L'Eiil est né en Irak en 2006 à l'initiative d'Al-Qaïda. Il se présentait comme le défenseur de la minorité sunnite face aux chiites qui ont pris le pouvoir avec l'invasion conduite par les Etats-Unis en 2003. Il se fait connaître par des tueries de chiites et les attaques-suicides contre les forces américaines. Sa brutalité et son islam intransigeant pousseront les tribus sunnites à le chasser de leur territoire. Traqués en Irak, ses membres, dès juillet 2011, soit trois mois après le début de la révolte contre Bachar al-Assad, sont appelés à aller combattre en Syrie contre le régime. En Syrie, rapidement apparaissent les dissensions entre djihadistes irakiens et syriens. Les premiers proposent la création en avril 2013 de l'Etat islamique d'Irak et du Levant, mais le chef syrien refuse et maintient le Front al-Nosra, qui devient la branche officielle d'Al-Qaïda en Syrie. Début 2014, éclate une guerre sans merci entre, d'une part, le Front al-Nosra et les rebelles syriens et, de l'autre, l'EI. Elle fait 6 000 morts. Fort de ses victoires en Irak et en Syrie, le chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, proclame en juin 2014 le «califat» à cheval sur les deux pays. Qui sont ses combattants ? Quel territoire contrôle-t-il ? Il n'y a pas de chiffres précis. L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (Osdh) évalue à plus de 50 000 le nombre de ses combattants en Syrie, dont 20 000 non syriens, venus du Golfe, de Tchétchénie, d'Europe et même de Chine. En Irak, selon Ahmad al-Sharifi, professeur de sciences politiques à l'université de Baghdad, l'EI compte entre 8 000 et 10 000 combattants, dont 60% d'Irakiens et recrute beaucoup à travers les réseaux sociaux, mais nombreux sont les rebelles qui le rejoignent par peur ou alléchés par les salaires offerts. L'Etat Islamique contrôle environ 25% de la Syrie (45 000 km2) et 40% de l'Irak (170 000 km2), soit au total 215 000 km2, c'est l'équivalent du Royaume-Uni (237 000 km2), selon Fabrice Balanche, géographe expert de la Syrie. Cependant, précise-t-il, la plupart des territoires contrôlés par l'EI, notamment en Irak, sont désertiques, ce qui réduit son emprise réelle sur le territoire. Le «califat» s'étend de Manbej, dans le nord de la Syrie près de la frontière turque dans la province d'Alep, en direction de l'Est avec toute la province de Raqa et une grande partie des gouvernorats de Hassaka et de Deir Ezzor, jusqu'à la localité frontalière de Boukamal. En Irak, il contrôle les régions sunnites de l'Ouest et du Nord avec notamment la ville de Mossoul. Pourquoi ce groupe attire les djihadistes étrangers ? Pour l'écrivain et journaliste libanais Hazem al-Amine, les djihadistes occidentaux sont fascinés par sa démonstration de force de «type hollywoodien». Les décapitations, les exécutions et la conquête de territoires font figure d'épopée. En outre, selon les experts, l'EI leur affirme qu'il a renoué avec l'islam du temps de Mahomet. Les experts estiment qu'il a plusieurs sources de financement : d'abord des contributions de pays du Golfe et le ministre allemand de l'aide au développement, Gerd Müller, accuse directement le Qatar. Pour Romain Caillet, expert des mouvements islamistes, c'est essentiellement un autofinancement. Selon lui, le financement extérieur, dont certaines familles du Golfe, représente seulement 5% de ses ressources. Il y a en revanche l'extorsion, les impôts, les taxes imposés aux populations locales. Ainsi avant la prise de Mossoul, il percevait 100 millions de dollars pas an. À cela s'ajoutent la contrebande de pétrole et de pièces d'antiquité, les rançons pour la libération d'otages occidentaux et les réserves en liquide des banques de Mossoul, dans s'est emparé l'EI au début de son offensive fulgurante lancée début juin en Irak. Selon Bashar Kiki, le chef du conseil provincial de Ninive, dont Mossoul est la capitale, les réserves en liquide des banques de la ville atteignaient avant cette offensive environ 400 millions de dollars, auxquels il faut ajouter quelque 250000 dollars qui se trouvaient dans les coffres du conseil provincial. Ses méthodes sont un mélange de terreur et de fourniture de services sociaux aux populations qui sont sous sa coupe. Ainsi pour empêcher toute velléité de soulèvement et terroriser ses adversaires, il pratique la crucifixion, la décapitation, la flagellation, la lapidation des femmes accusées d'adultère. Pour donner encore plus de poids à ses agissements il les diffuse sur les réseaux sociaux avec des images insoutenables. Pour Romain Caillet, le but principal de l'EI «(...) est de consolider l'Etat islamique, c'est ça le principal objectif à court et moyen terme». Mais pour Hazem al-Amine, l'Occident va le frapper durement et l'affaiblir, ce qui l'obligera à redevenir une organisation clandestine. R. I.