L'oléiculture en Algérie, comme beaucoup de secteurs qu'ils soient dans l'agriculture ou l'industrie et autres, peine à se développer, et ce, en dépit des ambitieux programmes mis en place et des sommes colossales qui y sont injectées. Des programmes qui n'ont pas abouti dans beaucoup d'endroits, même si dans certains ils ont eu les résultats escomptés. Les experts parlent d'échec du programme d'un million d'oliviers à planter à travers l'ensemble du territoire national dans le cadre du quinquennat 2010 -2014. M. Moussouni Akli, ingénieur agronome et expert en développement, pense que ce programme «visant à impliquer cette filière dans la réduction des importations de matières grasses végétales et en acides conséquentes s'est heurtée, dès son lancement en 2010, à des carences car il n'était fondé sur aucune stratégie ni étude, auxquelles viennent se greffer les carences techniques des producteurs ne disposant d'aucun savoir-faire en la matière». Pour lui, le financement de ce programme se caractérise «par un gaspillage de finances publiques et privées aux conséquences très négatives pour l'avenir de cette filière». Les conséquences se sont reflétées sur le marché national par «des prix ayant atteint des niveaux incomparables pour des produits impropres à la consommation dans leur presque totalité au regard des normes internationales», fait remarquer cet expert. Il précise que cette année les olives sont infectées de mouches de l'olive dans leur totalité, et des milliers d'hectares sont infectés par le sel en raison d'une mauvaise irrigation, et par les maladies pour absence de protection phytosanitaire. Ajouté à tout cela, un nombre important de jeunes se sont intéressés à cette filière sans pour autant avoir l'encadrement technique nécessaire. En Algérie, l'incitation au développement de la qualité, pourtant incontournable pour valoriser ces produits, est totalement absente du programme de développement de cette filière, soutient cet expert qui a animé une conférence de presse au siège de l'Ugcaa (Union générale des commerçants et artisans algériens). «Cette manière d'agir a fait rater à l'Algérie son entrée en tant que producteur potentiel des produits de l'olivier sur le marché international, puisque la quasi-totalité des plantations, plus de 90%, ont péri. Le reste finira, à court terme, par être abandonné car non rentable», soutient-il. Théoriquement, le programme de plantation d'un million d'oliviers, réalisé sur la base d'un encadrement technique solide, «devrait positionner l'Algérie à la 3e place derrière l'Union européenne (75% de la production mondiale, 65% de la consommation et 60% des parts de marché à l'exportation), et la Tunisie avec 6%». Mais, insiste encore cet expert, «le lancement anarchique dudit programme, qui a pourtant bénéficié d'un soutien financier conséquent, n'a pas fait évoluer notre pays d'un iota». Selon lui, l'Algérie demeure toujours à la dernière place (moins de 1% de la production mondiale) et une consommation de moins d'un litre par an et par habitant. Poussant plus loin son analyse, cet expert signale que la filière oléicole telle qu'organisée aujourd'hui «est totalement paralysée». Elle est investie d'une mission de développement dans le cadre de la diversification de l'économie qu'«elle ne pourra en aucun cas assurer». Pour lui, la recomposition de cette filière s'impose à travers une vision pragmatique et rationnelle. Une expertise pour identifier les contraintes M. Moussouni dira que ce serait une erreur de continuer à planter tous azimuts et reconduire les programmes de financement tels qu'engagés depuis l'an 2000, dont les résultats démontrent que cette filière n'a pas évolué. «En se figeant donc sur cette seule entreprise de repeuplement du verger démontre le gaspillage des deniers de l'Etat qui a atteint des proportions inquiétantes, d'autant que les rendements diminuent de plus en plus et les prix augmentent de plus en plus». Quelles sont les solutions à proposer ? L'expert indique que l'Algérie doit se fixer pour objectifs prioritaires de sauvegarder l'oléiculture traditionnelle et les nouveaux investissements, de normaliser la qualité des produits à mettre sur le marché, et de valoriser les sous-produits et protéger l'environnement. «Il faut absolument engager une expertise pour identifier toutes les contraintes pour dégager des solutions afin d'élever cette filière au rang de richesse nationale en produits et emplois». Pour cela il est nécessaire, préconise encore M. Moussouni, d'étudier toutes les questions liées à l'environnement économique national, le foncier et les potentialités hydriques, les groupes socioéconomiques intéressés par l'investissement, les règlementations, le cadre de concertation entre les administrations et les opérateurs, le poids des traditions et des habitudes alimentaires, la problématique de l'environnement et des écosystèmes, et enfin le recyclage des sous-produits dans l'économie nationale. Le développement de cette filière n'est pas du seul ressort du ministère de l'Agriculture, insiste à dire M. Moussouni. Les ministères de l'Intérieur, de l'Industrie, du Commerce, de l'Hydraulique, des Travaux publics, des Finances, de l'Environnement de même que les investisseurs doivent s'impliquer chacun suivant sa tâche autour du ministère de l'Agriculture. Beaucoup d'agriculteurs lancent des cris d'alarme et jugent que l'accompagnement, notamment par les banques, est timide. C'est le cas de la Coopérative Chok (Coopérative des huiles d'olive de Kabylie) créée en 2008, dont le président, M. Rahal Abdelhakim, évoque la désorganisation de la filière et surtout le non accompagnement des investisseurs par les banques. Selon lui, la coopérative qu'il préside a bénéficié d'une aide financière de l'Union européenne dans le cadre du projet Fawira pour l'achat du matériel alors que «la demande introduite, depuis 3 ans, auprès de la Badr n'a pas encore eu de réponse», regrette-t-il. Notre interlocuteur parle même de faillite de certains investisseurs due à cette problématique des financements. Pourtant l'Algérie ambitionne de placer ce produit important sur le marché international. Mais, là aussi, des problèmes se mettent au travers des opérateurs qui ont tenté l'expérience. D'abord à cause de la question des standards internationaux, notamment vers l'Europe, mais aussi des lenteurs administratives et bureaucratiques. Dans l'attente d'une organisation meilleure de cette filière, l'Algérie risque encore une fois de rater le train pour la diversification de ses exportations hors hydrocarbures, d'autant que ses potentialités dans la filière oléicole sont extraordinaires, pour peu qu'elles soient bien exploitées. B. A.