Ce qui s'est passé en Irak au début de cette semaine n'est pas un fait anodin. La chute de la tristement célèbre ville de Fallouja, à 60 km à l'ouest de Baghdad, entre les mains des terroristes de l'Etat islamique de l'Irak et du Levant (Eiil) constitue un tournant dans l'histoire de ce pays au bord de l'implosion, deux ans après le départ des derniers soldats américains, après près de neuf ans d'invasion militaire qui a eu l'aval de la communauté internationale, au nom de la prétendue lutte contre le terrorisme islamiste d'Al Qaïda. L'Eiil, d'obédience sunnite, fait partie de cette présumée nébuleuse islamiste dont le fondateur est le défunt Oussama Ben Laden, d'origine saoudienne, un pays qui s'avère être le premier financier de cette idéologie destructrice à travers le monde arabe et même dans de nombreux pays africains, comme la Somalie, le Nigeria, le Kenya et le Mali pour ne citer que ces pays. Les terroristes de l'Eiil ont mis six jours seulement pour prendre le contrôle de Fallouja et de Ramadi, en profitant du vide laissé par les services de sécurité, appelés à faire taire une protestation politique de la communauté sunnite dans cette province de l'ouest contre le gouvernement dominé par les chiites à Baghdad. Fallouja et Ramadi, situées à soixante et cent kilomètres à l'ouest de Baghdad, étaient pourtant connues pour avoir lutté contre la présence américaine depuis 2003. Aujourd'hui, c'est au sein de ces deux villes que le gouvernement de Nouri al-Maliki est en train de perdre le contrôle du destin de l'Irak. La preuve en est que le gouvernement irakien est incapable de maintenir l'ordre aussi bien à Baghdad, secouée hier par une violente série d'attentats meurtriers qui ont fait plus d'une dizaine de morts, que dans les autres régions du pays. En un an, les violences en Irak ont fait plus de huit mille victimes, selon un bilan officiel. Mais sans un minimum de vigilance, la branche locale d'Al Qaïda aurait gagné sa bataille de Fallouja et de Ramadi, car elle est déterminée plus que jamais à semer le chaos, non seulement en Irak mais aussi en Syrie et maintenant au Liban. Ces trois pays ont pour point commun d'avoir une population de diverses confessions, principalement chiite et sunnite. Ceux qui ont toujours craint une résurgence de ce vieux conflit entre les musulmans chiites et sunnites n'avaient pas tort. L'augmentation des actes de violences armées ces deux dernières années, entre chiites et sunnites, a de quoi inquiéter le reste des Irakiens qui ont le souci de former un pays uni malgré les différences qui peuvent exister en tous points de vue. Pourquoi en est-on arrivé là ? Est-ce seulement parce que les services de sécurité sont dépassés par les évènements, qu'ils sont mal préparés ou pas du tout pour assurer la transition au lendemain du départ des troupes américaines fin décembre 2011, ou tout simplement parce qu'Al Qaïda est mieux équipée que l'armée régulière irakienne ? L'équation à laquelle fait face l'Irak dépasse le cadre propre à ce pays. Du moins, c'est ce que pensent de nombreuses voix qui ne voient en Al Qaïda, à travers sa branche locale l'Eiil, qu'un moyen de détourner l'attention de l'opinion publique nationale et internationale des véritables enjeux de cette offensive contre le pays. Au-delà des problèmes et blocages politiques qui minent l'avenir de l'Irak où Al-Maliki favorise les membres de sa communauté chiite, on est face au risque de démembrement de ce pays où les conflits confessionnels et communautaires servent de justification pour sa destruction. Ce qui se passe aujourd'hui en Irak n'est que le prolongement de la stratégie américaine de reconfiguration de toute la région du Proche-Orient, dans le cadre de son fameux projet du Grand Moyen-Orient, intégrant des pays d'Afrique du Nord. Diviser pour régner en maître absolu sur le monde et protéger l'occupant israélien est, entre autres, l'objectif de ce projet qui nécessite l'affaiblissement total des Etats visés par ce plan diabolique préparé par Washington depuis des décennies. Qui mieux donc qu'Al Qaïda pour exécuter cette sale besogne ? Concernant l'Irak, des hommes politiques irakiens sont convaincus que les violences enregistrées dans leur pays sont le fait de cette stratégie états-unienne afin de démembrer leur territoire en de petits Etats. «Les attentats de ces derniers jours à Baghdad, qui visent essentiellement les chiites, est un plan que les baathistes et les takfiris exécutent dans le cadre du démembrement de l'Irak, sur la base du plan parrainé par le vice-président américain, Jo Biden», avait averti Adnan Al-Miyahi, un député irakien, s'adressant aux médias de son pays. «Les opérations terroristes menées à Baghdad se font dans le cadre d'un plan, quoique appliqué il y a quelques années par les baathistes et les takfiris, qui s'est renforcé depuis le déclenchement des manifestations dans les provinces occidentales du pays, car il vise à partager l'Irak et faire rejoindre la partie occidentale au front syrien afin d'élargir ainsi le rayon des activités d'Al Qaïda en Syrie et d'augmenter les aides financières qui lui sont destinées. En tout état de cause, l'objectif principal de ces agissements consiste à endiguer la montée des chiites en Irak et au Liban, car le chiite est un grand danger qui menace l'entité sioniste dans la région», avait-il ajouté. Par ailleurs, si le démantèlement de l'Irak semble commencer par la décision du gouvernement de Baghdad d'accorder le statut de province autonome pour la riche région pétrolifère du Kurdistan irakien, ce qui se passe actuellement à Fallouja et à Ramadi est à coup sûr une autre phase de ce plan américain, soutenu évidemment par l'Arabie saoudite et discrètement par l'Iran, la Turquie, le Qatar et évidemment l'allié objectif de Washington, Israël. En effet, Fallouja et Ramadi dépendent du gouvernorat d'Anbar, une autre région riche de ses réserves pétrolières. Là où il y a le pétrole, on crée un foyer d'instabilité. «Le gouvernorat d'Anbar, l'une des régions où Al Qaida est le plus actif, est riche en réserves non exploitées de pétrole et de gaz naturel. Le contrôle d'Anbar offrirait aux insurgés sunnites une base à partir de laquelle ils pourraient soutenir l'opposition armée en Syrie, ce qui est déjà le cas selon de nombreux analystes. La chute du gouvernement syrien actuel, dirigé par une branche du chiisme, laisserait probablement la place à un gouvernement sunnite. Cela alimente l'idée d'un nouveau ‘'croissant sunnite'', qui s'étendrait entre la Syrie et les gouvernorats d'Anbar, de Diyala et de Salaheddine. Certains coins du désert servent déjà de refuge aux rebelles. De la même manière, dans des villes comme Mossoul, la faiblesse des forces de maintien de l'ordre permet aux insurgés d'agir plus librement», lit-on dans une analyse publiée par un institut français spécialisé dans la recherche en relations internationales. L'Irak doit donc se ressaisir et ne pas se laisser prendre par le piège du conflit confessionnel qui causera son implosion. Le démembrement de l'Irak profitera uniquement à l'Iran, aux Etats-Unis, à l'Arabie saoudite et d'autres pays occidentaux. L. M.