Banalisée à outrance, pratiquée allègrement dans tous les milieux à commencer par le domicile familial, la violence est devenue un moyen d'attaque et de défense. Pour imposer sa suprématie au sein du quartier, pour «corriger» un rival qui veut faire de l'ombre, pour exprimer sa joie ou sa colère, on fait usage de couteaux, de pilons, de barres de fer et d'épées. Des batailles rangées sont organisées, pas uniquement dans des nouvelles cités où les uns et les autres -parmi les nouveaux venus, les jeunes surtout- se cherchent, se jaugent et vont en guerre chaque soir, semant la terreur. C'est aussi le cas dans de nombreux quartiers où, pour un motif ou un autre, on croise l'épée, sans se soucier des représentants de l'ordre qui semblent dépassés -beaucoup leur reprochent leur inertie- face à une telle démence. Pas un jour ne passe sans que l'on signale des rixes qui se soldent généralement, et malheureusement, par la mort. L'usage des armes blanches est courant, on ne règle pas les comptes les uns avec les autres, ou contre les autres sans y recourir, les jeunes semblent mépriser la vie pour qu'ils y mettent fin par des coups de couteau ou d'épée. On ne s'encombre plus de limites, celles-ci n'existent plus puisque quiconque veut se faire justice ou extérioriser sa haine possède la latitude d'attenter à l'existence d'autrui. On ne cherche plus à se rapprocher du nouveau voisinage pour se connaître et se comprendre, non, on entre en guerre une fois installé. On ne prend pas de gants pour régler un litige quel qu'il soit, on en appelle plutôt à l'agressivité, que ce soit pour faire valoir ses droits ou pour dire son ressentiment dans toute sa laideur. La rue, les lieux publics, les stades sont devenus des défouloirs de la haine, même le domicile où l'agressivité tient lieu de comportement au sein de la fratrie, où elle est transmise par les parents qui encouragent l'autorité violente du garçon sur sa sœur afin qu'elle apprenne à le craindre. Les relations sont, en fait, basées sur la peur au lieu de prendre appui sur le respect mutuel, les parents ont beau afficher leur adaptation au monde moderne et leur «divorce» par rapport à la dureté de leurs propres parents envers leurs filles, ce n'est qu'une façade qui tente de cacher, vainement, la perpétuation d'un tel comportement au fil des générations. Aujourd'hui, cette agressivité s'exprime partout, on casse, on brûle et... on tue. Des images comparant les supporters des années 70 et 80 et ceux de ces dernières années sont publiées sur les réseaux sociaux, les premiers savourant un match de football et les seconds brandissant des couteaux dont on est en droit de se demander comment ils y ont été introduits. Il n'est pas exagéré de dire que l'heure est grave, la goutte qui a fait déborder le vase étant la mort du joueur camerounais de la JSK Albert Ebossé. On a longtemps fermé les yeux sur le phénomène de la violence et aujourd'hui, on se rend compte qu'elle a atteint des proportions telles qu'il faudra des mesures draconiennes et des moyens herculéens pour son éradication. Une campagne de sensibilisation est annoncée pour les prochains jours, mais est-ce suffisant au point où on en est ? R. M.