Nasser Hannachi Placé sous le thème «Le patrimoine culturel à l'ère du numérique», le mois du patrimoine tente avec l'édition de 2014 d'adopter de nouveaux modes de préservation, celui qu'offrent les procédés modernes pour la restauration, l'étude, l'archivage des données... Visualiser les étapes de restauration d'un site sur des images virtuelles, compiler toute une bibliothèque sur un support multimédia, rassembler des données en un temps record grâce au web, promouvoir sur la Toile l'histoire de sa ville, sensibiliser l'opinion publique à travers les réseaux sociaux sont autant de vecteurs exploités par les défenseurs du patrimoine. La ville des ponts l'a d'ailleurs fait en lançant un concours à l'adresse des collégiens intitulé «Facebook raconte l'héritage de ma ville de Constantine». Cette initiative permettra aux jeunes de s'intéresser au patrimoine de leur ville et région, tout en nourrissant une motivation personnelle, celle de décrocher le premier prix, qui sera marqué de cadeaux. Constantine, âgée de 2 500 ans et qui englobe des objets artisanaux, manuscrits, habits traditionnels, mets, et autres vestiges comme Tiddis ou le tombeau de Massinissa, aura acquis une expérience dans le traitement de ses richesses patrimoniales. Le musée de la ville, Cirta, qui est la plaque tournante régionale en matière touristique, après les ponts suspendus, attire autant de visiteurs nationaux qu'étrangers, sans omettre les visites guidées au profit des écoliers, lycéens et parfois des étudiants en quête de données pour leurs travaux ou thèses. C'est le seul organisme qui veille assidument sur le patrimoine, de l'avis de nombreux citoyens. «C'est organisé, et on sent à l'entrée du musée qu'il y a une autre vie», diront des visiteurs que nous avons rencontré dans le musée. Comme à l'accoutumée, dans le cadre du mois du patrimoine, la direction de l'institution muséale a élaboré un programme où les conférences ont bonne place, mais avec une particularité, celle de journées dédiées à la conservation des archives de la bibliothèque au moyen de la numérisation. Il est aussi programmé à cette occasion des portes ouvertes sur le musée, qui abritera plusieurs expositions. Matérielle ou immatérielle, cette richesse ancestrale qui pousse ses défenseurs et promoteurs à sacrifier temps et argent, est ainsi mise sur scène pour sensibiliser et interpeller les populations sur la donne importante de la préservation de ces legs, sous peine de perdre des repères civilisationnels. Mais cette attention ne se manifeste pas à longueur d'année dans les divers espaces et places symboliques que recèle la cité millénaire, bien que des organismes publics versés dans le créneau (le musée national Cirta et celui des arts et des expressions populaires traditionnelles) maintiennent leur calendrier relativement bien rempli durant les douze mois. Il y a également quelques associations locales, qui, depuis des années, tentent de préserver tout ce qui a trait à Cirta durant des siècles, à l'image de l'association qui s'est donné le nom «Les amis du musée», laquelle œuvre en étroite collaboration avec l'institution muséale pour veiller aux legs Constantinois sous quelques formes qu'ils soient. C'est un travail de mécènes auquel se livrent ses membres. De fait, à en croire les dires des membres, leurs actions ne bénéficient pas de soutiens financiers conséquents comme c'est le cas pour d'autres créneaux. La disparité des subventions pénalise souvent le travail de ces associations et handicape leur intervention dans plusieurs domaines, notamment la recherche d'informations, sous la tutelle de spécialistes, pour reconstituer l'histoire d'un site et son apparence lors de sa construction. «La notion de patrimoine est zappée par la majorité de la population. C'est un fait. Il est nécessaire de revoir les rudiments de la sensibilisation sur cet héritage sensible et instructif à la fois. Des excursions, des ateliers, des recherches in situ sur des terrains historiques, sous la supervision d'un spécialiste évidemment... est un ensemble d'actions qu'il faudra matérialiser afin d'inculquer déjà aux plus jeunes la notion de sauvegarde», dira le membre d'une association culturelle. Le patrimoine est évoqué une fois par an. Cette aubaine qui lui est offerte le met en relief dans des débats et des conférences avec toujours cet engouement d'alerter les opinions sur cet acquis «inestimable». Mais, parallèlement, des sites archéologiques peinent à renaitre de leurs cendres. Il leur est consacré un intérêt et une attention durant presque l'étendue de 30 jours, et seront bien vite oubliés par la suite. Tiddis en est l'exemple le plus éloquent. Depuis des années, il attend désespérément une intervention réelle. Les atermoiements dans sa prise en charge s'enchaînent malgré les promesses des responsables et notamment après que les bureaux d'études aient élaboré des esquisses relatives à sa réhabilitation. Pour l'heure, il n'a bénéficié que d'une simple barricade pour éviter la poursuite de sa dégradation. La vieille ville est l'autre vitrine ancestrale en décadence accélérée et qui croise les doigts pour que sa restauration dans le cadre de l'évènement «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» devienne une réalité. Un mois chargé d'histoire est ainsi ouvert à la population, des débats et des expositions présentent les trésors ancestraux de Constantine. Mais ces richesses craignent encore et toujours la disparition et/ou la dégradation par le temps ou par l'action de l'homme, car le mois passé, tout retombe à plat alors que l'action devrait s'inscrire dans le temps et dans l'espace, 12 mois sur 12 et partout à travers la wilaya et le pays. Ce n'est qu'à ce prix que les populations manifesteront de l'intérêt pour ce valeureux patrimoine. N. H.