La récidive du journal satirique français Charlie Hebdo avec la publication, à la Une, d'une caricature du prophète de l'islam, Mohamed, est perçue en Algérie, et dans le monde musulman, comme une provocation, à laquelle les Algériens entendent répondre. Et ils l'ont fait, hier, en sortant manifester dans les rues d'Alger et d'autres villes du pays pour dénoncer la caricature blasphématoire et leur attachement à l'islam et au prophète. A Constantine, après la prière du vendredi, quelque 200 personnes se sont regroupées face à la Maison de la culture Mohamed El Aïd El Khalifa et ont marché aux cris de «Allahou Akbar» jusqu'à la grande poste, place de la Brèche, avant de se séparer dans le calme. Même scénario à Oran où deux imposants rassemblements se sont tenus sur la place du 1er Novembre (ex-place d'armes) et devant le siège régional de l'Entv. Là, les slogans étaient «Je ne suis pas Charlie, je suis Mohamed». A Blida, des dizaines de citoyens se sont rassemblés sur la place de la Liberté avant de se disperser dans le calme une heure après. Des marches pacifiques ont aussi été organisées aussi dans les villes de Bousmaïl, Gouraya (Tipasa), Jijel, Batna, Annaba, Biskra et Souk Ahras. Mais, comme attendu, la manifestation la plus imposante se déroulera à Alger. Des feuilles sur lesquelles étaient imprimés, «Je ne suis pas Charlie», «Je suis Mohamed» ou «Je suis avec Mohamed» ont été distribuées dans les rues de la capitale dès les premières heures de la matinée. Comme toutes les marches initiées par des organisations ou des partis religieux, le départ est fixé après la prière du vendredi. Les jeunes rassemblés dans différents quartiers d'Alger, Hussein Dey, Belouizdad, Kouba, Bab El Oued et Alger-centre essentiellement, convergent vers la place du 1er-Mai, point de ralliement de toutes les manifestations. Leur nombre grossit à mesure qu'ils marchent. Oisifs et badauds du vendredi se joignent aux marcheurs ou les suivent sur les trottoirs. Les slogans fusent. Certains sont de circonstance tels «Tous avec Mohamed», «Oui à la liberté d'expression, Non au blasphème», d'autres sont ressuscités, déterrés, nous replongeant dans un passé récent où des éléments de El hidjra oua t'akfir, branche extrémiste du FIS dissous, avant de devenir bras armé et prendre les maquis plus tard, défilaient à Alger. Ces appels à la violence fusaient des bouches d'adolescents qui n'ont pas vécu l'enfer des années 1990, les massacres à grandes échelles et les assassinats de citoyens et citoyennes au nom d'Allah par des terroristes ne connaissant de l'islam, du Coran et de la sunna que quelques ayat (versets) et ahadith (dires du prophète) décontextualisés que leurs commanditaires leur ont appris, avec des fetwas établies par des pseudos imams pour justifier des crimes innommables et condamnables. Conscients des risques de dérapages qui pourraient survenir avec ces jeunes manifestants mis en condition et encadrés par des «organisateurs» et des prêches incendiaires de certains imams, les éléments des forces de l'ordre se sont déployés pour canaliser les flux de manifestants, en évitant une jonction de toutes les marches qui rendrait difficile la gestion de la foule. Les manifestants ont ainsi été confinés sur les places du 1er-Mai, de la Grande Poste et des Martyrs. Mais bien vite, le dispositif policier sera débordé. Les marcheurs se rassemblent devant le siège du Parlement. Quelques accrochages avec les brigades antiémeutes ont lieu. Les policiers s'efforcent de maintenir l'ordre et de prévenir les dépassements. Ils font usage de la force pour gérer les foules pas pour empêcher la manifestation. «Tu peux manifester pour défendre ta religion, mais respecte la loi», dira un policier à un manifestant surexcité. C'est le même message qu'a adressé le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs qui avait appelé, jeudi dernier, les imams à consacrer le prêche de ce vendredi au prophète Mohamed en soulignant sa noblesse, sa loyauté, sa mansuétude et son sens du pardon. Ce prêche devait également fustiger les caricatures blasphématoires. Mais si de nombreux imams ont appelé à la retenue en citant en exemple le prophète (Essira), certains se sont inscrits à l'opposé avec des prêches, dans les mosquées ou sur les réseaux sociaux, à la limite de l'appel au meurtre. Connaissant l'impact de ces appels largement diffusés, les pouvoirs publics ont renforcé la sécurité autour de l'ambassade de France à Alger ainsi que des consulats et centres de l'Institut français dans les autres villes du pays. En fin de journée, hormis les quelques escarmouches entre forces antiémeutes et manifestants, aucun incident grave n'est signalé. Les Algériens ont manifesté leur colère de voir un journal insulter le prophète de l'islam dans un pays, la France, où on lui accorde ce droit au nom de la liberté d'expression, qu'on refuse cependant à toute personne qui oserait dire «Je ne suis pas Charlie», considérant qu'une telle déclaration est un soutien à Daech et Al-Qaïda, parce qu'ils menacent la France et l'Occident. Boko Haram qui massacre les africains par milliers on n'en a cure. On attendra que cette organisation terroriste attaque les intérêts français, américains ou d'une autre puissance occidentale pour que le danger qu'elle représente dépasse celui d'un «Je ne suis pas Charlie». H. G.