Lors du Forum économique mondiale de Davos, tenu la semaine dernière, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a appelé à donner un signal- prix au carbone, avec l'obligation pour les entreprises de divulguer leur exposition aux risques climatiques, et à investir davantage dans les obligations vertes pour lutter contre le changement climatique. «2014 doit être l'année de l'action contre le changement climatique. Nous n'avons aucune excuse pour ne pas le faire», affirme Jim Yong Kim. Un nombre croissant de pays et d'entreprises tirent d'ores et déjà profit de l'opportunité économique que constitue la croissance verte. Au sein des conseils d'administration des entreprises et dans les bureaux des P-dg, la menace du changement climatique est déjà bien tangible. Pour des compagnies aussi diverses que CocaCola et ExxonMobil, le changement climatique est un danger qui risque de perturber l'approvisionnement en eau et la chaîne logistique. Les dirigeants d'entreprise sont bien conscients de cela. Certains savent également que la réponse qu'ils apporteront aux enjeux du changement climatique constitue aussi pour eux une opportunité, et ils prennent les devants. Bien d'autres, en revanche, restent en retrait et attendent d'avoir plus de certitudes quant à l'action des Etats. Lors de ce Forum économique, le président de la Banque mondiale, a demandé aux responsables politiques d'en finir avec le statu quo et de mettre en place le cadre nécessaire. Tout d'abord, en donnant un signal-prix au carbone et en faisant en sorte que les autorités de réglementation financière exigent des entreprises et des organismes financiers d'évaluer et de communiquer leur exposition aux risques climatiques. Jim Yong Kim a également appelé à multiplier par deux le marché des obligations vertes, lesquelles appuient des projets d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à ses effets. Ces projets portent sur les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et la réduction des émissions de carbone. L'objectif est que le marché des obligations vertes atteigne 20 milliards de dollars cette année et 50 milliards de dollars d'ici à ce qu'un nouvel accord international sur le climat soit conclu à Paris en 2015. Jim Yong Kim a pressé les investisseurs institutionnels d'accroître le volume des obligations vertes dans leurs portefeuilles et de se fixer des cibles chiffrées en la matière. «Qu'il s'agisse des Etats ou du monde de l'entreprise, on a vu se former un véritable leadership autour du défi climatique. Mais les émissions restent en hausse et les plus pauvres en subissent les conséquences», note Jim Yong Kim. «2014 doit être l'année de l'action contre le changement climatique. Nous n'avons aucune excuse pour ne pas le faire. L'inaction face au changement climatique entraîne des pertes exorbitantes, tant sur le plan humain qu'en matière d'investissements. A l'échelle mondiale, les pertes et dommages liés au changement climatique sont passés d'environ 50 milliards de dollars par an dans les années 1980 à près de 200 milliards de dollars au cours de la décennie écoulée. Il est donc crucial de promouvoir un développement à l'épreuve du changement climatique et des catastrophes naturelles. Selon les estimations de la Banque mondiale, le changement climatique va faire augmenter de 25 à 30% le coût du développement dans les pays les plus pauvres. Ses effets pourraient, dans un avenir proche, anéantir les gains de développement accumulés pendant des décennies et renvoyer des millions de personnes dans la pauvreté. Nous devons accompagner les pays les plus pauvres dans cette transition», insiste le président de la Banque mondiale. Nous devons et nous pouvons réduire les risques associés aux investissements sobres en carbone, particulièrement dans les pays en développement : les institutions financières du développement peuvent mobiliser leurs capitaux pour réduire ces risques et favoriser de nouveaux investissements en faveur de la résilience au changement climatique. Dans le secteur public comme dans le secteur privé, des leaders bien conscients de «l'avantage du pionnier» se saisissent de cet atout concurrentiel. En voici quelques exemples : Google a récemment lancé l'une des plus grandes installations photovoltaïques au monde (9 200 panneaux solaires recouvrant son siège social), et a acquis la société Nest spécialisée dans les thermostats intelligents, se préparant ainsi à l'explosion de la demande de produits capables de réduire la consommation d'énergie domestique. Google fait partie des entreprises qui recourent déjà à une valeur tutélaire du carbone (a) pour leur planification stratégique. Philips déploie des systèmes d'éclairage hors réseau et des systèmes d'éclairage public à LED, et a pour objectif d'améliorer de 50% l'efficacité énergétique de tous ses produits d'éclairage d'ici 2015. Les investisseurs constatent les résultats obtenus : l'an dernier, les valeurs boursières liées aux énergies propres ont offert des rendements atteignant 140%. De plus en plus de pays prennent le changement climatique au sérieux et voient bien que la lutte contre ce fléau peut constituer une source d'opportunités économiques : le Mexique, par exemple, qui s'est fixé pour objectif d'atteindre 35% d'énergies renouvelables et a mis en place une taxe carbone, commence à permettre aux particuliers de relier leurs installations d'énergies renouvelables au réseau national, en échange d'un crédit de facturation. Les politiques mexicaines ont incité des industriels comme Walmart, CocaCola et Grupo Bimbo à investir dans l'autoproduction d'énergies renouvelables. Les Philippines, récemment frappées par le typhon Haiyan, ressentent déjà les conséquences des phénomènes climatiques extrêmes. Le pays, qui a des objectifs élevés en matière d'énergies renouvelables, offre des mesures incitatives (exonérations fiscales, amortissement accéléré, facturation nette...) pour permettre aux consommateurs produisant de l'énergie de la revendre au réseau national. Les instruments de tarification du carbone montrent également des signes encourageants. L'année dernière, la Chine a lancé cinq systèmes pilotes d'échange de permis d'émission dans plusieurs villes et provinces, et le pays s'est fixé des objectifs très ambitieux pour la mise en place d'un système national. Via le Partenariat pour le développement des marchés du carbone (a), d'autres pays développent et mettent en œuvre des mesures politiques et une nouvelle génération d'instruments de tarification du carbone susceptibles de favoriser la croissance, la compétitivité et la réduction des émissions. Le Groupe de la Banque mondiale se concentre sur cinq domaines clés permettant d'établir le «juste prix», d'attirer les financements et de réaliser des progrès là où cela est le plus crucial. Le premier consiste à bâtir des villes sobres en carbone et résilientes au changement climatique : il cible les zones métropolitaines en croissance rapide qui sont responsables de 70% des émissions mondiales et les aide à planifier un développement sobre en carbone, à évaluer leur efficacité énergétique et à obtenir les financements dont elles ont besoin. Le deuxième axe d'action appuie la transition vers une agriculture adaptée au changement climatique qui améliore les rendements pour nourrir une population mondiale en pleine croissance, réduise les émissions et renforce les capacités de stockage du carbone. Le troisième, qui porte sur la hausse de l'efficacité énergétique et des investissements dans les énergies renouvelables, contribue à accélérer l'abandon des combustibles fossiles à haute teneur en carbone. Le Groupe de la Banque mondiale appuie également les efforts de suppression des subventions aux combustibles fossiles et le développement d'une tarification du carbone permettant de fixer des prix adéquats pour les émissions. Y. S.