L'élection présidentielle représente un moment capital dans la vie d'une nation car il s'agit de projeter le pays sur les années à venir, lui tracer un cap et porter à sa tête celui qui aura reçu l'assentiment du peuple pour mener le projet pour lequel il aura été élu. En Algérie, c'est loin d'être le cas. A trois mois d'une échéance aussi capitale, rien n'indique que le pays s'apprête à choisir son Président. Ni la scène politique qui est loin d'être en effervescence, ni le peuple, plus préoccupé par son quotidien que par le proche changement -ou pas- à la tête du pays. Tout porte à croire que la prochaine présidentielle n'est qu'une étape de plus dans une démocratie de façade. Sinon comment s'expliquer que la présidentielle de 2014, qualifiée par les politiques de moment-clé pour préparer l'avenir du pays, laisse indifférents peuple, régime et partis politiques. Ces derniers ne sachant pas sur quel pied danser n'arrivent pas encore à se prononcer sur la prochaine échéance électorale : soutien ou présentation d'un candidat ? Le régime, quant à lui, n'a apparemment pas encore son candidat de «consensus» qu'il soit celui de «la continuité» ou celui du «changement dans la continuité». Quand au peuple, il n'est pas associé à ce jeu de haute voltige n'ayant ni les intentions de candidatures, ni des ébauches de programmes, ni la parole pour exprimer ses vœux et attentes. Ainsi exclu, le peuple risque de choisir, encore une fois, l'abstention qui finira par aboutir à des «élections sans électeurs». Ce sera alors la négation du peuple, de ses problèmes et de ses angoisses. Ce sera alors un avenir des plus incertains pour l'Algérie de demain. Le jeu de la présidentielle se fait dans l'ombre Certains diront que l'Algérie a l'habitude des scrutins sans électeurs comme cela a été le cas en 2007 ou encore en 2012. Ils rappelleront qu'aux lendemains de ces scrutins, le «bon» déroulement des élections a bien été applaudi et l'absentéisme des citoyens presque ignoré. A l'exception de quelques débats sur l'opinion prêtée au peuple alors qu'il ne l'avait, de manière délibérée, pas formulée. Autrement dit, que le peuple vote ou pas, les mêmes discussions ont lieu à chaque fois et les mêmes conclusions sont tirées. Ce qui s'apprête à du mépris ou encore à une nouvelle forme de démocratie celle qui signifie «nous gouvernons en votre nom, mais nous n'avons pas besoin de votre avis». Dessaisi de son choix, le peuple préfère plonger dans sa vraie vie. Celle des fins de mois difficiles, du logement à acquérir et de l'emploi à obtenir. Le peuple n'a pas tort de se détourner d'une aussi importante échéance électorale puisqu'il a constaté que son avis ne fait pas le poids devant les décisions prises en son nom. Que peut-il faire alors que même lorsqu'il a décidé de s'abstenir lors d'un scrutin, les commentateurs discutent gravement de résultats que la faible proportion de votants a vidé de toute signification ? Hier 9 janvier, à trois mois de la présidentielle, dans les rues de la capitale, les discussions portaient sur l'augmentation des prix des produits laitiers, la rareté des sachets de lait, la distribution proche de logements sociaux à Larbaâ et la chute libre du prix des voitures... Tout est bon pour animer une discussion sauf l'élection présidentielle. «Bouteflika va rester et si ce n'est pas le cas, ils vont nous choisir quelqu'un», affirment dans leur majorité les citoyens qui semblent réellement désintéressés de celui qui va briguer le prochain mandat présidentiel. Cet état des lieux n'est pas le résultat d'un manque de maturité politique chez le peuple algérien mais il s'agit plutôt d'une réaction par dépit. L'Algérien est convaincu que l'heure n'est pas au changement, que le pays ne s'est pas encore engagé dans une transition devant permettre de passer le flambeau à la nouvelle génération. Il reste convaincu que le régime continu de planifier le destin du pays. Le citoyen est convaincu que les partis politiques ne jouent aucun rôle. Il est blasé de ces partis dont la fonction n'est autre que d'être des courtisans du régime ou dans une opposition stérile. Il a constaté que lorsque les formations politiques ne soutiennent pas directement le pouvoir en place, elles ont malheureusement réédité en leur sein les tares du système en bâtissant des partis autour de leaders éternels, démontrant par là même leur volonté de remplacer le système par un autre, le leur ! Le constat est amer. Pourtant, l'Algérie de 2014 a les ressources nécessaires pour se construire un bel avenir et l'échéance présidentielle peut être un tournant historique permettant au pays de tourner la page de l'immobilisme, de l'attentisme et de la corruption... Le choix d'un nouveau président, d'un programme électoral peut engager le pays sur la voie du développement en comptant sur la compétence, l'intelligence et la jeunesse. Le prochain mandat présidentiel pourrait être l'occasion d'engager des changements fondamentaux dans le mode de gouvernance, dans les équilibres des pouvoirs institutionnels, dans la relation entre l'Etat et le citoyen. Il pourrait être le début d'une ère qui consacre la justice, les libertés, et les droits de l'Homme. Il pourrait être le cimetière du népotisme, de l'incompétence, du régionalisme, l'opportunisme ... Tel est l'enjeu de la prochaine élection présidentielle. Mais est-ce que le peuple y adhérera ? H. Y.