Les écoles privées n'intéressent pas grand monde en ces temps de surcharge des classes, imposée par les nombreuses opérations de relogement. Mais pas seulement. «Généralement, les parents optent pour les écoles privées pour s'assurer un suivi individuel, régulier, de leurs enfants. Maintenant que nous constatons que le nombre des 15 à 20 élèves par classe est largement dépassé dans ces établissements, nous ne voyons pas l'utilité de les y inscrire si c'est pour subir les mêmes contraintes ressenties dans ceux du secteur public, voire plus», dit un père de famille. Lui et son épouse, tous deux cadres, sont formels : «Il n'y a vraiment rien à gagner à les mettre dans ces écoles privées si ce n'est dépenser des sommes faramineuses non justifiées.» Selon les dires du couple, très rares sont les établissements privés qui disposent des commodités nécessaires et assurent un enseignement de qualité : «Il est vrai qu'à leur début, ces écoles se sont distinguées, notamment par le niveau d'enseignement qui est, en fait, celui des enseignants, ainsi que la richesse des activités culturelles et autres qui font aimer à l'enfant son école, son environnement, facilitent la communication et le contact avec le monde extérieur. Mais ce n'est plus le cas actuellement dans un grand nombre d'établissements. Beaucoup enregistrent de nombreuses lacunes et les conditions d'accueil et de travail ne font que se dégrader, de l'avis même de ceux qui les ont fondées, ceux qui les gèrent et ceux qui y travaillent.» En effet, à différentes occasions, des représentants de ces établissements privés se sont plaints de la difficulté de mener à bien leur mission en raison notamment, disent-ils, du manque de soutien de la part des pouvoirs publics qui voient en eux des commerçants plus qu'une institution éducative. «Nous sommes traités comme des commerçants, voire simplement des boucheries. Aucun allègement fiscal, aucune subvention de l'Etat. Le cahier des charges est à réviser. Nous ne sommes pas des commerçants, mais des éducateurs», a déclaré, révolté, récemment le porte-parole de l'association regroupant certains de ces établissements privés. Et le même représentant d'insister sur la demande des concernés d'avoir un statut particulier qui sera à même de leur garantir l'accès à un minimum de droits. Exception faite de certaines écoles privées dont le nombre est vraiment réduit, la majorité de ces établissements, notamment à Alger, sont décriés par des associations des parents d'élèves si ce n'est par les pouvoirs publics. «Une école dans une villa, ce n'est vraiment pas sérieux ! On n'y trouve ni cour, ni terrain, ni bibliothèque. En plus, les critères de sécurité et d'hygiène, y compris dans l'alimentation, ne sont pas assurés. Il est regrettable que le ministère ait donné l'autorisation d'ouverture à ces écoles, au temps de l'ancien premier responsable du secteur, Boubekeur Benbouzid, sans assurer le contrôle par la suite», relève Ahmed Khaled, représentant des associations des parents d'élèves à Alger. C'est un fait que ces écoles ne disposent pas d'assez d'espace pour répondre aux attentes des parents en la matière. Et cela est justifié par l'absence du foncier pour construire une école comme ils la conçoivent. «Le mieux, c'est de construire une école comme nous la concevons nous-mêmes, avec tous les espaces et toutes les commodités appropriées. Malheureusement, nous ne pouvons réaliser des projets du genre faute d'assiettes de terrain. Nous nous sommes rapprochés du ministère et autres représentants des pouvoirs publics pour l'acquisition d'une assiette, mais nous n'avons pas eu de réponse favorable à notre demande», déclare une des membres de cette association. Le financement est aussi un problème : «Pour réaliser un nouvel établissement, nous devons faire appel aux banques. Ce n'est pas évident, les banques ne prêtent qu'aux riches et nous, contrairement à ce que pensent beaucoup, nous ne le sommes pas. Les écoles privées fonctionnent avec les cotisations des parents et quelques bailleurs de fonds.» L'autre «drame» pour ces écoles, c'est le fait de se voir obligé pratiquement chaque année de subir une majoration de loyer de l'infrastructure occupée : «Chaque fois, on nous demande de payer plus cher le loyer sinon on quitte les lieux... ». Cela influe sur le fonctionnement de l'école et l'état d'esprit et du chef d'établissement et des employés. En effet, force est de constater que depuis quelques années, le niveau des enseignants dans ces écoles n'est plus le même qu'il y a quelques années. «Ce n'est plus les enseignants d'autrefois. La plupart des établissements ont un déficit en matière d'enseignants et font donc appel à des vacataires, sans expérience.» Autre problème, le manque d'assiduité chez ces mêmes enseignants : «Un jour l'enseignant est là, un autre non. Sans compter les retards pour cause de transport». À ce propos, il est à souligner que certains de ces enseignants travaillent aussi bien pour le privé que pour le public et parfois même pour deux établissements privés différents, distants l'un de l'autre de plusieurs kilomètres. Les problèmes de circulation routière, en ces temps de grands embouteillages, ne sont pas pour arranger les choses. Pour ce qui est de la pédagogie, les programmes sont les mêmes que ceux dispensés dans le public, c'est une recommandation du ministère, celle-ci est inscrite dans les cahiers des charges. Certains établissements sont toutefois autorisés à assurer plus d'heures dans certaines matières, à l'exemple de la langue française, ainsi que quelques activités qui relèvent du travail manuel, artistique et autres. C'est ce qui fait généralement la différence avec l'école publique. En pratique, c'est plutôt le contraire qui se fait pour ce qui est des programmes pédagogiques, alors que pour les autres activités, il y a de moins en moins d'engagement de la part des concernés. «Chaque fois, ils nous demandent de contribuer à l'organisation de nouvelle manifestations. Ce sont des dépenses supplémentaires pour nous... », se plaint une mère de deux enfants. Son mari est avocat et elle-même responsable dans une boîte privée, il n'en demeure pas moins que «ces écoles nous demandent beaucoup», dit-elle. Des parents ont simplement retiré leurs enfants de certaines de ces écoles et les ont réinscrits dans le public, ne supportant pas «le déclin» de ces établissements, que certains considéraient par le passé comme un luxe, un privilège pour la classe dite bourgeoise. Dans d'autres cas, ces mêmes écoles sont le «refuge» des exclus de l'enseignement public. Un autre fait que contestent beaucoup : «Les enseignants gonflent les notes pour des élèves qui peinent à avoir un 7/20 de moyenne. Les résultats sont faussés.» Même au niveau des écoles assurant le programme français et dont le nombre est très limité (pour ne pas citer les noms), la situation est loin d'être reluisante. «Les parents crient leur colère. Ils sont terriblement déçus par la dégradation des conditions d'accueil de leurs enfants dans cette école. Pas de climatiseur en été et pas de chauffage en hiver. En plus, les élèves sont entassés dans des classes qui ont perdu leur éclat», selon une autre femme, rapportant les dires d'une cousine à elle, ayant inscrit ses enfants, un garçon et une fille, dans une école privée, assurant le programme français. «Bien évidemment qu'elle les a inscrit dans cette école pour préparer le départ de toute la famille en France. L'école Descartes n'est plus la même depuis bien des années, c'est l'anarchie totale qui y règne, en plus de la disparition de la rigueur et le manque de discipline. Pour cette autre école située à l'ouest d'Alger, les choses se présentaient différemment par le passé. La même responsable disposait de cette école et d'une autre dans une commune, toujours à l'ouest de la capitale. Pour différentes raisons, elle a fermé l'autre et donc rassemblé tous les enfants dans une même structure.» Conséquence, comme c'est le cas pour le public, «surcharge des classes». Les parents son indignés, révoltés. Et cette école ne dépend pas du ministère de l'Education nationale. Les parents ne savent pas à qui s'adresser pour une solution, ne serait-ce que temporaire pour leurs enfants. K. M.