La population de Bangui ne cachait pas sa satisfaction de voir se retirer de la force africaine en Centrafrique l'armée tchadienne, que les Nations unies ont accusée, hier, d'avoir abattu la semaine dernière 30 personnes sans avoir été provoquée. La polémique sur cette tuerie a duré toute la semaine, les différentes parties en présence donnant des versions contradictoires. Un porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Rupert Colville, a directement accusé les soldats tchadiens d'avoir tiré sans avoir été provoqués. «Ils ont illégitimement ouvert le feu sur la population. Les soldats ont tiré de façon indiscriminée», a-t-il affirmé. La force africaine en Centrafrique (Misca), la France qui a déployé 2 000 soldats dans le pays, et le gouvernement centrafricain, ont, eux pointé du doigt les miliciens anti-balaka, qu'ils accusent d'avoir attaqué à la grenade le détachement tchadien. Dans la population et la presse de Bangui, la satisfaction dominait, illustrant la défiance envers les voisins du Nord. «Adieu les oppresseurs et les envahisseurs de la RCA à la solde d'Idriss Déby Itno», le président tchadien, titrait ainsi le quotidien Centrafric matin. «C'est un grand ouf de soulagement (...) C'est le début de solution à la résolution de la crise centrafricaine», affirme un étudiant, Richard Balawa. Agathe Mandéno, cadre de la Santé, estime que le Tchad a joué un grand rôle dans la descente aux enfers de la Centrafrique : «notre pays est aujourd'hui dans cette situation à cause des Tchadiens. Ils font la pluie et le beau temps en Centrafrique». Les soldats tchadiens ont été accusés à plusieurs reprises, depuis l'arrivée au pouvoir de la Séléka, de passivité face aux exactions de celle-ci contre la population, voire de connivence - certains étaient Tchadiens. N'Djamena a toujours démenti avec force. Peu semblaient regretter le départ des Tchadiens au PK-5, enclave musulmane de Bangui où les quelques milliers de personnes restantes sont continuellement harcelées par les milices anti-balaka, groupes à dominante chrétienne formés en réactions aux exactions des combattants Séléka. «Ce n'est pas grave, ici ce sont les Burundais (de la Misca) qui nous protègent. Et ils le font plutôt bien», affirme Athaïr, jeune commerçant musulman membre d'un groupe de défense du quartier : «On remercierait presque Dieu que les Tchadiens s'en aillent car on les accuse de nous protéger, d'être partisans.» Le contingent tchadien, qui avec environ 850 soldats est l'un des principaux fournisseurs de la Misca (6 000 hommes au total), va donc se retirer alors que les forces africaine et l'armée française (2 000 soldats) réclament au contraire des renforts pour pacifier le pays. La décision tchadienne est irrévocable, a affirmé vendredi sur RFI le ministre tchadien des Affaires étrangères Moussa Faki Mahamat, jugeant que son pays, victime d'un «lynchage systématique», avait «suffisamment encaissé». Dans un communiqué, Amnesty International a demandé à ce que le départ des soldats tchadiens ne leur garantisse pas l'impunité pour leurs présumées violations des droits de l'Homme.