J'ai connu le regretté Jean-Luc Einaudi au Centre culturel algérien de Paris. C'était le 15 décembre 2011. Lors d'une conférence tenue ce jour-là, nous avions évoqué ensemble le combat de Fernand Iveton, guillotiné à la prison de Barberousse, à Alger, le 11 février 1957. «En ce qui me concerne, avait-il dit, et tant que je le pourrai, en tant que citoyen français, pas en tant qu'historien, je continuerai à faire tout ce que je peux pour que la vérité soit connue concernant Fernand Iveton et tous ceux qui ont été conduits à la guillotine au cours de ces années-là.» Il a rappelé les conditions dans lesquelles il a écrit le livre, en 1986, «Pour l'exemple, l'affaire Fernand Iveton» Au colloque qui avait suivi la cérémonie de remise du Prix Maurice Audin de mathématiques, au mois de juin 2012, il était revenu sur «l'affaire Fernand Iveton». «N'est-il pas troublant, dit-il, que cette cérémonie pour la vérité sur l'assassinat de Maurice Audin se tienne en cette très grande Bibliothèque de France qui porte, en hommage, le nom de l'ancien garde des Sceaux devenu président de la République française...François Mitterrand porte la responsabilité historique d'avoir fait procéder aux premières exécutions capitales de la Guerre d'Algérie, le 19 juin 1956 (Hamida Zahana et Abdelkader Ferradj)...Parmi ces guillotinés, je voudrais vous parler également de Fernand Iveton. Ouvrier communiste, Fernand Iveton avait rejoint le FLN. Sans avoir tué ni voulu tuer, ni même blessé qui que ce soit, il fut jugé et condamné à mort par le tribunal militaire d'Alger, dix jours après son arrestation...Il fut guillotiné (le 11 février 1957) ...On sait qu'au Conseil supérieur de la magistrature, dont il était vice-président, François Mitterrand a voté la mort de Fernand Iveton...En cette très grande bibliothèque nationale de France qui honore François Mitterrand, rappelez-vous de Fernand Iveton.» Le souvenir de Jean-Luc Einaudi, l'Ami de l'Algérie, dont le seul souci était «la recherche de la vérité qui n'est jamais absolue, mais il faut y tendre», comme il aimait à le souligner, est gravé dans notre mémoire. M. R. *Chercheur en histoire et auteur