Wiza Ouhemmouche L'assassinat de Maurice Audin en juin 1957 par les parachutistes de l'armée coloniale française à Alger a été au centre d'une soirée-débat organisée, lundi dernier, au Tarmac (Paris 20e) par la Ligue française des droits de l'Homme (LDH), Mediapart, L'Humanité, avec les Amis de L'Humanité et les Amis de Mediapart, en présence de la veuve du martyr, Josette Audin, pour demander «la vérité sur l'assassinat» du jeune mathématicien communiste engagé pour l'indépendance de l'Algérie. Devant un public nombreux, les intervenants, sont revenus sur les conditions de la mort de Maurice Audin, la disparition de son corps et les affres de la torture qu'il a subies pendant 43 jours ainsi que l'entêtement de l'Etat français à nier sa complicité et sa responsabilité dans cet assassinat. La soirée qui a abouti à un «appel pour la reconnaissance de ce crime d'Etat et des violations massives des droits de l'Homme par l'armée française durant la Guerre d'Algérie», a débuté par la projection du documentaire sur Maurice Audin. La Disparition, de François Demerliac, qui retrace le parcours militant d'Audin, sa vie à Alger, ses études, sa fausse évasion propagée par ses assassins dans un transfert alors qu'il était détenu par les paras français... Le réalisateur a indiqué qu'il avait parlé, alors qu'il préparait son film, sorti en 2010, pendant une heure avec le tortionnaire en chef Aussares, décédé en décembre 2013, qui avait «nié toute implication (la sienne, Ndlr) dans l'affaire Audin». Un représentant de la LDH a affirmé à l'assistance que «les autorités françaises n'ont pas fait le nécessaire malgré la déclassification de certaines archives qui n'ont pas apporté des renseignements importants en rapport avec la disparition d'Audin». Un membre des amis de Mediapart a qualifié de «mensonge d'Etat» la posture de l'Etat français face à ce crime «commandité par les responsables politiques de l'époque». Il ajoutera qu'il attend de l'actuel président de la République française, François Hollande, qu'il «ouvre un chemin de vérité et de fraternité», mais sans aller jusqu'à lui demander la «repentance». «Ceci nous l'exigeons: il faut que l'Etat français reconnaisse la torture en Algérie [...], après avoir reconnu la Guerre d'Algérie en... 1979, alors que de hauts officiers de l'armée coloniale ont reconnu l'usage de la torture en Algérie», dira-t-il. La «vérité sur la responsabilité des militaires et des politiques dans l'affaire de la disparition de Maurice Audin» est une exigence, réitérera le militant. Sadek Hadjerès, ancien militant nationaliste et communiste affirmera, lui, que «les bourreaux ne parviendront jamais à effacer les traces de leurs crimes». «La torture était une pratique massive et non avouée», témoignera-t-il avant de conclure son intervention par une note de détermination : «Nous sommes les marcheurs d'une longue marche, il faudra continuer.» L'historien spécialiste du Maghreb colonial, René Gallissot, a dénoncé de son côté «la chaîne de commandement oral de la torture pour ne pas laisser de traces [...] et la complicité politique dans le fonctionnement du gouvernement qui préside à la décision, la complicité face à l'impunité et la complicité du silence». À ce propos, M. Gallissot a dénoncé l'impossible accès aux documents du régiment militaire, de la région militaire, du ministère de la Défense, de l'exécutif et enfin la complicité politique qui est de mise jusqu'au sein du gouvernement sur l'assassinat de Maurice Audin. Malika Rahal, docteur en histoire, auteur de L'Union démocratique du Manifeste algérien (Udma) (1946-1956), Histoire d'un parti politique. L'autre nationalisme algérien et qui est connue pour son travail sur l'assassinat de Boumendjel qu'elle considère comme le premier gros scandale de la torture en Algérie, a, pour sa part, souligné que des déclarations d'Aussares ouvrent la possibilité de trouver des corps des disparus lors de la même période sombre du colonialisme. Le débat de cette soirée qui a permis surtout d'actualiser les demandes de vérité sur l'assassinat d'Audin et de rappeler l'exigence de la reconnaissance de la torture par la France, a été animé par l'historien Gilles Manceron, membre du Comité central de la LDH et coresponsable du groupe de travail «Mémoire, histoire, archives». W. O.