Malik Boumati «Le ministère de la Culture est seulement là pour accompagner les artistes en mettant en place des mécanismes favorisant la création et l'expression artistique.» Cette déclaration de Mme Nadia Labidi, ministre de la Culture, a été faite lors d'une rencontre avec les professionnels des arts visuels auxquels elle a signifié que, dorénavant, l'initiative dans la conception de la politique culturelle devra être laissée aux artistes eux-mêmes et non au ministère. Ce n'est pas trop tôt, est-on tenté de dire après de nombreuses années d'une omniprésence étouffante de l'Etat dans le secteur de la culture. Et c'est en substance cette idée que la ministre de la Culture veut développer avec les artistes de toutes les disciplines dans des rencontres qu'elle organise depuis quelques semaines. L'idée séduit, certes, mais tous les artistes ne comprennent pas pourquoi la ministre ne rencontre les artistes que dans la capitale. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, où les artistes sont nombreux, tous saluent la politique de dialogue et de concertation de Nadia Labidi, mais «l'écartement» des artistes des autres wilayas du pays de ces rencontres de concertation n'est pas «compris» par tous les artistes dont certains disent ne pas apprécier ce qu'ils appellent une «marginalisation». Toutefois, les artistes interrogés sont loin de la virulence des propos qu'on leur connaît du temps de Khalida Toumi ou même avant, en raison notamment du cours laps de temps qui nous sépare de la nomination de la nouvelle ministre. «Il est clair que si elle dialogue avec les artistes et prend en compte leurs propositions, la future politique culturelle sera rayonnante», affirme un jeune comédien qui refuse cependant de crier victoire avant de voir ce qui sera fait concrètement. Même s'il «salue cette politique de dialogue et de concertation», il dit préférer «attendre un peu et juger sur pièce la suite de sa démarche». Notre interlocuteur ne veut pas s'attarder sur le nombre d'artistes invités à ces rencontres de concertation ni sur le lieu de leur déroulement mais dit s'intéresser plutôt au contenu de ces concertations et les suites à leur donner. «Si la politique culturelle du gouvernement est puisée des propositions des artistes et des hommes de culture qui assistent à ces rencontres, alors je n'ai pas besoin d'y assister, ni de voir ces rencontres se tenir à Tizi Ouzou», affirme-t-il non sans montrer un peu d'optimisme après la déclaration de la ministre sur l'initiative culturelle à céder aux artistes. La même hésitation est constatée chez d'autres artistes interrogés comme ce chanteur qui se dit «vacciné» contre les déclarations de bonnes intentions des responsables gouvernementaux. «Je veux voir du concret. Cela fait des années que l'on nous ressasse les mêmes discours mielleux sans que l'on ne voit quelque chose de palpable sur le terrain. Aujourd'hui, je ne m'attarde pas beaucoup sur les discours. J'attends de voir si les mots seront transformés en faits», a-t-il indiqué, précisant au passage son adhésion à la concertation menée par Mme Labidi durant ce mois de Ramadhan. «Je sais que ces concertations vont aboutir, selon le vœu de la ministre de la Culture, à une sorte de conférence nationale ou d'états généraux d'où sortira la politique culturelle du gouvernement. Si les artistes consultés sont écoutés, l'art et la culture dans notre pays connaîtront une évolution qui pourra effacer la médiocrité qu'ils ont connue pendant de longues années», dit pour sa part un autre comédien, tenté par une expérience dans le monde des cinéastes. Il salue «l'action menée jusque-là» par la ministre de la Culture, «c'est une première dans les annales du secteur de la culture». Et il dit espérer que cela aboutira à une prise en charge effective et sérieuse du champ culturel et artistique dans notre pays. M. B.