La violence a, de nouveau, éclaté à Ghardaïa. Depuis mercredi dernier, la ville du M'zab est mise à feu et à sang. Les affrontements et les heurts entre les deux communautés, Arabe et Mozabite, ne cessent d'allonger la liste des victimes et des blessés. Trois personnes ont trouvé la mort samedi dernier en début de soirée. Selon l'APS, les trois victimes, âgées d'une trentaine d'années, ont été atteintes par des objets ferreux contondants. Deux ont succombé sur les lieux des échauffourées entre groupes de jeunes, près du quartier Hadj Messaoud, tandis que la troisième victime a succombé à ses blessures à l'hôpital Trichine de Ghardaïa. Un blessé, touché également lors de ces heurts, est actuellement dans un état critique. Admis au bloc opératoire, son pronostic vital est engagé. Mais selon des journalistes, présents à Ghardaïa, les victimes appartenant à la communauté arabe ont été tuées par balles «dans une véritable opération coup de poing, menée par les éléments de la Sûreté nationale». Le quartier Hadj Messaoud, épicentre des troubles qui avaient déjà secoué la ville au mois de décembre passé, a été pris d'assaut par les services de sécurité qui «face à une farouche résistance à l'aide de cocktails Molotov et tirs de bouts de ronds à béton, ont été forcés à riposter», ont affirmé des représentants de la presse locale. Ces derniers ont fait part du bilan lourd de trois morts, mais aussi de dizaines d'interpellations. Selon l'APS, dix-neuf personnes, présumées impliquées dans ces affrontements et actes de vandalisme et de pillage qui ont touché les différents quartiers des communes de Ghardaïa et de Bounoura, ont été interpellées par les forces de l'ordre en flagrant délit. «Pas moins de 70 personnes blessées par jets de pierres et autres projectiles au cours de ces affrontements, dont 24 policiers, ont reçu les soins nécessaires aux urgences de l'hôpital de Ghardaïa et à la clinique privée Oasis», a ajouté l'agence citant une source hospitalière. «Huit personnes dans un état jugé très grave ont été hospitalisées, dont quatre brûlées et défigurées au vitriol et autres produits acides», a précisé la même source médicale à l'APS. Il est à préciser que lors de ces échauffourées, émaillées par des actes de vandalisme, de pillage et d'incendies, près d'une centaine de commerces, d'habitations et de véhicules ont été saccagés, pillés puis incendiés. Face au chaos, de nombreuses scènes de déménagement et de délocalisation des familles et de commerces ont été observées hier à Ghardaïa, où régnait un calme précaire. D'ailleurs, toutes les activités commerciales et administratives ainsi que les établissements scolaires restaient paralysés. Dans cette situation chaotique, le Premier ministre par intérim, Youcef Yousfi, ainsi que le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, le commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major Ahmed Bousteila, et le représentant du directeur général de la Sûreté nationale, se sont déplacés dans la soirée du samedi à Ghardaïa pour s'enquérir de la situation et essayer de trouver des solutions. Le Premier ministre par intérim a présenté les condoléances aux familles des victimes et échangé des propos avec des imams et des notables de Ghardaïa. M. Yousfi a tenu une rencontre au siège de la wilaya, avec les élus et les représentants de la société civile, en présence des autorités locales. Il a également rencontré des représentants des citoyens qui ont organisé hier une imposante marche pour «dénoncer les crimes perpétrés lors des échauffourées». Les marcheurs ont convergé devant le siège de la wilaya, où ils ont observé un sit-in, en scandant des slogans appelant à la justice et à «l'application de la loi à l'encontre des criminels à l'origine des troubles qui secouent la ville». M. Youcef Yousfi a appelé à «fédérer les efforts pour normaliser la situation». Il a promis «l'ouverture d'une enquête immédiate pour déterminer les responsabilités et l'application de la loi ainsi que la poursuite des actions de développement, aussitôt l'ordre rétabli». M. Yousfi a, en outre, affirmé que l'Etat «contribuera à la réhabilitation des biens endommagés lors de ces évènements et à atténuer ainsi la souffrance des citoyens touchés». «Des membres du gouvernement, concernés par les différents secteurs de développement, seront amenés à se déplacer sur le terrain à partir de la semaine prochaine pour déterminer les actions à entreprendre en priorité en matière de développement durable de la région», a-t-il souligné. Pour rappel, à la fin décembre, et les mois de janvier et février derniers, des échauffourées récurrentes entre groupes de jeunes avaient déjà secoué la ville de Ghardaïa. Les violences avaient culminé en février, avec la mort de quatre jeunes Mozabites et des centaines de maisons parties de part et d'autre en fumée. Mais une relative accalmie s'était instaurée après l'envoi d'importants renforts de policiers et de gendarmes. A peine les forces de sécurité ont-elles allégé leur dispositif que de nouvelles échauffourées ont éclaté mercredi dernier. Il s'agit d'un différend communautaire et la situation est de plus en plus grave. Il y a péril en la demeure. H. Y.