Nasser Hannachi La ville de Constantine est un chantier ouvert. Des travaux sont engagés aux quatre coins de la cité. Le compte à rebours a été enclenché pour la majorité des projets il y a quatre mois car il faut livrer des chantiers culturels à temps, c'est-à-dire avant avril 2015. La manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» est bien évidemment le catalyseur de cette frénésie. Mais cela ne veut pas pour autant dire que tout est réglé comme du papier à musique. Loin s'en faut. Les projets sont en route. On commence à entrevoir l'œuvre, mais rien n'est bouclé encore. Les coups de marteau-pilon s'accélèrent à Constantine. Les esquisses commencent à prendre formes, mais on est à quelques mois seulement du démarrage de la manifestation alors qu'avec une démarché planifiée ordonnée et organisée, tout aurait dû être déjà finalisé. Les responsables locaux ont fini d'ailleurs par reconnaître les retards cumulés dans les divers chantiers et leur incapacité de livrer tous les projets à temps. Aussi, ont-ils opté pour une solution alternative, celle consistant à satisfaire la moitié de la commande. Autrement dit, finaliser les chantiers des infrastructures nécessaires à l'ouverture de la manifestation qui seront inauguré le jour J. On citera la salle de spectacle de 3 000 places à Zouaghi et le Palais de la culture Mohamed El Aïd-El Khalifa, au cœur de la ville, qui est en réhabilitation. Quant au reste des chantiers, ils seront réceptionnés à la fin de ce rendez-vous, promet-on. Idem pour les opérations relatives aux restaurations des sites et vestiges du patrimoine qui devront s'étendre dans le temps vu la complexité des travaux devant y être accomplis, qui nécessitent non seulement une étude technique, mais également des spécialistes et une main-d'œuvre qualifiée. Malgré tous ces écueils et retards, les responsables locaux sont convaincus d'être prêts le jour J et maintiennent leur engagement d'être au rendez-vous le 16 avril 2015. Le seront-ils ? Fiction ? De nombreux observateurs soutiennent que non, à moins de se contenter du peu et de trouver des alibis pour expliquer les retards dans les programmes de réalisation, par exemple en évoquant, comme à l'accoutumée, les contraintes relevant du relief et du tissu urbain constantinois. Ainsi, ajoutent-ils, malgré la révision à la baisse des premières prévisions de réalisations de départ, les projets risquent d'être livrés avec des imperfections dues au bâclage et au travail dans la précipitation pour rattraper le temps qu'on n'a pas su exploiter. Ces craintes sont exprimées même par de simples citoyens qui, se basant uniquement sur les évolutions des travaux qu'ils constatent quotidiennement, estiment que la ville s'est ouverte grandement sur des chantiers qu'elle ne semble pas capable, en raison des latences enregistrées dans certains sites (Palais des expositions à Aïn El Bey, Musée El Kantara), de mener à terme dans les temps impartis. De plus, tous ces chantiers ont eu un impact sur l'activité culturelle dans la ville. Constantine s'est vue amputée de son rendez-vous capital de printemps : le Festival international de jazz, DimaJazz. Programmé annuellement au sein du Théâtre, il est obligé de se trouver un autre site d'accueil, l'infrastructure ayant été inscrite par les responsables sur la liste des bâtisses à restaurer dans le cadre de la méga manifestation. Mais là encore, le chantier a mis du temps pour démarrer et le retard est déjà consommé. Même constat pour le cinéma qui a aussi connu des atermoiements multiples. Les trois salles (sur les six) devant accueillir les projections de films au programme de «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» viennent tout juste de bénéficier de l'aval de l'office concerné en collaboration avec celui des réalisations pour entreprendre les opérations d'aménagement. Le même nombre de salles devra voir le jour au cours de l'année 2015. Sur ce point, des cinéphiles se disent optimistes, misant sur le côté cinéaste de la ministre de la Culture, Mme Nadia Labidi, qui va certainement apporter son expérience dans le domaine, même si elle ne le privilégiera pas par rapport aux autres, étant d'abord et avant tout la ministre de la Culture et non du cinéma. Au final, une course contre la montre est engagée. Mais d'aucuns pensent que les décideurs locaux n'auraient n'ont pas pris au départ la mesure du travail qui les attendait et le temps qu'il nécessite pour l'étude et la réalisation, ce qui a engendré toute cette complexité ayant poussé l'ex-ministre de la Culture à tracer une autre feuille de route pour donner toutes les chances au projet qu'elle a initié d'être concrétisé. Mme Labidi prend le train en marche et devrait incessamment s'enquérir de l'avancée des chantiers pour recadrer ce qui doit l'être et booster ce qui tourne au ralenti ou fait du sur-place. Des mesures et directives devront suivre les consultations et concertations. Mais il sera difficile, voire impossible, de tout remettre à plat, même si le scepticisme plane, dès lors que la ville est déjà en chantier. La nouvelle responsable devra donc travailler sur un programme déjà tracé en s'efforçant d'apporter les correctifs nécessaires et du punch pour accélérer le mouvement afin de ne pas compromettre la tenue de la manifestation. Au chapitre de l'exploitation des espaces culturels, il est noté depuis des décennies que la ville n'en tire que peu de profit. La faible animation a encouragé les décideurs à se contenter de la salle du Théâtre régional qui accueille tous les spectacles. Quant au Palais et Maison de la culture, ils étaient utilisés plus pour accueillir des rendez-vous politiques que des manifestations culturelles. Evidemment, pour la culture, ça sera une aubaine que de repenser les missions de ces infrastructures et d'en construire de nouvelles, à condition qu'elles soient exploitées de manière optimale. Une chose est sure, une fois livrées, toutes les réalisations en chantier devront suffire à réanimer la culture dans la cité millénaire. Il s'agira de les faire fonctionner à plein régime, d'où la nécessité d'un bon choix des responsables qui auront à les diriger. La lancinante problématique de l'exploitation et de la programmation reste posée, les responsables continuant encore et toujours à puiser leur inspiration dans des listings préétablis. L'obligation de sortir des sentiers battus pour régénérer l'acte culturel, dans toutes ses dimensions et expressions, demeure le passage obligé pour réanimer la culture dans une cité active seulement par ses chantiers. N. H.