cette semaine de saisir des instances internationales contre «le cancer de la colonisation» israélienne. Israël, qui avait indiqué la semaine dernière l'annonce imminente de la construction de 1 400 logements supplémentaires à El Qods-Est et en Cisjordanie, en même temps que la libération des prisonniers, a semble-t-il décidé d'attendre la fin de la visite de M. Kerry. Le président palestinien a aussi réaffirmé son refus de «toute présence militaire israélienne dans des territoires appartenant à l'Etat indépendant de Palestine», allusion à la vallée du Jourdain, aux frontières de la Cisjordanie et de la Jordanie. Selon le quotidien israélien Maariv, lors de son dernier déplacement en décembre, John Kerry a proposé «une présence militaire israélienne limitée aux points de passage sur le Jourdain pour un nombre limité d'années». Mais Israël a d'ores et déjà rejeté ces arrangements proposés par Washington, croit savoir le quotidien Maariv. Une commission ministérielle israélienne a adopté dimanche dernier un projet de loi, présenté par la droite ultranationaliste, qui prévoit l'annexion de la vallée du Jourdain même en cas d'accord de paix avec les Palestiniens. Bien qu'il ait, selon les commentateurs israéliens, surtout une valeur symbolique, ce projet a été dénoncé par les Palestiniens. Ces derniers acceptent uniquement le déploiement d'une force internationale, une solution rejetée par Israël qui veut pouvoir «se défendre lui-même». Jeudi matin, une délégation de députés de droite et d'extrême droite, conduite par le ministre de l'Intérieur Gideon Saar, a inauguré une implantation juive dans la vallée du Jourdain «qui est israélienne et le restera», selon eux. D'après un sondage publié mardi dernier par l'université hébraïque à Jérusalem, 51% des Israéliens estiment que les efforts américains échoueront (29%) ou n'auront aucun effet (22%), contre 39% seulement qui pensent qu'ils aboutiront, un taux en baisse par rapport à un sondage similaire en août 2009.
Washington mobilise ses alliés
Dimanche dernier, Kerry est arrivé à Amman dans le cadre d'une tournée au Moyen-Orient dans l'espoir de faire avancer les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, en sérieuses difficultés. La monarchie hachémite, gardienne des lieux saints musulmans d'El Qods, en particulier l'esplanade des Mosquées, et deuxième pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël, est frontalière de la Cisjordanie, censée former la majeure partie d'un futur Etat palestinien. De son côté, le roi Abdallah d'Arabie saoudite occupe une position
cardinale, à la fois en tant qu'auteur de l'initiative de paix de la Ligue arabe et gardien des lieux les plus saints de l'islam. A l'issue d'un long entretien samedi dernier avec le président palestinien Mahmoud Abbas à Ramallah
(Cisjordanie), le chef de la diplomatie américaine a assuré que les discussions
ont permis de «résoudre certains types de problèmes et de présenter de nouvelles options pour d'autres». Les négociateurs palestiniens ont confirmé, de leur côté, que la réunion de samedi soir s'est bien passée. Mais pour autant, aucun progrès concret n'a été enregistré. Les Palestiniens ont été, encore une fois, clairs: pas question de signer un accord intermédiaire qui reviendrait à discuter des points qui ont déjà été négociés dans les différents accords de ces 20 dernières années. Ils demandent des garanties sur l'arrêt de la colonisation israélienne et le retour des réfugiés palestiniens. Le chef des négociateurs palestiniens, Saëb Arekat, a réitéré ses exigences : la fin de l'occupation israélienne et l'établissement d'un Etat de Palestine indépendant sur les frontières de 1967 et avec El Qods comme capitale. «Personne n'a plus à perdre
d'un échec (des négociations) que les Palestiniens. L'échec n'est pas une option pour nous», a dit M. Arekat, en exhortant Israël à «s'abstenir de tout acte qui puisse porter préjudice à l'issue des négociations sur un règlement permanent». Des diplomates américains ont expliqué qu'il était improbable que les deux parties parviennent à s'entendre avant la fin de la visite, hier, sur les propositions d'«accord-cadre» traçant les grandes lignes d'un règlement définitif sur les frontières, la sécurité, le statut d'El Qods et le sort des réfugiés palestiniens.
Dans une interview à la radio officielle Voix de la Palestine, Azzam al-Ahmad,
un haut responsable du Fatah, le parti de M. Abbas, a regretté samedi dernier
que «les différentes idées avancées par M. Kerry soient plus proches de la position israélienne» que de celle des Palestiniens. Le chef de la diplomatie
américaine, qui a réussi en juillet à relancer des négociations de paix interrompues pendant près de trois ans, a eu de longues discussions jeudi et
vendredi derniers avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a affiché de «très sérieuses inquiétudes quant au plan qui lui a été présenté». Il réclame régulièrement que les Palestiniens reconnaissent le caractère juif de l'Etat d'Israël, ce qui empêcherait le retour des réfugiés. En plus du pessimisme des deux parties, John Kerry doit affronter la colère des Palestiniens. Samedi dernier, ils étaient des dizaines à manifester à Ramallah contre la visite de John Kerry, à qui ils reprochent de vouloir obtenir un accord à tout prix sans véritablement prendre en compte les demandes
palestiniennes. Le pessimisme des Palestiniens est amplement justifié quand on constate que sur le seul dossier des colonies juives, les Etats-Unis ne peuvent et ne veulent rien faire. Durant le premier semestre de 2013, le nombre de colonies a progressé de 70% par rapport à la même période de 2012. Selon les chiffres d'une organisation israélienne anti-colonisation, 1 708 logements ont été bâtis entre janvier et juin 2013 en Cisjordanie et à Ghaza, contre 995 en 2012. Cette situation ne semble pas prête à s'arrêter. Netanyahu a récemment déclaré : «Nous ne cesserons pas un seul instant de bâtir notre pays, de nous renforcer, et de développer (à) les implantations.» Pourtant, la réaction
internationale semble différente cette année : John Kerry a pour la première
fois parlé de «colonies illégitimes» alors que l'Union européenne compte lancer, à partir de janvier 2014, une campagne de boycott des produits en provenance des colonies. Mais il ne s'agit là que de positions de principes visant à amadouer les Palestiniens.
A. G.


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