En fait, s'il était attendu des confrontations des plus houleuses entre les accusés qui avaient, auparavant, tous accusé l'ex-golden boy, en fuite à l'époque, d'être seul responsable du plus grand scandale financier en Algérie, ces derniers ont choisi de partager sa stratégie de défense, en niant tout en bloc. Hier, même l'homme de main de Khalifa Abdelmoumène, Abdelhafid Chachoua qui avait parlé publiquement lors du procès de 2007 de sommes importantes d'argent, dépassant le milliard de centimes, qu'il récupérait dans des sacs de plastique pour son patron sans aucun récépissé ni autre justificatif, a déclaré que «toutes les opérations étaient légales et l'argent était transporté dans des sacs scellés, cadenassés sous surveillance». Mais malgré cette stratégie, le juge Menouar ainsi que le procureur général, M. Zargaras, réussiront à mettre mal à l'aise les accusés. Acculés, ces derniers ne trouvent pas d'explications convaincantes à certaines preuves exposées. Ce sera le cas de Guelimi Djamel, le troisième accusé appelé, hier, à la barre par le juge Menouar. Cet ex-clerc du notaire Rahal qui a occupé plusieurs postes de responsabilité dans le Groupe El Khalifa Bank ainsi qu'à Khalifa Airways, est poursuivi, entre autres, pour association de malfaiteurs et vol qualifié. Ami d'enfance de Abdelmoumène Khalifa qu'il a connu à Chéraga où il habitait, Djamel a commencé par rappeler son parcours. Il a déclaré avoir occupé le poste de clerc chez le notaire Rahal après sa décision d'arrêter en 2e année un DES Banque qu'il effectuait à Koléa. «J'ai travaillé chez le notaire entre février 1991 et octobre 1993», a-t-il dit, affirmant qu'à cette date il s'est marié et a décidé de lancer sa propre affaire. L'accusé se lancera ensuite dans une sorte de plaidoirie se demandant la raison pour laquelle il est poursuivi alors que, comme il le dit, «je n'ai jamais occupé un poste dans le Groupe Khalifa ici en Algérie». Le juge l'interrompra et lui demande : «Parlez nous de votre rôle chez le notaire». Djamel Guelimi expliquera alors que son rôle se limitait à l'enregistrement des actes notariés auprès des impôts et à leurs publications. Il expliquera ensuite la raison de son départ de chez le notaire Rahal par son désir de se mettre à son propre compte. Le juge lui demande s'il avait créé une entreprise de distribution des médicaments et avec qui il avait des relations de travail. Guelimi reconnaît qu'il travaillait avec Saidal et KRG Pharma de Abdelmoumène Khalifa. «Et en ce qui concerne l'acte d'hypothèque ?», demande le juge Menouar. «J'en ai entendu parler pour la première fois, chez la gendarmerie.» Le juge lui rappelle alors sa déposition devant la police judiciaire et Guelimi, à l'instar des accusés qui l'ont précédé, dit : «Entre 2003 et 2007, c'était terrible, il y avait une grande pression. On a été humilié.» L'accusé tente une digression et le juge l'arrête et lui demande de revenir aux faits. «Je ne connais pas Issir Idir. Je ne l'avais jamais vu avant 2007. Quand j'ai arrêté de travailler chez le notaire, je ne suis repassé à son bureau qu'une seule fois en octobre 1993 pour accompagner Abdelmoumène Khalifa qui devait récupérer un acte concernant un nantissement de matériel», affirme l'accusé. Le juge Menouar se trouve alors obligé de commencer la lecture des différentes dépositions de Guelimi lors de l'instruction. Il lui rappellera ses déclarations dans lesquelles il avait affirmé avoir accompagné Issir Idir et Abdelmoumène Khalifa chez le notaire Rahal et que ce dernier était présent, soutenant les avoir quittés après. Mais l'accusé persiste et signe : «Je ne suis jamais retourné dans le bureau du notaire après 1993.» Un million d'euros versé à Yasmine Keramane pour créer un bureau Airways à Milan qui n'a jamais vu le jour Serein, le juge explique à l'accusé les raisons de la poursuite pour falsification de documents officiels dont il fait l'objet. Guelimi répond alors : «Rahal avait 9 employés. J'ai quitté 4 ans avant les faits et c'est moi qui suis mis en cause ? Je ne sais même pas taper en arabe. J'ai demandé une expertise de ma signature, mais cela n'a pas été fait.» «C'est Issir Idir qui a évoqué votre présence et votre participation à ce faux. Il a été entendu à 7 reprises et a tenu les mêmes propos», souligne le juge avant d'ajouter : «Si vous ne vous connaissez pas, qu'est ce qu'il peut avoir contre vous ?» L'accusé ne va pas répondre à la question. Il fera une diversion en disant :« À cette époque, nous avons été menacés. Il y a un adjudant de la gendarmerie qui m'a même dit ‘‘Khalifa s'est enfui, maintenant c'est toi qui va payer''». Le juge encore une fois sera obligé d'interrompre le témoin et de lui demandé : «Vous avez bien été arrêté, accompagné de deux personnes en possession d'un montant global de 1 800 000 euros au niveau de l'aéroport d'Alger ?» Et Guelimi qui a été condamné pour cette affaire déclare : «La brigade économique a fait un rapport dans lequel il est précisé que je n'ai pas commis d'infraction puisque je n'avais pas encore passé la PAF.» Le juge passera sur ce point et revient aux aveux de Issir Idir lors de l'instruction. L'accusé a, cette fois, trouvé sa réponse : «J'ai entendu hier l'interrogatoire de Issir Idir et je ne suis pas mis en cause.» «Donc vous niez votre présence dans le bureau du notaire et tout le reste ?», et Guelimi de répondre : «Le juge d'instruction a mis ce qu'il a voulu.» Enervé, Antar Menouar finit par lâcher : «Si c'était le cas, il aurait été plus facile au juge d'instruction de dire tout simplement que vous confirmer les dires de Issir Idir. Pourquoi se fatiguerait-il à en créer un autre PV!» Imperturbable, Guelimi dit : «Dans ce PV, le juge d'instruction posait des questions et donnait les réponses.» «Mais c'était en présence de votre avocat», fait remarquer le président de séance. Un moment de silence et puis voilà Guelimi qui décide de «tirer sur tout ce qui bouge» en disant : «Mon avocat n'a rien dit. En 2007, c'était une atmosphère de guerre. Lors du procès de 2007, la juge m'a humilié publiquement et...». Et pour la énième fois, le président Menouar demandera à l'accusé de s'en tenir aux faits. Il lui posera alors des questions sur le véhicule de marque Pajero qu'il a donné à Abdelmoumène Khalifa. Il dira que c'était en échange de 700 000 DA en liquide et d'un terrain sis à Chéraga. «Le terrain a été revendu à 500 millions de centimes ?», demande le juge. «Oui», dit Guelimi. Une fois ce point éclaircit, le juge demande à l'accusé de parler de son parcours dans le Groupe Khalifa. Guelimi explique qu'il a rejoint Khalifa Airways en 2000 à la demande de son ami Abdelmoumène, qui avait besoin d'une personne de confiance pour créer la société aérienne. «J'ai été nommé comme inspecteur général d'Airways, mais en France. En 2002, j'ai occupé le poste de P-dg de Khalifa TV, toujours à la demande de Abdelmoumène qui ne voulait pas confier un projet aussi important à un étranger.» Le juge étonné demande : «Vous avez été P-dg de Khalifa TV ? donc la confiance est plus importante que la compétence ?, et pendant combien de mois ?» Guelimi a expliqué avoir occupé ce poste pendant 5 mois et qu'il a réussi à booster ce projet. Arrêté et condamné par la suite dans l'affaire de l'aéroport, il sera remplacé. Le juge demande alors pour quelle raison le franco-libanais Raghed Chamaa, qui était chargé de créer Khalifa TV, a été relevé ? Selon l'accusé, ce dernier n'a rien fait pendant des mois alors qu'il était payé. Antar Menouar reviendra ensuite sur les activités de l'accusé en Algérie. Ce dernier insiste pour dire qu'il n'a jamais occupé de poste. Le juge lui demande alors en quelle qualité il avait reçu Abdenour Keramane (ex-ministre de l'Industrie, accusé en fuite). «Oui je l'ai rencontré, mais c'était un hasard. Je me suis présenté à la direction générale, un jour que j'étais en Algérie et je l'ai croisé dans le couloir. Il m'a parlé de sa fille et de sa quête d'un emploi», raconte Guelimi tenant à préciser que «Yasmine Keramane était installée au Canada et avait des qualifications. De retour en France, la tante de Abdelmoumène, Mme Djazarli m'a appelé pour m'annoncer que la fille Keramane était dans son bureau. Je l'ai alors reçue et lui ai confié la responsabilité de créer le bureau de Khalifa Airways à Milan». «Et qui lui a versé la somme d'un million d'euros ?», interroge le juge. Il répond que «c'était pour la création du bureau, mais je ne sais pas qui a effectué le versement.» Le juge Menouar tiendra à préciser que ce bureau n'a jamais été créé. «Le frère de Aboudjerra Soltani ?» demande encore le président. «Ah oui, c'était en France, mais j'ai refusé de le recruter parce qu'il ne parlait pas français». L'accusé niera également sa connaissance du versement de 22 000 euros pour Keramane le père sous prétexte de la création d'une revue. Le juge lui demandera alors s'il avait reçu d'autres personnes. «Je ne sais pas», dit Guelimi. «Le frère de Aboudjerra Soltani ?», demande encore le président. «Ah oui, c'était en France, mais j'ai refusé de le recruter parce qu'il ne parlait pas français». Le juge décide de rappeler à l'accusé ses déclarations où il avait parlé des personnes qu'il a reçu : «Vous avez bien déclaré ‘‘J'étais présent quand Abdelmoumène Khalifa a reçu Benouis Tayeb''. Vous avez parlé du recrutement de la fille de Temmar (ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements à l'époque) et du fils de Benhouna (membre de la commission bancaire)». «Allah Yerhmou, oui j'étais présent, mais je pense que cette rencontre était dans le cadre du travail entre deux responsables d'entreprises du même secteur. Quand aux enfants des deux responsables que vous avez cités, ils étaient qualifiés et Temmar n'est jamais intervenu pour le recrutement de sa fille. Elle s'est présentée seule.» «Vous avez parlé de beaucoup d'autres personnes comme Raouraoua, des présidents de clubs, des chanteurs etc. Donc, vous avez reçu beaucoup de personnes sans occuper aucun poste. Quels avantages avez-vous eu du Groupe El Khalifa ?», finit par demander Antar Menouar. «Aucun», dit Guelimi avant d'ajouter : «Je n'ai acheté aucun bien ni en Algérie, ni à l'étranger et les commissions rogatoires l'ont confirmé.» «Le terrain ?», demande le juge. «En contrepartie du véhicule Pajero». Le juge ne clôturera pas son audition à la barre avant de demander à Guelimi la raison pour laquelle il a accepté de prendre l'acte d'hypothèque chez la famille Khalifa pour qu'il soit signé par le frère Khalifa et sa femme. Confirmant l'histoire racontée la veille par le notaire Rahal, Guelimi dira que le notaire a fait appel à lui parce qu'il était proche de la famille Khalifa. Le juge Menouar saisira alors l'occasion pour dire : «Vous avez coupé vos relations avec le notaire pendant 4 ans et au premier coup de fil vous répondez présent. Cela prouve que la relation continuait entre vous.» «Non», dit Guelimi malgré l'évidence des faits. «Vous avez parlé du recrutement de la fille de Temmar (ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements à l'époque) et du fils de Benhouna (membre de la commission bancaire)». En prenant la parole, le procureur général commencera par mettre en évidence le lien qui relie plusieurs accusés affirmant que nombre d'entre eux sont passés par le lycée Amara Rachid. Le procureur reviendra ensuite sur l'acte d'hypothèque pour souligner le non respect de la loi dans la signature du document. Concernant le terrain qu'il a reçu de Abdelmoumène Khalifa en contrepartie du véhicule, le procureur tiendra à démonter que le terrain a été vendu à l'importateur mêlé au scandale du whisky frelaté et dont la marchandise a été importée par le biais du registre du commerce de Guelimi. L'accusé gêné déclare qu'il n'a «fait que prêter le registre, rien d'autre», et le PG de préciser que «La marchandise a été payée par chèque de la banque El Khalifa». Le procureur général mettra ensuite le doigt sur un point qui fera «très mal» à l'accusé en lui présentant des contrats de sponsors avec des clubs sportifs qu'il a signés en tant que «directeur de cabinet du Groupe Khalifa». «Vous avez bien dit n'avoir jamais occupé de poste en Algérie, non ?», demande le PG. Guelimi tente de trouver une explication et la seule qui lui viendra à l'esprit : «Demandez à la secrétaire de Krim (un ex-P-dg d'El Khalifa Bank) si j'avais un bureau au sein de la direction générale». Le procureur poursuivra son interrogatoire en rappelant plusieurs faits à l'accusé dont, entre autres, son déplacement à Annaba pour tenter de convaincre le directeur d'Asmidal de déposer l'argent de son entreprise. Avant de terminer avec l'accusé, le juge Menouar reprendra la parole pour «juste souligner à l'accusé», comme il le dira, que «pour le tribunal, il est établi que vous avez occupé le poste de chef de cabinet. L'expert a trouvé lors de son travail, l'organigramme d'El Khalifa Bank où il est spécifié que vous aviez le poste de directeur de cabinet du Groupe». En deux ans, Chachoua, l'ex-inspecteur de police, a acheté deux villas pour lui (Chéraga et quartier des artistes à Zéralda), une troisième pour sa mère à Ben Aknoun, un appartement à son frère ... La deuxième audition de la journée d'hier sera celle de Chachoua Abdelhafid, ancien inspecteur de police qui a été à la tête de Khalifa groupe protection et sécurité. Une filiale qui ne disposait pas d'un agrément en bonne et due forme comme exigé par la loi. Chachoua Abdelhafid occupait la fonction d'agent principal de recherche, puis d'inspecteur de police à Tipasa avant de rejoindre l'Onrb, puis la Bmpj de Fouka et enfin la sûreté urbaine de Staoueli. Il démissionnera en 2000 après une blessure, comme il l'a déclaré hier à la barre pour rejoindre le groupe du golden boy, qu'il connaissait très bien puisque leurs parents étaient des amis de longue date. Chachoua affirme avoir déposé une demande auprès du ministère de l'Intérieur pour obtenir un agrément, mais qu'aucune réponse ne lui a été donnée. Abdelmoumène Khalifa lui aurait alors proposé de créer une direction interne chargée de la protection et du convoi des fonds. Le juge pose sa première question : «En quittant les rangs de la police, est-ce que tu as rendu ton logement de fonction ?». Chachoua dit qu'«en réalité je n'y suis allé que deux ou trois fois». Le juge insiste : «Mais tu as dit que c'était un abri à cause du terrorisme.» L'accusé tergiverse, le juge décide de passer à une autre question : «Parlez-nous de votre rôle exact». Chachoua commence alors à expliquer que son rôle se limitait à la protection des fonds durant le trajet, s'emmêlant dans les notions : «Je ne faisais pas du transport de fonds, il y avait des agents pour ramasser l'argent. Nous assurions la protection et je précise qu'à chaque ramassage, le receveur de l'agence accompagnait les sacs». L'accusé, entré dans une sorte de délire, commencera ensuite à encenser le tribunal criminel et le juge Antar Menouar affirmant que ce dernier était «un homme juste et respectueux des lois selon les témoignages de certains détenus». Il ne manquera cependant pas, comme son prédécesseur, de s'attaquer à la juge Brahimi qui a assuré le procès de 2007 et de crier : «Je sens aujourd'hui devant vous, qu'il y a vraiment une indépendance de la justice, ce tribunal est éblouissant.» Le juge interrompra l'accusé et lui demandera de revenir aux faits. Chachoua, l'ex-patron de Khalifa sécurité, commencera alors à s'attaquer à Akli Youcef, ex-DGA de la caisse principale qui a purgé sa peine et qui sera entendu comme témoin. «Akli Youcef et selon l'arrêt de renvoi a fait certaines déclarations. Il a fabulé en affirmant qu'il était au service de Abdelmoumène Khalifa et à mon service.» Le juge demande alors : «Vous n'avez jamais effectué de déplacement pour récupérer de l'argent chez Akli Youcef pour Abdelmoumène Khalifa ?» Chachoua racontera alors une histoire qu'il répètera tout au long de son audition. Il a affirmé qu'il a été convoqué une seule fois dans le bureau de l'ex-DG d'El Khalifa Bank, Krim, et que ce dernier était en compagnie de Abdelmoumène Khalifa. Krim lui a demandé d'aller récupérer une somme d'argent au niveau de la caisse principale et que le responsable de la caisse a été informé. «Je ne réfute pas mes auditions, monsieur le juge, j'ai juste été mal compris et je n'ai pas donné de détails. Aujourd'hui je suis prêt à vous expliquer.» Ainsi donc Chachoua décide de nier, mais d'une façon différente de celle de ses coaccusés. Le juge rappelle alors à Chachoua ses déclarations tout au long de l'instruction, où il avait donné des détails précis sur les pratiques de la banque, les sommes dépassant le milliard de centimes qu'il récupérait dans des sacs en plastiques et qu'il remettait à Abdelmoumène Khalifa. Il avait même déclaré que Abdelmoumène contactait directement Akli Youcef pour que ce dernier lui prépare des sommes récupérées par l'accusé sans aucun document. Chachoua raconte l'histoire avec Krim, tentant d'expliquer qu'il a été mal compris. Le juge n'insiste pas et commence à énumérer les biens de Chachoua. «Vous avez bien acheté une villa à Chéraga pour 1,1 milliard de centimes en 2002 et une deuxième au quartier des artistes à Zéralda. Une troisième pour votre mère à Ben Aknoun», dit le juge en précisant que c'est mentionné dans les PV d'auditions. Antar Manouar revient sur les aveux de l'accusé et lui parle des détails qu'il avait donnés concernant les retraits illégaux de sommes importantes d'argent des caisses d'El Khalifa. Rien à faire, l'accusé nie toujours : «Les sacs étaient scellés, cadenassés et protégés. Tout était en règle.» Le juge demande alors à l'accusé s'il citait Krim parce que ce dernier était absent, exactement comme par le passé où tout a été mis sur le dos de Khalifa Abdelmoumène lorsqu'il était en fuite. Nouvelle digression de Chachoua qui dira qu'il savait que Abdelmoumène allait rentrer en Algérie parce que ce n'était pas un voleur ! Rappelé à l'ordre par le juge, Chachoua dira la chose et son contraire en moins d'une minute : «Je n'ai pas fait cette déclaration (...) je ne nie pas mes auditions, mais à l'époque le juge d'instruction ne m'a pas demandé le détail.» Le juge Menouar lira ensuite les auditions des directeurs d'agence d'El khalifa Bank où il a été fait cas des passages de l'accusé pour récupérer des sommes d'argent sans justificatif pour Abdelmoumène Khalifa, tout en laissant des consignes pour que des sommes soient données à des connaissances à lui. Face à ces déclarations qui l'accablent, Chachoua donne des réponses, mais semble vivre un autre procès que celui qui se déroulait hier dans la salle 1 du tribunal criminel de Blida. Alors il répétait sans arrêt : «Je ne nie pas, mais je n'ai fait que mon travail de protéger les fonds (...) Je ne m'occupe pas du ramassage (...) J'ai été envoyé par Krim.» Le juge passera alors à un autre fait. Il demande à Chachoua si effectivement Abdelmoumène Khalifa l'avait appelé de l'étranger pour lui demander de contacter le défunt Nekkache (comptable) afin de régulariser la situation de la caisse centrale. Il s'agit des 11 écritures entre caisses qui ont été établies afin de dissimuler le trou financier à l'éclatement du scandale. Chachoua confirme l'appel de l'ex-golden boy, expliquant que ce dernier lui a dit «de demander à Nekkache de régulariser la situation de la banque et non celle de la caisse principale. Lisez, monsieur le président, mes déclarations à la page 29 dans le PV de fonds». Le juge finit par s'énerver : «C'est moi qui mène le débat et à vous de répondre aux questions». Le juge Menouar demandera alors à Chachoua en qualité de quoi le P-dg l'avait appelé pour une question aussi technique alors qu'il était chargé uniquement de la sécurité. Il lui dira d'ailleurs s'il avait compris ce que voulait dire «régulariser la situation de la banque ? Dites moi comment Khalifa Abdelmoumène vous a demandé cela ? En langue arabe ?». Un peu gêné, Chachoua dit : «Monsieur Khalifa parlait en français». «Répétez-moi sa phrase exacte alors», insiste le juge. Nouvelle digression de la part de Chachoua qui tente d'esquiver la question. Le juge demande à l'accusé de se limiter à répondre aux questions et demande : «Avez-vous assisté à la réunion tenue pour la régularisation de la caisse ?». «Non», répond l'accusé et d'ajouter : «Le juge d'instruction ne m'a d'ailleurs pas questionné sur ce point. C'est d'autres qui l'ont dit». Et à ce moment là, l'accusé citera le défunt Nekkache, le comptable qui lui aurait demandé des excuses parce qu'il l'aurait cité dans son audition sur la demande d'autres accusés dont «Boualam Laouche» et de crier : «Je suis un homme intègre et propre. Je ne suis pas un voleur.» Le juge Menouar le regarde et demande alors : «Vous avez combien de villas ?». «J'ai toujours eu de très belles voitures, demandez à mes anciens collègues de la police. Je faisais du commerce», dit Chachoua. «Combien ?», insiste Antar Menouar. «Une acheté à 1,1 milliard de centimes à Chéraga en 2000 et je n'avais pas encore rejoint le Groupe Khalifa.» «Vous étiez fonctionnaire de la Sûreté d'où avez-vous obtenu cette somme ?», demande à nouveau le président. «Mon père a des biens, il m'a aidé.» Le juge demande alors à nouveau si «Khalifa Abdelmoumène ne vous a pas acheté une villa ?» «C'est les déclarations de la secrétaire et ce n'est pas vrai. Quand à la deuxième, il ne s'agit pas d'une villa, c'est une coopérative que j'ai repris à 500 millions de centimes et j'ai dû m'endetter.» Le juge dit : «Vous l'avez acheté à 500 millions de centimes en 2001 à Zéralda, mais dites nous des choses logiques ou ne dites rien et c'est préférable. Nous connaissons tous le prix du terrain en Algérie. Vous savez que celui qui a acquis la villa a fait des travaux pour 450 millions.» Chachoua répond : «C'est son problème», et le juge réplique que «c'est juste pour vous dire que lorsqu'on fait des travaux à 450 millions, on a dû débourser beaucoup plus pour l'achat». Le juge enchaîne : «Et la villa de votre mère à Ben Aknoun, le logement de votre frère, les travaux de réfection de la villa de votre père à Blida.» Sur ces rappels des biens, le juge clôture l'audition de l'accusé et donne la parole à la partie civile. Me Meziane, l'avocat représentant la liquidation d'El Khalifa Bank posera une seule question qui mettra mal à l'aise l'accusé. Le juge dit : «Vous l'avez acheté à 500 millions de centimes en 2001 à Zéralda, mais dites nous des choses logiques ou ne dites rien et c'est préférable. Nous connaissons tous le prix du terrain en Algérie. Vous savez que celui qui a acquis la villa a fait des travaux pour 450 millions» Il lui lira le contenu d'une instruction envoyée par Abdelmoumène Khalifa au directeur de l'agence des Abattoirs et dans laquelle il est spécifié : «J'ai été informé par mes agents de sécurité que vous contestiez mes ordres. Je vous informe que vous êtes à la disposition de la banque et qu'en ma qualité de P-dg vous êtes tenu d'exécuter mes ordres quels qu'ils soient : par écrit, par téléphone ou sur un bout de papier (...).» Chachoua est mal à l'aise et dit : «Je ne suis pas au courant de l'existence de cette lettre, mais son contenu est faux.» Le procureur de la République prendra ensuite la parole. Il enfoncera encore plus l'accusé qui demandera un moment pour prendre de l'eau. Le PG ne reviendra à aucun PV d'audition, mais juste aux propres déclarations de Chachoua devant le juge Menouar : «Vous venez de dire que vous avez transporté l'argent à Krim au niveau de la direction générale. A ce que je sache, il n' y a pas de caisse principale au niveau de la direction. Donc c'était pour Abdelmoumène et ses amis ?» Chachoua ne trouve rien à dire sauf : «J'ai dit que tout était en règle» et d'ajouter, comme un juriste averti, «la responsabilité pénale est individuelle et non pas collective». Le procureur demande à l'accusé d'éviter les commentaires et de répondre aux questions. Il lui demandera : «Vous avez présenté votre père comme étant richissime pourtant vous l'avez recruté en tant qu'agent au niveau de Khalifa sécurité ?» Chachoua est déstabilisé : «Tout le monde connaît mon père et nos biens. Il se trouve que c'est un homme très actif malgré son âge c'est tout.» Et le coup de grâce sera donné par le procureur en rappelant que Abdelmoumène Khalifa a payé les frais du mariage de Chachoua en 2000 pour une facture de 100 millions de centimes à l'Aurassi, qu'il lui a demandé de l'accompagner aux Etats-Unis, Dubaï, Texas... et que l'accusé effectuait plusieurs va et vient par mois entre Alger et Paris. Le procureur dira même que le tribunal est en possession de certaines photographies prises lors de la soirée de Cannes qui démontrent le «lien très intime» qui lie Abdelmoumène Khalifa à Chachoua Abdelhafid avant d'affirmer : «Vous aviez comme mission de faire sortir les devises.» Ont été entendu par la suite le frère et le père Chachoua, également poursuivis dans cette affaire pour crime. Demain se poursuivra le procès avec l'audition de nouveaux accusés. H. Y.