La guerre civile en Syrie continue d'inquiéter la communauté internationale, qui avertit contre un embrasement régional, dans un rapport présenté à l'ONU hier, par une commission internationale d'enquête indépendante. Le document en question tire en effet la sonnette d'alarme sur les implications régionales de la dégradation de la situation à Damas, où Bachar al-Assad vient d'être réélu à la tête du pays, lors d'une présidentielle dont la légitimité a été contestée par les capitales occidentales, alors que la Russie et la Chine, ainsi que l'Iran se sont félicités de la tenue du scrutin et ont apporté leur soutien au régime syrien. «Il y a une escalade de la violence sans précédent en Syrie», a déclaré Paulo Sergio Pinheiro, le président de cette commission devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU à Genève. Le rapport a été établi sur la base de plus de 3 000 entretiens qui ont révélé qu' «un nombre massif de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité» a été commis en Syrie rien qu'entre le 15 mars et le 15 juin, période durant laquelle la commission a mené son enquête, ont repris les médias. «Les enquêtes menées ont renforcé la thèse selon laquelle la principale cause des pertes civiles, des déplacements massifs de population, et le ciblage délibéré des civils, ainsi que des attaques sans discrimination et l'imposition punitive de sièges et de blocus», a précisé le rapport. Quatre listes confidentielles, avec les noms des auteurs impliqués dans les crimes commis en Syrie, ont été remises au Conseil des droits de l'Homme. La commission indépendante a établi en effet «la culpabilité de centaines d'auteurs» dans les exactions en masse des civils et des opposants politiques au régime de Damas qui bénéficie du veto russe et chinois devant le Conseil de sécurité de l'ONU. «Plus ce conflit s'éternise, plus grand est le risque que les souffrances de millions de personnes soient occultées par des statistiques», a indiqué M. Pinheiro. «Derrière les 9,3 millions de personnes qui ont besoin d'aide humanitaire d'urgence, il y a des histoires individuelles de souffrance inimaginable», a ajouté M. Pinheiro. Pour sa part Carla Del Ponte, autre membre de la commission, a précisé dans un point de presse que la mission de la commission était d'engager des «poursuites judiciaires contre les personnes» coupables de ces crimes, rejetant l'idée de poursuivre en justice des «groupes», tels que l'Eiil (Etat islamique en Irak et au Levant), selon ses termes. Pour ce faire, Mme Del Ponte a expliqué que «le problème, c'est que nous avons besoin d'une volonté politique» pour avancer dans ce dossier, proposant «la création d'un tribunal chargé de juger les auteurs de crimes de guerre, car sinon, ce sera une tragédie pour la justice internationale». Mais là encore, le veto chinois et russe empêche toute action de ce genre. La Chine et la Russie ont opposé le mois dernier leur véto à un projet de résolution du Conseil de sécurité, soutenue par 65 pays, pour saisir la Cour pénale internationale sur les crimes commis en Syrie. Pour rappel, la commission, qui est composée de Paulo Sergio Pinheiro (Brésil, président), Karen AbuZayd (USA), Carla del Ponte (Suisse) et Vitit Muntarbhorn (Thaïlande), a été mandatée par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies pour «enquêter et enregistrer» toutes les violations du droit international relatives aux droits de l'Homme en Syrie. Elle a été mise en place il y a 3 ans et publie, depuis cette date, des rapports et des mises à jour sur la situation en Syrie. R. I./Agences