La première élection présidentielle libre dans l'histoire de la Tunisie qui s'est tenue hier ne semble pas avoir attiré beaucoup de monde et il est fort attendu qu'un deuxième tour sera organisé fin décembre. Sur près de 5,3 millions d'électeurs convoqués aux urnes pour choisir leur président, sur les vingt-sept candidats sont en lice, le taux de participation n'a atteint que 53,73% à 16h30. A midi, il n'était que de 11,85% dans le pays et 18,61% à l'étranger, selon l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Les opérations de vote se sont déroulées de façon calme dans les différents bureaux à travers le pays, et cela même dans les 56 bureaux répartis dans les régions de Kasserine, Djendouba et El Kef où il a été décidé, pour des raisons sécuritaires et logistiques, d'écourter les opérations de vote. Mais de manière globale, le Premier ministre Mehdi Jomaa, chargé en début d'année d'organiser les échéances électorales, s'est dit «très confiant» quant au bon déroulement du vote. Il ne manquera cependant pas d'ajouter : «Nous avons pris toutes les précautions pour que les choses se passent d'une manière correcte, d'une manière normale comme c'était déjà le cas pour les législatives, mais je serai encore plus confiant demain, après la fin des opérations.» Un total de 27 000 observateurs, 65 000 représentants des candidats et 1 000 journalistes ont été accrédités pour observer le déroulement de l'élection présidentielle et relever les défaillances ou abus, comme l'a déclaré le président de l'Isie, M. Chafik Sarsar. Les favoris de cette élection sont Béji Caïd Essebsi, 87 ans et dont le parti Nidaa Tounès a remporté les législatives fin octobre, et le chef de l'Etat sortant Moncef Marzouki, un opposant au chef de l'Etat déchu, Zine El Abidine Ben Ali. Selon plusieurs observateurs de cette élection présidentielle, Béji Caïd Essebsi a des chances «relativement plus importantes» que son rival Moncef Marzouki, d'accéder au Palais présidentiel de Carthage. Ces analystes estiment qu'Essebsi «est porteur d'un discours fédérateur». En effet, deux pôles se sont distingués lors de cette échéance électorale, l'un en faveur d'Essebsi et l'autre pro-Marzouki. Cependant, le premier pôle semble «devancer» le deuxième, selon plusieurs sondages menés en Tunisie. Cette bipolarité a réduit les chances des autres candidats, dont cinq inscrits sur les bulletins ont annoncé leur retrait de la course à différents moments de la campagne. A noter également que la deuxième force politique du pays, le parti islamiste Ennahda, au pouvoir de fin 2011 à début 2014, a décidé de ne pas présenter de candidat et de ne soutenir officiellement aucun lors de ce scrutin. Ce qui offre aux deux favoris de cette course à la présidentielle de récolter davantage de voix. Ils auront à se partager plus de 5 millions de voix, notamment auprès des courants libéral, gauche, démocratique et constitutionnel, qui soutiennent Essebsi, alors que Marzouki bénéficie du soutien des courants salafiste et islamiste, outre la base militante du mouvement Ennahda. Mais il n'est toujours pas évident que l'un des deux candidats l'emporte au premier tour même si les partisans de Nidaa Tounes s'attendent à une victoire écrasante d'Essebsi. Il est à rappeler que Caïd Essebsi a fait campagne sur la nécessité de renforcer l'Etat et son prestige, ce qui pèse énormément dans sa balance lors de cette élection après la transition mouvementée vécue par la Tunisie, qui a vécu les assassinats de deux opposants à Ennahda et d'énormes problèmes socio-économiques structurels. Moncef Marzouki s'est efforcé, pour sa part, de se poser en candidat naturel de la révolution, mais son rapprochement avec Ennahda durant sa présidence ne joue pas en sa faveur. De toutes les manières, les Tunisiens ont pris des garanties afin d'éviter un retour à la dictature puisque la nouvelle Constitution n'accorde que des prérogatives assez limitées au président. Le nom du président dans le cas d'une victoire écrasante ou les noms des deux vainqueurs du premier tour seront annoncés au plus tard mercredi prochain par l'Isie. S'il n'y a pas de majorité absolue, un deuxième tour aura lieu fin décembre. Le vainqueur sera appelé à présider la Tunisie pendant cinq ans, un mandat renouvelable une seule fois. Durant son mandat, le prochain président tunisien aura du pain sur la planche. Ce dernier devra être garant de l'unité nationale, capable de mettre de côté les différends politiques pour garantir les équilibres entre les différents courants et de faire face aux défis socio-économiques et sécuritaires que connaît la Tunisie. H. Y./Agences