Pourrait-on prétendre à une relève didactique de quelque nature que ce soit sans avoir exploré les potentialités capables de transmettre les richesses capitalisées ? Des mécanismes inhérents à la protection de l'entité s'imposent à plus d'un titre. Ils devraient être pensés dans une stratégie de fond loin des simples prestations des scènes conjoncturelles. La semence éternelle de la graine culturelle notamment identitaire appelle ainsi à une multitude de moyens aussi bien humains que matériels. La question mérite bien d'être posée aux responsables qui veillent sur le savoir universel ou ancestral -s'il est pris dans un microcosme tribal-, et peu importe l'étendue de la chaîne de transmission. Ce qui prime serait une culture dense préservée et, par ricochet, une relève assurée pour éviter de tomber dans l'amnésie. Quel drame de fléchir l'échine culturelle d'une société par paresse ou par mépris aux générations futures ! Ce concentré de traditions, d'us, de dialectes, de musiques, de gestes, de mots,… ne devra en aucun cas subir les conséquences bouleversantes de la dilution des responsabilités. Il est supposé être la pierre angulaire de l'identité de toute société fière de ses ascendances, quand bien même la culture importée en ces temps de mondialisation tous azimuts éclipserait ces cultures originelles, notamment celles fragilisées par l'absence de préservation et de promotion. Cette dynamique pourrait rendre l'éclipse totale si les mécènes et les défenseurs de la culture ne trouvent aucune écoute attentive auprès des décideurs et ne les convainquent de la nécessité d'une politique de la formation qui ouvre la voie à la relève. Il faut dire que la réalité dans les salles d'apprentissage, toutes activités confondues, renvoie une image assez contrastée sur la diversité de l'enseignement pour assurer cette relève censée reprendre le relais et pérenniser l'héritage culturel. La formation est en fait le maillon faible dans la prise en charge de la culture, tant à l'échelle locale que nationale. Le répertoire culturel n'est pas exploité à sa juste dimension. Certes, on ne peut parler d'absence totale de formation. Le meilleur exemple dans ce registre est donné par les écoles de musique andalouse où la formation des jeunes a toujours fait partie de la vie de ces écoles. En effet, les jeunes apprenants font leur apprentissage dès leur plus jeune âge (5 à 6 ans) auprès des «anciens» avant d'intégrer l'orchestre où ils joueront dans les rangs supérieurs avant de descendre au fil du temps et à mesure qu'ils se perfectionnent, jusqu'à arriver au premier rang, la vitrine de l'orchestre. C'est grâce à cette formation que la musique andalouse a été préservée. Les conservatoires ont également contribué à la préservation de la culture musicale algérienne, notamment la musique chaabie. Dans une moindre mesure, le théâtre a aussi donné une part à la formation. En plus du défunt Institut national des arts dramatiques et de la comédie (INADC) de Bordj El Kiffan, aujourd'hui Institut supérieur des métiers et arts de la scène (ISMAS), qui a formé de nombreux comédiens et metteurs en scène, des compagnies théâtrales et associations ont également joué la carte de la relève. Seul le cinéma demeure cet orphelin vieillissant sans héritiers. Mais ces noyaux de formation ne peuvent en aucun cas constituer la dynamique «productrice» de la relève nécessaire à la préservation et à la pérennisation des produits constituant notre identité culturelle. Ils peuvent, tout au plus, contribuer à son enclenchement. Il appartient ainsi aux responsables de la culture, à leur tête le ministère, de garantir non seulement la formation de cette relève, mais aussi de mettre en place le cadre, organisationnel et structurel, qui lui permettra d'être productrice. Cette prise en charge exige évidemment des moyens aussi bien logistiques qu'humains, et, surtout, une politique bien pensée. Or, en dépit d'un soutien fort conséquent en matière de subventions accordées ces dernières années aux différentes institutions culturelles (directions de wilaya de la culture, théâtres, centres culturels…), il est rare qu'une quelconque attention soit accordée à la problématique de la relève. Le budget est dévoré par la culture conjoncturelle. Aucune enveloppe n'est réservée à la formation. Quant aux responsables locaux interrogés, ils évoquent en réponse «l'intention d'instaurer une politique de formation périodique au profit des formateurs en différents domaines afin qu'ils puissent transmettre le legs sans bavures aux adeptes». C'est, semble-t-il, la ligne imposée par la tutelle. On en est encore aux vagues intentions. Heureusement que les associations et quelques institutions sont sur la brèche. Mais, avec toute la bonne volonté et l'abnégation dont elles feraient preuve, elles ne pourront, seules, la colmater. N. H.