Malik Boumati On trouve dans toutes les villes du monde, dans tous les pays du monde des lieux de mémoire qui rappellent le passé, l'histoire des peuples. Du plus petit morceau de pierre aux plus grands châteaux, en passant par des «morceaux» de forêts, de grottes et d'infinies sources d'eau, ils sont tous là aujourd'hui pour raconter un petit brin d'histoire. De souffrance, de bravoure, ou tout simplement d'humanité. Certains pays ne ménagent aucun effort pour restaurer ces lieux et les protéger contre l'usure du temps et l'inconscience de l'humain, au moment où d'autres les laissent à l'abandon, au détriment de la personnalité et de l'identité de leurs peuples. L'Algérie faisait partie, il n'y a pas si longtemps, de la seconde catégorie de ces pays. Mais depuis environ une dizaine d'années, à la faveur d'un important matelas financier dont disposait le pays, des choses sont faites dans le sens de la restauration des sites historiques, même si leur préservation ne suit pas dans tous les cas. Il est vrai que les pouvoirs publics ont décidé de mener leur politique de classement et de restauration en commençant par les sites les plus importants, mais il n'est pas dit que les lieux les plus symboliques seront inclus à l'avenir dans les opérations de sauvegarde et de mise en valeur. C'est le cas de la wilaya de Tizi Ouzou, où l'opération de classement et restauration des sites historiques a commencé il y a moins d'une dizaine d'années. Plusieurs sites historiques et même archéologiques ont été restaurés après avoir été classés en tant que patrimoine national, à commencer par les maisons natales de trois figures historiques de la résistance algérienne contre le colonialisme français, en l'occurrence Lalla Fatma N'Soumeur, Abane Ramdane et Krim Belkacem. L'ancien siège de la mairie, édifié à l'arrivée des premiers colons français à la fin du 19e siècle, a également été restauré et transformé en musée. Les ruines romaines de Tigzirt, le mausolée Taksebt d'Iflissen (daïra de Tigzirt) ou les thermes romains d'At R'houna, à Azeffoun, ont bénéficié d'un programme de restauration et de sauvegarde. La résistance populaire contre l'occupant étranger (turc et français) racontée par la maison des At Kaci, une bâtisse situé à la haute-ville de Tizi Ouzou, a également attiré l'attention des responsables de l'Etat qui l'ont classée pour être restaurée. Toutefois, d'autres lieux de mémoire, certes de moindre envergure, sont complètement ignorés par les autorités compétentes ainsi que par les sociologues et les anthropologues. Des lieux qui racontent la vie quotidienne des habitants de la région plusieurs siècles auparavant. Tajmaât fait partie de ces lieux d'où ressort la vie sociale de nos aïeux. Un petit espace existant dans chaque village de Kabylie. Un espace d'organisation sociale et de concertation. Il est malheureux de constater que ce genre de lieux n'ait pas bénéficié de l'intérêt de sociologues et autres spécialistes susceptibles de raconter de façon précise la vie sociale de nos ancêtres. D'expliquer par exemple le sens donné à cette petite allée de moins d'un mètre de largeur qu'il faut traverser pour atteindre Tajmaât. Une sorte de couloir étroit qui résiste encore au temps dans certains villages, comme à Tawrirt El Hadjadj (At Yanni). Il y a également les sources d'eau, nombreuses dans la wilaya montagneuse de Tizi Ouzou, qui portent des noms capables de résumer à eux seuls l'histoire de l'endroit, de la localité ou même de toute la région. Là aussi, les spécialistes ne se sont pas intéressés à «Thala» ou «Aïn». À la haute-ville de Tizi Ouzou, on pourrait peut-être deviner d'où viennent les noms de Aïn Halouf ou Aïn Seltan, mais ce n'est pas le cas des fontaines de Zoudj Aâyoun ou Aïn Qrour, dont on ignore l'origine des noms. Il y a certainement d'autres noms de sources et de fontaines dans les villages les plus reculés de la wilaya, portant des noms dont on ne connaît pas l'origine. Des explications que ne donneront que les spécialistes en sociologie et anthropologie, mais ces spécialités sont ignorées ; parfois embrigadées. M. B.