Merzak Meneceur Le Premier ministre français, Manuel Valls, n'a pas fait usage de la langue de bois pour déclarer haut et fort qu'il existe en France «un apartheid territorial, social et ethnique». M. Valls a fait ce diagnostic de son pays, hier, en présentant ses vœux à la presse, deux semaines après les dramatiques actes terroristes qu'a connus Paris. Le Premier ministre a beaucoup insisté sur les «maux qui rongent» la France, particulièrement «la misère sociale» avec «la relégation périurbaine, les ghettos» qui s'ajoutent aux «discriminations quotidiennes parce que l'on n'a pas le bon nom de famille, la bonne couleur, ou bien parce que l'on est une femme». Estimant que l'intégration «ne veut plus rien dire», il a insisté sur la citoyenneté qui a «besoin d'être refondée, renforcée, relégitimée», avec la nécessité de «combattre chaque jour ce sentiment terrible qu'il y aurait des citoyens de seconde zone ou des voix qui compteraient plus que d'autres ...». «Dans de nombreux quartiers, chez de nombreux compatriotes, ce sentiment s'est imposé qu'il n'y a plus d'espérance et la République doit renouer avec l'espérance [...]. Il faut donner des réponses républicaines, sinon les Français iront chercher des réponses stigmatisantes chez le FN et Marine Le Pen», a ajouté M. Valls qui aurait pu compléter ces derniers mots en évoquant les jeunes, comme les récents auteurs des actes terroristes, qui vont chercher des réponses du côté d'Al-Qaïda ou de Daech. Quant aux «réponses républicaines», elles se font attendre depuis des années, malgré de maintes promesses et engagements de gouvernements successifs, de droite comme de gauche. Cette déclaration de Manuel Valls est intervenue vingt-quatre heures après l'annonce par l'Observatoire national contre l'islamophobie que le ministère de l'Intérieur a recensé, sur la base de plaintes, 116 actes antimusulmans depuis l'attaque contre Charlie Hebdo le 7 janvier dernier. Une énorme inflation avec 110% de plus d'actes que ceux comptabilisés au cours du mois de janvier 2014. La ventilation fait état de 28 actions contre des mosquées et 88 menaces. Exprimant le sentiment des musulmans de France, le président de l'Observatoire, Abdallah Zekri, a déclaré que «cette situation est inadmissible et nous demandons aux pouvoirs publics, au-delà des discours rassurants, de passer aux actes afin de mettre fin à ce fléau». «Nous ne pouvons accepter que fleurissent sur les murs des mosquées des tags et slogans racistes inscrits par des nazillons en mal d'identité», ajoutera-t-il. M. Zekri n'a pas manqué de dénoncer «certains individus qui, profitant de leur notoriété médiatique, font de leur haine des musulmans et de l'islam leurs fonds de commerce». A cet égard, la récente éructation radiophonique du journaliste Philippe Tesson, chroniqueur au magazine le Point, qui vient de le congédier, est édifiante. Ce vieux routier, 87 ans, de la presse de droite, a osé dire : «D'où vient le problème de l'atteinte à la laïcité sinon des musulmans ? On le dit ça ? Et bien moi je le dis ! C'est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd'hui ? Il faut le dire, quoi !» Cette grave insulte qui relève du délit en France, n'a pas échappé au Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) qui a décidé de porter plainte contre Philippe Tesson «pour diffamation raciste et provocation à la haine raciste». Pour le Mrap, «ces propos créent ainsi non seulement un amalgame raciste et criminel, mais, de surcroit, suscitent de manière explicite des sentiments de haine vis-à-vis de la population -française ou non- de confession musulmane». M. M.