Par Nasser Hannachi Après un mois de Ramadhan bien garni en fêtes, soirées et spectacles avec plus de 150 manifestations culturelles servies à la population grâce au soutien financier conséquent du ministère de la Culture et des autres institutions locales, les activités artistiques renouent avec leurs stations classiques, ces rendez-vous institutionnalisés que sont les festivals, pour marquer la nouvelle rentrée. «Nous voulons nous délester au fur et à mesure des festivités «conjoncturelles» marquant tel ou tel évènement précis. La culture doit être une activité pérenne, durant tous les mois de l'année», nous affirmera d'emblée le premier responsable de la direction de la culture de la wilaya de Constantine, M. Foughali. C'est une tendance qu'on essaye de mettre en place. Car, bien qu'elle soit dans l'ordre logique des choses, elle est cependant novatrice, car l'habitude de se contenter d'exécuter le programme préétabli, quitte à faire du copier-coller en rééditant ce qui a déjà été programmé l'année d'avant, est un reflexe dont il sera difficile de se départir. D'autant plus qu'une culture au quotidien exige la mise en place d'un maillage culturel conséquent. Constantine a, en fait, déjà amorcé un programme culturel avec l'organisation, durant la première quinzaine de septembre, de la troisième édition du festival local «Lire en fête». Un engouement palpable a été pressenti chez les parents qui n'ont pas hésité à faire découvrir à leurs bambins les délices de la lecture, du théâtre et du conte. Contrairement aux deux premiers rendez-vous jugés trop timides et plats, cette dernière édition a pris un peu plus de relief et de consistance. Les organisateurs tirent plutôt un bilan positif de la rencontre qui, pour cette année, s'est étendue pour se tenir sur deux sites, le Théâtre régional, la Maison de la culture Mohamed El Aïd El Khalifa et s'est même délocalisée pour toucher des communes de la wilaya. Pour bien mesurer l'impact du festival dédié aux enfants, les responsables s'affairent à établir une rétrospective comparative qui sera transmise incessamment au ministère. «Le festival a montré des signes prometteurs durant ces quinze jours du mois en cours. Au moins 163 livres/jours étaient dévorés par des enfants, en témoignent les fiches des exposants», se félicite le directeur de la culture qui ajoutera : «En plus de la lecture, le théâtre et le conte étaient à l'honneur, tandis qu'en matière créative ‘‘Lire en fête'' a pu déceler douze jeunots excellant dans le dessin, c'est encourageant.» Dans le sillage de la reprise, la troisième ville du pays enchaînera prochainement ses sorties pour exposer son patrimoine populaire dans diverses wilayas, dans le cadre des semaines culturelles des wilayas tracées par le ministère de la Culture. Au programme : Mostaganem, Adrar et Biskra, en attendant la confirmation d'autres stations. Au total douze échanges sont prévus durant cette année, nous indique le même responsable. Certes, l'impact de ces manifestations n'a pas été perçu et l'afflux du public n'a pas été perceptible durant l'entame de ce cycle itinérant. Toutefois, de l'avis de certains observateurs, les arts populaires ont toujours leur place dans la société et leur présentation est bien accueillie car, elle évoque un pan de la mémoire collective. «C'est une pierre angulaire du patrimoine matériel et immatériel», ont-ils expliqué. Quant aux associations à caractère culturel, au nombre de 45 à Constantine et dont la liste s'est allongée durant ces deux dernières années, ayant été informées des aides octroyées par les pouvoirs publics et notamment le soutien de la tutelle avec le consentement préalable des directions de la culture, elles sont appelées à marquer leur présence sur la scène culturelle locale avec des activités impactantes. Leur rôle est aussi important que les autres acteurs, qu'ils soient privés ou publics. A condition, selon le directeur, qu'elles ne versent pas toujours dans la monotonie. «Il leur faudra innover et apporter de nouvelles grilles digestes», recommandera M. Foughali. «L'exclusion n'est pas le propre des organismes culturels. Ces derniers prônent la nouveauté et la qualité», ajoutera-t-il. Mais sans aucun doute, l'évènement automnal le plus attractif et renommé demeure le Festival international du malouf, qui devra se tenir du 28 septembre au 4 octobre. Pour sa septième édition, ce festival verra une programmation enrichie d'artistes locaux. Quelques trente interprètes s'alterneront sur les scènes, car, comme «Lire en fête», le Festival international du malouf ira dans des municipalités excentrées. «C'est une façon de décentraliser la manifestation et la faire vivre aux contrées isolées», explique le commissaire du festival et directeur de la culture. Quant au festival d'El Inchad, qui a accumulé sa popularité à Constantine, il sera organisé du 31 octobre au 6 novembre. En ce qui concerne l'activité littéraire, la poésie féminine et le colloque Reda Houhou devront boucler l'année 2013. Et c'est Yennayer qui étrennera la nouvelle année 2014 qui devra s'enrichir de divers programmes qui sont en phase de finalisations. Néanmoins, il reste un segment qui demeure absent, inerte : le cinéma. C'est le maillon faible de la chaîne culturelle qui attend encore et toujours la politique qui le fera ressortir des bas-fonds où on l'a précipité. Après plusieurs reports, la réhabilitation des salles retenues par le ministère de la Culture, en accord avec l'office central chargé du volet, notamment en prévision de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015», semble ne plus être ce projet continuellement renvoyé aux calendes grecques. Le dossier relatif aux salles sombres serait parvenu au bout du tunnel bureaucratique. C'est l'étape la plus importante, nous confie un responsable. Reste à lancer les appels d'offres. En revanche promettra-t-il, la salle An Nasr sera incessamment réhabilitée, avant le grand chantier prévu pour la méga manifestation. Pour ce qui est du 4e art, le Théâtre régional compte jouer la carte de la performance et renforcer son équipe en affinant la formation de sa génération montante de comédiens avec l'ouverture d'ateliers in situ. Au vu de tout cet éventail arrêté par les encadreurs de la culture, il reste un chapitre à parfaire pour rendre l'acte culturel quotidien : la sensibilisation du public, la société civile en particulier. «Par le passé, on déplorait le manque des finances pour étoffer les programmes destinés aux activités et initiatives culturelles. Cet alibi n'a plus de place. Il faut avouer que les moyens financiers sont disponibles et suffisants», affirme M. Foughali, appelant les acteurs locaux influents à se pencher sur cette problématique «de démission partielle» du public pour trouver un remède à cette défection qui jette l'ombre sur plusieurs activités culturelles organisées ici et là. Les spectacles et manifestations se relayent sur les scènes et dans les espaces culturels s'efforçant de satisfaire tous les goûts, pourtant il arrive souvent que le public soit absent ou rare. «Sensibiliser à l'acte culturel, qui doit être une partie indissociable du quotidien, est la seule alternative pour hisser le niveau de l'afflux», conclut notre interlocuteur. N. H.