Samir Ould Ali Chaque année, des dizaines et des dizaines de waadi ou waadate (pl. de waada, fête traditionnelle en hommage au saint patron de la ville ou un marabout) sont célébrées à travers l'ensemble des wilayas de l'ouest algérien, contribuant à préserver la mémoire collective, mais aussi à renforcer les liens sociaux. En ne recensant que les plus connues, celles qui bénéficient d'une certaine médiatisation à travers les organes de presse, on peut citer les waadate de Sidi El Hasni, à Oran, celle d'Ouled Sid Cheikh à Aïn Témouchent, de Sidi Bel Abbès El Bouzidi à Sidi Bel Abbès, des akarma à Relizane, Sidi Moulay Tayeb à Saïda, cheikh Sidi Djillali à Tlemcen... Et pendant un ou plusieurs jours, des centaines ou des milliers de personnes, entre visiteurs et participants, se rencontrent pour honorer un saint ou célébrer la fin des récoltes à travers différentes activités, jeux de matraque, danse, fantasia, meddahs,... tout ça autour d'un méga couscous. Hommage unanime Dans la capitale de l'Ouest, la commémoration de Sidi El Hasni est, sans doute avec celle de Sidi El Houari, la waada la plus prestigieuse en raison de la qualité du personnage - illustre érudit en sciences de la charia et des lois islamiques et fondateur de plusieurs zaouias durant l'ère coloniale- mais aussi pour l'intérêt qu'elle suscite auprès des initiés et de la population. Un intérêt tel qu'en juillet 2005, cette grande waada avait, selon la confrérie Tarika taybia organisatrice de l'événement, accueilli près de 2 000 personnes venant de pas moins de 50 zaouias, à travers les 48 wilayate du pays. Des représentants des confréries religieuses de la Tarika alaouia, Tidjania, Mechachia, Bouabdellia, Hibria, Kadiria... avaient fait le déplacement pour assister à cet événement majeur dans la vie culturelle oranaise et, pendant trois jours, retracer le parcours hors du commun du saint-patron. Descendant de Moulay Abdellah Cherif El Wazzani, Sidi El Hasni, qui a vécu au 19e siècle, a étudié dans la prestigieuse Université d'El Azhar et côtoyé des savants de l'époque, comme cheikh Abdelhamid Ben Badis, avant de parcourir les pays arabes à la recherche de la connaissance et du savoir. À son retour en Algérie, il fondera plusieurs zaouias pour aider à la préservation de l'identité nationale, déjà sérieusement mise à mal par le colonialisme. Il décèdera en 1901. Impact sur la vie spirituelle Les descendants du saint-patron et héritiers de la Tarika taybia veillent à préserver la mémoire de leur aïeul en organisant, chaque été, le moussem (autre forme de waada, mais dont la durée est plus longue) qui, régulièrement, attire des milliers de participants soucieux de «perpétuer une partie de sources identitaires par une culture orale qui préserve sa mémoire, ses idées et sa symbolique», a estimé Mohamed Taïbi, sociologue de l'université de Sénia cité par un confrère. «C'est une waada qui demeure un rituel de la zaouia Taïbia, une branche de la zaouia Chadlia, qui a contribué à l'histoire de la vie spirituelle soufie en Algérie et au Maghreb», a-t-il encore expliqué. Pendant les trois jours du moussem, les participants prennent part à plusieurs activités (veillées de récitation du Coran, chants religieux, karkabou...) observent une cérémonie solennelle d'entretien et d'ornement de la sépulture du saint-patron avant, pour terminer conformément à la tradition, de s'organiser en procession et se rendre au mausolée de l'imam Sidi El Houari, saint-patron de la ville, pour un dernier hommage. S. O. A.