L'abandon par la Russie du projet de gazoduc SouthStream devrait conforter davantage la position algérienne sur le marché énergétique européen. L'Europe, qui se dit à l'abri de toute menace de pénurie d'approvisionnement en gaz, puisque la Russie ne lui fournit que 15% de ses besoins, devrait, toutefois, changer ses habitudes d'approvisionnement en repensant son partenariat avec d'autres fournisseurs comme la Norvège, le Qatar et l'Algérie. Une telle décision a immédiatement fait réagir la Commission européenne estimant que l'arrêt de ce projet confirmait l'urgence pour l'UE de couper le cordon gazier avec la Russie. «La décision de la Russie d'arrêter SouthStream et la manière dont cela a été décidé confirme combien la diversification des sources d'approvisionnements est importante pour l'Europe», a déclaré la vice-présidente de la Commission, Kristalina Georgieva, au lendemain de l'annonce de l'abandon du projet par le président russe Vladimir Poutine. «Ce nouveau développement va devoir être discuté. L'évolution constante du paysage énergétique est une raison pour l'UE de construire une Union de l'énergie, dont l'une des priorités sera la sécurité des approvisionnements», a pour sa part déclaré dans un communiqué le vice-président responsable de l'Energie Maros Sefcovic. Abondant dans le même sens, la représentante de la diplomatie européenne, l'Italienne Federica Mogherini, dont le pays est impliqué dans le projet, jugé vital pour son économie, a indiqué : «Cette décision prouve qu'il est urgent non seulement de diversifier les routes, mais aussi les sources d'approvisionnements.» Réunis le 20 novembre dernier à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE avaient déjà décidé de réduire progressivement leur dépendance au gaz russe en décidant de porter l'interconnexion avec le marché français de 3% actuellement à 10% en 2020, puis 15% en 2030. En juin dernier, l'Espagne, le Portugal et la Pologne avaient demandé à la Commission européenne d'accélérer la réalisation du projet d'interconnexion énergétique via le gazoduc Midcat qui permettra à l'Espagne d'écouler ainsi une plus grande quantité de gaz algérien sur le marché européen. A signaler que l'Europe à elle seule consomme un tiers de la production mondiale de gaz naturel et couvre plus de 53% de ses besoins énergétiques par des importations, notamment de gaz pour des raisons écologiques. La Russie envoie la moitié du gaz naturel qu'elle vend à ses clients européens via des gazoducs qui traversent l'Ukraine, qui a riposté dans les cinq dernières années aux litiges sur les prix en bloquant ou en réduisant les livraisons de la Russie à l'Occident. Selon le président russe Vladimir Poutine, la Russie s'employait en général à «réorienter» ses livraisons de gaz vers des partenaires plus coopératifs. Le chef du Kremlin, qui était en visite en Turquie, a, à ce titre, promis lors d'une conférence de presse conjointe avec le président turc Recep Tayyip Erdogan que la Russie pourrait accroître considérablement sa collaboration avec la Turquie sur les projets énergétiques. B. A./agences SouthStream devait être mis en service en 2016 D'une longueur de 3 600 km, SouthStream est un pipeline provenant de Russie et devant apporter aux pays européens quelques 63 milliards de m3 de gaz par an via deux tracés, l'un vers l'Autriche et l'autre vers les Balkans et l'Italie. Initié par le géant russe Gazprom et l'italien ENI dont ils détiennent, respectivement, 50 et 15%, le projet regroupe, aussi, plusieurs partenaires, à savoir le Français EDF et l'Allemand Wintershall (filiale chimique du groupe Basf). Ses travaux lancés en 2007, SouthStream devait être mis en service en 2016 et atteindre sa pleine capacité en 2018. Aux côtés de SouthStream figurent d'autres gazoducs vers l'Europe, à savoir NorthStream reliant la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique, le Nabucco reliant l'Iran à l'Europe centrale via les pays transcaucasiens, ainsi que BlueStream, un gazoduc passant en mer noire de Russie vers la Turquie.