La guerre contre le terrorisme a profondément bouleversé la doctrine et le système de défense, et, comme corollaire, l'organisation militaire du territoire en Algérie. S'ajoute désormais à la gestion de la menace classique aux frontières et dans l'espace aérien, le contreterrorisme sur le territoire national et à ses frontières. Il a fallu donc adapter la doctrine et l'outil de guerre, ainsi que la structuration militaire du territoire, à la menace double et concomitante à laquelle le pays est confronté depuis plus de vingt ans. Durant les années 1990 et 2000, l'Algérie était la cible de la menace classique tout en faisant face à un terrorisme purement domestique. Une subversion terroriste interne qui avait pour théâtre d'opération le pays intra-muros. Mais depuis cinq ans environ, la menace terroriste émane d'Etats frontaliers quand elle ne s'est pas installée aux frontières mêmes du pays. Ce qui est de plus en plus le cas du Mali, de la Libye et de la Tunisie. Par conséquent, et outre la menace militaire traditionnelle, incarnée depuis 1963 par le voisin marocain, l'Algérie traite une menace terroriste à sources de diffusion multiples, à l'intérieur du pays et le long de frontières longues de plusieurs milliers de kilomètres. Il a fallu ensuite des chocs terroristes de grande ou de moyenne intensité pour que l'adaptation de la doctrine, de l'outil et de l'organisation de défense se fasse à un rythme accéléré et plus soutenu. La prise d'otages spectaculaire et inédite sur le site gazier de Tiguentourine, a obligé les autorités à prendre les décisions conformes à la situation de choc terroriste provoquée et au traumatisme sécuritaire généré. Le contre-terrorisme devient plus que jamais la mission la plus importante des forces armées. Pour autant, la doctrine stratégique héritée de l'Indépendance, reste un élément central de la posture militaire globale : elle interdit toujours à l'ANP de prendre part à toute action militaire en dehors du territoire national, même quand elle y était fortement invitée par ses voisins sahéliens, le Niger et le Mali. Mais c'est davantage la menace terroriste à partir des frontières qui a contraint à réviser l'organisation de la défense territoriale. Elle consiste depuis trois ans en la création de deux nouvelles régions, ce qui ferait porter le nombre de divisions militaires territoriales à huit. Notamment avec la mise en place en cours de quatre nouveaux secteurs militaires dans les vastes territoires inclus aujourd'hui dans les 6e et 5e régions militaires, et qui englobent les frontières avec la Tunisie, la Libye et le Mali. Ce nouveau découpage s'imposait d'autant plus que la 6e RM, qui abrite le Comité d'état-major opérationnel conjoint des «pays du champ» sahélien (Cemoc), était relativement sous-équipée en raison de l'étendue du territoire de couverture. Les missions de ces nouveaux secteurs militaires comportent, entre autres, le contrôle des frontières grâce à un système de surveillance électronique en discussion avancée avec plusieurs partenaires internationaux, et la sécurisation des champs gaziers et pétroliers sous commandement autonome. Tirant les leçons stratégiques de l'attaque majeure de Tiguentourine en juillet 2013, le commandement de l'ANP a notamment décidé la création d'une 7e région militaire dont le QG sera établi à Illizi, à une centaine de kilomètres de la frontière libyenne. Choix qui facilite un maillage plus fin du territoire saharien. Il permet, dans le détail, le déploiement d'un plus grand nombre de forces combinées le long des frontières est, ouest et sud. De même que la construction de nouvelles installations et bases pour les forces de sécurité, à proximité des champs pétroliers et gaziers de Hassi Messaoud, Tin Fouyé, Tabankort, In Amenas et Adrar. A la frontière avec la Tunisie, un plan opérationnel algéro-tunisien de sécurité prévoit la création d'un comité de coopération militaire et de partage de renseignements sur les groupes armés et les réseaux criminels. Des dizaines de nouvelles bases de gendarmerie ont été installées par ailleurs sur les frontières libyenne, malienne et nigérienne. Outre le détachement de renforts conséquents aux bases aériennes existantes et la création d'une nouvelle base dont la fonction est de permettre une couverture plus efficace des zones désertiques transfrontalières. L'ANP, à laquelle est dévolue depuis 2012 la responsabilité de la lutte antiterroriste et contre la subversion, a également mis en place une salle d'opération pour coordonner le renseignement avec les services étrangers. Il est prévu aussi, depuis 2012, de se doter enfin d'un système de surveillance électronique intégré, équipé de radars et d'équipements d'alarme en mesure de détecter les tentatives d'infiltration du territoire. Comme constaté, la menace classique avait déjà amené l'ANP à procéder à des remises à niveau de ses équipements, à se moderniser et à se professionnaliser, en adoptant une structuration en divisions et en corps d'armée, chaque arme étant dotée de son propre état-major, en liaison avec un état-major général. De même a-t-elle adopté une politique d'armement mieux ciblée, plus réactive et plus diversifiée. Orientée sur cinq axes : Russie (allié traditionnel), partenariats, diversification des fournisseurs, priorité aux transferts technologiques et politique d'accords de compensation (offsets agreements). La persistance de l'instabilité régionale et la nature dynamique de la menace terroriste exigent, plus qu'hier encore, la mise à niveau des forces conventionnelles. De réaliser surtout l'adéquation de leurs capacités opérationnelles avec l'utilisation d'équipements très sophistiqués pour une meilleure conduite des missions sur le terrain. Renforcer et améliorer la flexibilité, la mobilité et le déploiement rapide lors des opérations de contre-terrorisme, est désormais la grande priorité de la doctrine de défense de l'Algérie. N. K.