Le travail de rédaction d'une nouvelle Constitution pour la Tunisie est en passe d'aboutir. Le vote de son texte par l'Assemblée constituante, qui devait se dérouler 14 janvier, trois ans jour pour jour après la fuite de son président dictateur Ben Ali en Arabie saoudite, est dans l'attente de la clôture des débats qui l'animent encore. La Tunisie, le pays qui a sonné le début des bouleversements qui ont ébranlé le monde arabe en 2011, semble gérer au mieux la transition démocratique. Malgré des difficultés à n'en plus finir le pays du jasmin est arrivé à garder un cap qui pourrait bien se révéler salutaire. Le pays est passé par des phases difficiles qui menaçaient sérieusement son avenir avec des pics de violence caractérisés par des assassinats politiques de personnalités en vue du mouvement démocratique. Aujourd'hui, la Tunisie semble entrer sur la voie du consensus. Seul à même de mener la patrie le pays à bon port. Initialement prévu pour le 23 octobre 2012, sans cesse différé depuis, l'achèvement du débat constitutionnel semble enfin en passe de se réaliser aujourd'hui. Les députés voulaient finaliser le texte de la Constitution avant le 14 janvier minuit. Avec en arrière fond une date d'une grande symbolique. La date marque en effet le troisième anniversaire de la révolution du jasmin. Celle-là même qui a influé d'autres mouvements de contestation à travers le monde arabe, avec à la clef des fortunes diverses. La Constitution en élaboration pour la nouvelle Tunisie est en train de prendre forme doucement mais sûrement. La plupart des points litigieux opposant les différentes tendances politiques avaient été aplanis en amont par la commission des consensus, qui rassemble les chefs des principaux groupes parlementaires. Le processus politique de reconstruction des institutions semble irréversiblement mis en branle. Ali Larayedh, le Premier ministre issu du parti Ennahda est remplacé par un technocrate indépendant, Mehdi Jomâa, actuel ministre de l'Industrie. La simultanéité entre les deux processus, la finalisation de la Constitution et la formation d'un nouveau gouvernement était l'une des conditions de la fameuse «feuille de route» du quartet (syndicat, patronat, Ligue des droits de l'Homme et Ordre des avocats). Une forme de collégialité politique qui aura été le meilleur protecteur face au risque d'implosion du pays dans les phases les plus délicates. Exemple démocratique Contraints à composer avec d'autres sensibilités politiques, les islamistes d'Ennahda ont finalement opté pour une stratégie plus consensuelle et à long terme. Ils entendent capitaliser sur le vote de la Constitution et l'inscrire à l'actif de leur gouvernement. Car une fois la Constitution votée, le gouvernement désigné et l'instance des élections créée, l'Assemblée nationale constituante perdra sa raison d'être. Au profit d'un exécutif faisant consensus et porteur d'une nouvelle légitimité. Les débats à la Constituante ont opposé les tenants de deux visions antagoniques de l'Etat. Le texte du préambule, qui a fait l'objet d'une difficile controverse fera finalement consentement. Et chaque camp politique y trouvera matière à satisfaction. Le texte de la nouvelle Constitution comporte des avancées indéniables au chapitre des droits et libertés. Et les principaux acquis séculiers de la modernité tunisienne ont été préservés. Pour les observateurs les plus impartiaux la Tunisie semble actuellement le pays «le plus éligible à une conciliation possible entre la démocratie, la modernité et l'islam». L'accélération du processus de transition a été imposée pratiquement par la crise dans laquelle irrémédiablement s'est retrouvé coincé le pays. Cette crise s'est caractérisée par une recrudescence de la violence, une dépression économique profonde et un discrédit de la classe politique auprès des Tunisiens, fatigués par tant d'inconséquences. La mobilisation très importante au cours de l'été dernier avec des centaines de milliers de personnes dans les rues à réclamer le départ de l'Assemblée constituante, complètement discréditée, et le changement d'un gouvernement qui n'avait pas réalisé ses objectifs, n'aura pas été sans effets. La situation de péril aura imposé d'impératives solutions et mesures d'urgence réelles. Les facteurs internationaux ont agi aussi. La situation, en mouvement, dans la transition en Egypte était particulièrement suivie en Tunisie. Le pays du Nil s'étant finalement fourvoyé dans un contre processus de normalisation ne restait que la Tunisie. Le pays du jasmin restait comme le laboratoire par excellence d'une démocratie émergente fruit des bouleversements nommés «printemps arabe». M. B.