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Mouvement associatif entre rigueur des lois et réalité du terrain
Malgré un arsenal juridique consolidé
Publié dans La Tribune le 15 - 11 - 2014

À la fin des années 1980, et depuis la promulgation de la loi 90/31, l'Algérie a vu la création d'associations se multiplier à travers tout le pays. Mais nombreuses d'entres-elles, n'auront vécu que le temps de consommer une subvention étatique avant de baisser rideau ou de se mettre en hibernation. Sur plus de 75 000 associations officiellement agréées, elles ne sont que 1 000 à
1 500 associations au niveau national réellement actives sur le terrain.
A plusieurs reprises, le ministère de l'Intérieur, l'autorité compétente à
délivrer les agréments pour les associations nationales, a menacé de donner un «coup de pied» dans la
fourmilière du mouvement associatif pour la délester des «mort-nés». Pour l'instant, rien n'est fait et ces associations continuent, c'est selon, d'exister ou d'hiberner. L'association, selon la loi, est composée de personnes physiques ou morales qui se regroupent sur une base contractuelle et dans un but non lucratif afin de mettre en commun pour une durée déterminée ou indéterminée leurs connaissances et leurs moyens pour la promotion d'activités de nature notamment professionnelle, sociale, scientifique, religieuse, éducative, culturelle ou sportive. L'objet de l'association doit être déterminé avec
précision et sa dénomination lui correspondre.
La loi précise les modalités de constitution, d'organisation et de
fonctionnement des associations. Il est ainsi établi, selon la loi, que toutes
personnes majeures peuvent fonder, administrer ou diriger une association si elles ont la nationalité algérienne, qu'elles jouissent de leurs droits civils et civiques et qu'elles n'ont pas eu une conduite contraire aux intérêts de la lutte de
libération nationale. Toute association est nulle de plein droit si elle est fondée
sur un objet contraire au système
institutionnel établi, à l'ordre public, aux bonnes mœurs ou aux règlements en vigueur. Une fois l'association constituée et sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il est interdit à toute personne morale ou physique de s'ingérer dans son fonctionnement. Cette dernière acquiert la
personnalité morale et la capacité civile dès sa constitution (autrement dit, elle peut ester en justice et exercer notamment devant les juridictions compétentes, les droits réservés à la partie civile, conclure tout contrat, convention ou accord en rapport avec son objet, acquérir, à titre gracieux ou onéreux, des biens meubles ou immeubles pour l'exercice de ses activités telles que prévues par ses statuts). Il est permis à l'association d'éditer et
diffuser des bulletins, des revues, des documents d'information et brochures
en rapport avec son objet. Une seule condition : le bulletin principal doit être édité en langue arabe. Enfin, les associations à caractère national ouvrent droit –après accord du ministère de l'Intérieur- à l'adhésion à des associations internationales poursuivant les mêmes buts ou des buts similaires. Quant aux obligations d'une association, elles se résument en premier à se distinguer par son objet, sa dénomination et son fonctionnement, de toute association à caractère politique. Elle ne peut entretenir avec les associations politiques «aucune relation qu'elle soit organique ou structurelle ni recevoir de subventions, dons ou legs sous quelque forme que ce soit de leur part ni participer à leur financement». Pourtant et il faut le souligner, en Algérie, beaucoup d'associations se muent en organisations fantoches où se mêlent conspirations et positions politiques pour l'enrichissement personnel.
Pour revenir à la loi, il est exigé des associations, de renouveler ses organes de direction selon des principes démocratiques et aux échéances fixées dans les statuts. Combien sont-elles à respecter cet article de loi ?
Les associations sont également sommées de faire connaître à l'autorité publique compétente, toutes les modifications apportées aux statuts et tous les changements intervenus dans les organes de direction, dans les trente jours qui
suivent les décisions prises. Les associations sont tenues de fournir
régulièrement, à l'autorité publique concernée, les renseignements relatifs à leurs effectifs, aux origines de leurs fonds et à leur situation financière. Dernier point important dans le volet des obligations est, enfin, celui obligeant l'association de souscrire une assurance en garantie des conséquences pécuniaires attachées à sa responsabilité civile.
Au chapitre ressources et patrimoine, il faut savoir que les ressources des associations sont constituées par les cotisations de leurs membres, les revenus liés à leurs activités, les dons et legs, les subventions éventuelles de l'Etat, de la wilaya ou de la commune. Les revenus liés aux activités des associations doivent exclusivement être utilisés à la réalisation des buts non lucratifs. Quand aux dons et legs avec charges et conditions, ils ne sont acceptés par les associations que si ces charges et conditions sont compatibles avec le but assigné par les statuts et avec les dispositions de la présente loi. Les dons et legs d'associations ou d'organismes étrangers ne sont recevables qu'après accord de l'autorité publique compétente qui en vérifie l'origine, le montant et les contraintes qu'ils peuvent faire naître sur elles.
Outre les ressources prévues par la loi, les associations peuvent disposer des revenus découlant de quêtes publiques autorisées dans les conditions et formes prévues par la législation et la réglementation en vigueur. Elles sont tenues de déclarer à la fin de la quête à l'autorité publique compétente, le résultat de chaque quête autorisée.
Il est à préciser, par ailleurs que l'Etat a décidé de contrôler les subventions en introduisant dans la loi n° 99-11 du 23 décembre 1999 portant loi de Finances pour 2000 l'article 101 qui stipule :
«Les subventions de l'Etat ou des collectivités locales ne sont accordées aux associations et organisations à compter du 1er janvier 2000 qu'après présentation de l'état des subventions accordées antérieurement, lequel doit traduire la conformité des dépenses avec les objectifs auxquels lesdites subventions ont été affectées. L'audit est assuré par un commissaire aux comptes agréé. Le rapport paraphé est déposé auprès du trésorier de la wilaya avant le 31 mars de l'année suivante. Une copie de ce rapport est également déposée, dans les mêmes délais, auprès des instances donatrices. Les modalités d'application du présent article seront fixées par voie réglementaire.» Malgré cet article de loi, beaucoup d'associations ont trouvé la parade pour continuer à bénéficier de l'aide de l'Etat sans réellement activer sur le terrain.
Autre article de loi qui précise que la dissolution judiciaire ou volontaire d'une association chargée d'une activité d'intérêt et ou d'utilité publique, «entraîne la dévolution des biens meubles et immeubles conformément aux statuts». Une question s'impose : qu'en est-il des biens qui ont été illégalement vendus par les responsables d'associations ?
Il y a lieu de préciser que la dernière loi sur les associations, la loi n°12-06 du 12 janvier 2012, a suscité une large contestation au sein du mouvement
associatif. Un collectif d'associations avait décidé, rappelons-le, de mener une large campagne pour l'abrogation de ce texte. Ce collectif, parmi lequel figurent entre autres le Rassemblement action
jeunesse (RAJ), la Laddh, l'ARC et le Civic d'Oran, l'Association nationale de lutte contre la corruption (Anlcc), a mené pendant des semaines, une campagne de sensibilisation à travers le territoire national pour dire non à cette loi. Il a également lancé une pétition. Le mouvement de protestation a démarré après la
suspension de deux associations d'Oran pour avoir contesté un projet attentant à l'environnement. Une suspension rendue possible grâce à l'article 39 de ladite loi qui prévoit «il est procédé à la suspension d'activité de l'association ou à sa dissolution en cas d'ingérence dans les affaires internes du pays ou d'atteinte à la souveraineté nationale». Dans l'article 40 de la même loi, il est également prévu que «la violation par l'association des articles 15, 18, 19, 28, 30, 55, 60 et 63 de la présente loi entraîne la suspension de son activité pour une période qui ne peut excéder six mois». Les articles suscités ont un rapport notamment avec le respect du délai de renouvellement des instances exécutives, l'obligation de notification à l'autorité publique compétente des modifications apportées aux statuts et dans les instances exécutives, l'obligation de transmettre à l'issue de chaque AG à
l'autorité publique compétente une copie du procès-verbal et l'interdiction de
recevoir des fonds étrangers. A la lecture des dispositions de la loi relative aux associations, il est certes à remarquer
que l'initiative et la liberté associative se sont vues opposer des limites et des restrictions.
A travers la nouvelle loi, le législateur a renforcé les pouvoirs de l'administration envers les associations soumises à un contrôle étatique de plus en plus rigoureux. En plus du droit de suspension donné à l'administration, il y a lieu de citer également l'adhésion des associations nationales à des associations étrangères poursuivant les mêmes buts ou des organisations non gouvernementales internationales qui est soumise à l'accord préalable du ministre de l'Intérieur qui demande l'avis du ministre des Affaires étrangères. Le refus de l'administration pourrait être justifié par des motifs politiques dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire : le non-respect des valeurs et des constantes nationales.
Ainsi donc, la loi adoptée renforce davantage la dépendance et la subordination des associations à l'administration qui s'est octroyée un statut de «tuteur» de la société civile. Un contrôle pour s'assurer la loyauté.
H. Y.


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