La Cour pénale internationale doit être saisie pour enquêter sur les crimes de guerre commis en Syrie, a déclaré lundi à Genève Mme Carla del Ponte, ancienne procureur à la Cour pénale internationale, et membre de la Commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie. Cette commission, qui a publié lundi un nouveau rapport, détient une liste des noms des auteurs de crimes de guerre, qui devraient être confrontés à la justice. Ce rapport de 131 pages dénonce notamment l'escalade de la violence, et pour Mme del Ponte, il est désormais "temps d'agir". "Nous proposons la Cour pénale internationale, nous ne pouvons pas décider nous-mêmes, mais nous faisons pression sur la communauté internationale pour qu'elle agisse", a déclaré Mme del Ponte, au cours d'une conférence de presse pour présenter le nouveau rapport. "Il est temps de réagir, après deux ans, il est incroyable que le Conseil de sécurité n'ait pris aucune décision", a-t-elle poursuivi. La décision de saisir la Cour pénale internationale est du ressort du Conseil de sécurité de l'ONU, profondément divisé entre, d'un côté les pays occidentaux, et de l'autre la Russie, un allié de longue-date du régime syrien, et la Chine. La Chine soutient la Russie sur la question syrienne, opposant son veto aux résolutions du Conseil de sécurité qui auraient davantage mis sous pression le régime. Pékin a aussi lancé plusieurs appels au dialogue pour mettre fin aux violences. De son côté, le président de la commission d'enquête, le Brésilien Paulo Pinheiro, est intervenu par téléphone pendant la conférence de presse, pour refuser de donner des précisions sur la liste de noms des personnes responsables de crimes de guerre, tant du côté gouvernemental que du côté des rebelles. La commission doit remettre cette liste le mois prochain au Comité des droits de l'homme de l'ONU, ce qui pourrait être une première étape pour le déclenchement de la machine judiciaire. La commission ne publiera cependant pas cette liste, a indiqué M. Pinheiro. "Les noms sont dans notre banque de données et notre liste couvre tous les niveaux de responsabilité", a ajouté le diplomate. Mme del Ponte s'est également refusée à donner des précisions sur la liste. Mme del Ponte, une magistrate suisse de haut-rang, s'est fait connaître sur la scène internationale, en tant que procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), entre 1999 et 2007. La commission d'enquête de l'ONU a été créée en 2011, sous l'égide du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, pour enquêter sur la guerre civile qui oppose le régime syrien à des rebelles depuis mars 2011 et qui a fait quelque 70.000 victimes à ce jour. "Nous ne prenons pas parti, nous devons enquêter sur les crimes commis par ceux impliqués dans le conflit", a indiqué M. Pinheiro. La commission ne peut physiquement pas se rendre en Syrie pour enquêter, car le régime syrien n'a pas répondu à sa requête de venir sur place. Pour rédiger ses rapports, la commission se base sur des entretiens menés auprès de quelque 1.500 réfugiés. Le rapport publié lundi à Genève fait suite à un précédent rapport publié en août 2012. Il répète que les deux camps sont coupables de crimes de guerre, avec une responsabilité légèrement amoindrie pour les rebelles. Depuis août 2012, la spirale de la violence s'est aggravée, a indiqué lundi la commission d'enquête de l'ONU. Selon M. Pinheiro, des combattants étrangers, qui ont fait leurs armes en Libye ou en Afghanistan, sont à l'origine de la radicalisation des milices anti-régime. La plupart des rebelles sont des musulmans sunnites alors que le parti au pouvoir est issu de la minorité alouite, une ramification de l'islam chiite.