La Turquie a bombardé lundi des positions des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un premier accroc armé sérieux aux pourparlers de paix lancés il y a deux ans et déjà sérieusement menacés par la guerre qui fait rage en Syrie voisine. Quelques jours après les violentes émeutes pro-kurdes qui ont secoué le pays, des chasseurs F-16 de l'armée de l'air ont frappé plusieurs cibles du PKK qui, selon les forces de sécurité, ont attaqué à plusieurs reprises ces trois derniers jours un poste de police dans le village de Daglica (sud-est). Dans la région voisine de Tunceli, des hélicoptères d'attaque turcs ont également ouvert le feu lundi contre d'autres unités du PKK, après des affrontements entre rebelles et armée signalés autour de Geyiksuyu, a ajouté l'état-major. Dans une déclaration écrite, la branche armée du mouvement rebelle a confirmé l'attaque menée à Daglica et accusé l'armée turque d'avoir «rompu le cessez-le-feu» qu'il avait unilatéralement décrété en mars 2013. Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a, de son côté, justifié ces opérations, qu'il a qualifiées de «mesures nécessaires». «Nous ne pouvons tolérer, ni faire la moindre concession» face aux agissements du PKK, a-t-il ajouté devant la presse. Ces incidents, les plus graves enregistrés depuis deux ans, illustrent les menaces qui pèsent sur le fragile processus de paix engagé entre Ankara et le PKK. Cette brusque montée des tensions trouve son origine en Syrie, où l'offensive des djihadistes du groupe Etat islamique (EI) menace la ville kurde de Kobané. En colère contre le refus du gouvernement islamo-conservateur d'Ankara de voler militairement au secours de Kobané (Aïn al-Arab en arabe), des milliers de jeunes kurdes sont descendus dans les rues de tout le pays la semaine dernière, provoquant des émeutes qui ont fait au moins 34 morts et des centaines de blessés. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a haussé le ton en condamnant l'action de «voyous» à la solde d'une «organisation terroriste», en l'occurrence le PKK, et dénoncé une tentative de «sabotage» des pourparlers qu'il a promis, lui, de sauver. Son principal interlocuteur, le chef emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, a de son côté averti que la chute de Kobané signifierait de facto la mort de toute discussion et pressé Ankara de présenter avant aujourd'hui un calendrier pour les relancer. Si elle a accueilli dans l'urgence sur son sol quelque 200 000 réfugiés kurdes, la Turquie s'est inquiétée des risques d'un renforcement des forces kurdes, en première ligne contre le groupe EI. Elle refuse ainsi de les laisser transiter par sa frontière pour rejoindre le front de Kobané, alimentant la suspicion et la rancœur des Kurdes. Malgré ces tensions, Ankara a promis de tout faire pour sauver les pourparlers de paix. «Ce processus n'est pas lié à Kobané ni à aucun événement qui se déroule hors de nos frontières», a assuré mardi M. Davutoglu. «Il est très important pour nous», a-t-il répété, «s'il vous plaît ne le sabotez pas».