Depuis Balfour, les Palestiniens sont à la recherche d'une existence, d'un Etat. Jamais peut-être le peuple palestinien ne s'est senti aussi seul. Israël fête les 60 ans de sa création, les Palestiniens, eux, commémorent la «Nakba», la catastrophe qui s'est abattue sur eux, résultat d'une machination machiavélique. L'Histoire est manifeste. Les milices juives armées ont investi les foyers d'un peuple innocent et l'ont expulsé. C'est que la vision sioniste ségrégationniste de la création d'un Etat juif en Palestine signifiait aussi l'élimination de la population autochtone «non juive». Dans son livre qui a fait l'effet d'une bombe à l'occasion de ce soixantenaire, le Nettoyage ethnique de la Palestine, l'historien israélien Ilan Pappe note que, «le 10 mars 1948, onze hommes, vieux dirigeants sionistes et jeunes officiers juifs, ont mis la dernière main au plan de nettoyage ethnique de la Palestine». L'historien explique comment les milices juives, à l'origine de la future armée de l'Etat d'Israël, ont mis à exécution un plan d'intimidation et de siège à grande échelle. La méthode est classique. Ils mettent le feu aux maisons palestiniennes, posent des mines, détruisent plus de 500 villages et perpètrent d'autres actes pour terroriser la population. Résultat : près de 800 000 Palestiniens ont été contraints de fuir leur terre et d'aller s'installer dans des camps de réfugiés. Ces derniers sont encore là pour témoigner de l'abject. Les camps de Ghaza, de Cisjordanie, de Jordanie, du Liban, de la Syrie sont éloquents de vérité. Un nettoyage ethnique massif avait frappé les Palestiniens. Ces derniers sont devenus les victimes des victimes de l'Europe. Il y a 10 ans, le regretté Edward Saïd, à propos des célébrations des «50 ans d'Israël», écrivait : «Je reste moi-même étonné par ce que sont prêts à faire Israël et ses partisans pour effacer le fait qu'un demi-siècle s'est écoulé sans la restitution, la reconnaissance ou l'acceptation des droits humains palestiniens… la Nakba palestinienne est présentée comme un événement qui relèverait à moitié de la fiction… provoqué par personne en particulier.» Et en ce mai 2008, le même déni obstiné à reconnaître la Nakba palestinienne caractérise les festivités des «60 ans d'Israël» dans les médias occidentaux aujourd'hui. Incontestablement pour les Palestiniens, la négation de la Nakba correspond à la négation de l'Holocauste pour les Juifs. Se souvenir de la Nakba s'impose à tous les hommes libres. Le président Jimmy Carter a comparé le joug israélien à un système d'apartheid. L'image qui a fait jaser est pourtant détonante de vérité. Israël semble s'installer dans un processus sans fin pour rendre les Palestiniens prisonniers d'un cycle ressassant de désespoirs et de violences. Israël refuse toujours à des millions de réfugiés palestiniens à travers le monde leur droit inaliénable pourtant garanti par les Nations unies, à revenir sur leur terre. Simplement parce qu'ils ne sont pas Juifs. Israël continue son occupation militaire de la Cisjordanie, de la ville sainte d'El Qods et du plateau du Golan syrien. Israël poursuit la construction de son mur de la honte, illégal et condamné par la justice internationale. Et les colonies pullulent sur la terre palestinienne occupée malgré les multiples résolutions. Enfin, Israël, soixante ans après sa création, continue de traiter sa propre population (les Arabes israéliens) comme des citoyens de seconde zone. D'un autre côté, le Monde arabe et musulman se caractérise par une carence et une myopie à toute épreuve. La cause palestinienne a constitué un véritable fonds de commerce pour tous les régimes arabes face à leurs opinions depuis le début des indépendances. Mais à partir du 11 septembre 2001, les régimes arabes, par la volonté des Etats-Unis, sont partagés en deux entités. Les Etats dits modérés, c'est-à-dire ceux qui adhèrent sans rechigner à la vision américaine de la paix dans la région à l'image de l'Egypte, de l'Arabie saoudite et de la Jordanie. Et les autres dont les positions se manifestent plus par une incohérence qui frise la chaise vide. C'est que l'hyper-puissance est là, prompte à punir les récalcitrants. Dans le dossier palestinien, Washington fait preuve de perfidie et de duplicité. Bien que les grandes options stratégiques ne s'en trouvent nullement bouleversées, il arrive qu'un semblant de chamaillerie s'installe entre les États-Unis et son ami et allié Israël. Le président américain George Bush qui vit ses derniers jours à la tête de l'hyper-puissance voudrait bien obtenir au moins en apparence des résultats pour son bilan. Plus de sept mois après la conférence alibi d'Annapolis, la réalité sur le terrain est loin d'être reluisante, Israël refusant même de jouer le jeu. La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice exige pourtant un minimum. Seulement la levée des barrages et check points «qui gênent gravement la circulation des Palestiniens». C'est trop demander à un Etat promu au-dessus des lois internationales. Du coup, la responsable américaine «menace gentiment» d'envoyer son personnel d'ambassade vérifier sur le terrain l'application des recommandations. Ce qu'elle ne fera pas. C'est un secret de Polichinelle qu'Israël n'a accepté de lever que 44 «obstacles» en Cisjordanie sur les 61 qu'il s'était engagé à démanteler. Et la plupart, précise l'Organisation onusienne, n'ont que peu d'importance. Les gouvernements occidentaux, au summum de l'hypocrisie quand il s'agit d'Israël, ont créé des Etats pour tous les peuples opprimés de la terre. Du Timor oriental jusqu'au Kosovo récemment. Mais dès qu'il s'agit des Palestiniens, toutes les valeurs morales, les vertus de «démocratie», de liberté et les droits humains qu'ils prétendent défendre pour créer ces Etats indépendants tombent comme par enchantement. Israël semble relever du sacré. De ce fait, seule la résistance militera pour l'existence futur d'un Etat palestinien. M. B.