Plébiscité secrétaire général par intérim du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia rejette avec force les lectures selon lesquelles ce changement à la tête de la deuxième force politique du pays obéit à des calculs politiques faits à un haut niveau de l'Etat. «Mon retour n'est lié à aucun calcul politique planifié dans les rouages de l'Etat», a-t-il dit, jeudi dernier, lors d'une conférence de presse, organisée à Zéralda (Alger). Ouyahia affirme regretter ces «spéculations» faites par des politiques et non des médias, selon ses propres dires. Ces politiques «qui ont une belle tendance à faire de la paella, avec plusieurs mélanges, au lieu d'un seul plat bien clair». Le nouveau premier responsable du RND insiste sur le fait que le changement en question est d'ordre interne. Mieux, la démission de Abdelkader Bensalah «est volontaire». A l'occasion, Ouyahia a rappelé le parcours «riche» de Bensalah au sein du RND, depuis les préparatifs pour la création du parti en 1996 et lui a rendu hommage en tant que «frère» et militant. Ouyahia assure que Bensalah a servi le pays et continue de le faire. A ce propos, a-t-il indiqué, «lorsqu'un groupe de frondeurs a commencé à créer une certaine anarchie dans le parti, j'ai préféré me retirer. J'ai déposé ma démission du poste de secrétaire général. Des membres du parti ont alors demandé à Bensalah d'occuper le poste. Il l'a fait et nous le remercions pour cela. Il a su préserver la cohésion interne». Interrogé sur le pôle de soutien pour le président Bouteflika que le RND envisage de constituer avec trois autres partis, à savoir le FLN, le MPA et TAJ, Ouyahia a répondu sans détours : «C'est notre droit». Et de poursuivre, insistant sur les mots : «l'opposition en Algérie n'est pas forte. Je ne dis pas cela pour la réduire, mais c'est une réalité. L'opposition en Algérie n'est forte que par le silence des partis pro-pouvoir. C'est pour cette raison que j'appelle à la création de ce nouveau pôle. Notre valeur ajoutée est dans la conjugaison de nos efforts au lieu que chaque partie travaille seule». Parlant du président Bouteflika, le nouveau secrétaire général par intérim du RND, ministre d'Etat et directeur de cabinet à la présidence de la République, a affirmé que le chef de l'Etat, malgré ses problèmes de santé, «est à 150% de ses capacités d'analyses et de gestion». C'est lui qui rédige ses messages aux différentes occasions : «Ils disent que ce n'est pas lui. Moi, je vous dis que c'est lui». Et Ouyahia de déclarer, sur un ton ferme, «Abdelaziz Bouteflika, je me permets de l'appeler ainsi, s'est sacrifié pour le pays. Je sais de quoi je parle. S'il n'était pas là, Dieu seul sait que deviendrait le pays après la dernière présidentielle». Parlant de présidentielle et comme pour répondre aux appels de l'Instance de suivi et de coordination de l'opposition (Isco) pour une nouvelle élection, celle là anticipée, Ahmed Ouyahia a exprimé clairement son opposition: «Ni présidentielle anticipée ni législatives anticipées. Bouteflika préside et présidera jusqu'à la fin de son mandat. Et les législatives auront lieu en 2017». Ouyahia est aussi opposé au projet de «consensus national» développé par le FFS, de même qu'à la période de transition. «Un consensus national autour de quoi? Autour d'une feuille blanche ?», s'est-il interrogé. Quant à la période de transition : «Lève-toi que je m'assois ! Cela n'existe qu'en Algérie. Des gens parlent d'une période de transition. Je ne suis pas d'accord. C'est au peuple de décider et il reste encore quatre ans pour la prochaine présidentielle. Des parties veulent le pouvoir ? Des personnes veulent le pouvoir ? Elles veulent le fauteuil ? Qu'elles le prennent, mais à condition que cela soit fait de manière légale. Il y a des règles. Il y a les urnes». Autre question sur laquelle a été interpellé le nouveau SG par intérim du RND, Ahmed Ouyahia, la lettre de félicitations adressée par Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), au nouveau secrétaire général du FLN, Amar Saâdani. «Viol de la consciences des soldats ?» Ouyahia s'est dit outré par la réaction de la classe politique devant un geste qui fait partie, selon ses dires, «des bonnes manières» entre les personnes et entre les personnes et les institutions. «Ça suffit de faire des histoires là où il n'y a rien. A longueur d'années, à l'occasion des fêtes et autres, il y a des lettres de félicitations entre personnes et entre institutions. Où est le mal qu'un frère adresse une lettre de félicitations à un autre ? Qu'est ce qu'il y a dans cette lettre ? Il est regrettable que les bonnes manières entre les personnes soient interprétées de la sorte». Ouyahia déplore la «politisation» de ce geste. Et de poursuivre, non sans exprimer une certaine indignation : «J'ai lu la presse ce matin. L'instinct de la parole et des déclarations matin et soir a fait dire à certains que le geste de Gaïd Salah est un viol de la conscience des soldats de la République. Ça veut dire quoi ? Et ça veut dire quoi que des éléments de l'armée soient contre cette lettre ? Arrêtons l'anarchie dans ce pays ! Arrêtons de porter préjudice aux institutions de l'Etat ! Aux piliers de l'Etat !». Interpellé sur le même fait par d'autres journalistes, Ouyahia a lâché comme pour mettre un terme au sujet : «Le ministre de la Défense nationale, chef suprême des forces armées, en l'occurrence le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, est lui-même président du FLN». «Daech n'est pas un fantôme» Ouyahia saluera Gaïd Salah et toute l'armée nationale, mais aussi le DRS et toutes les forces de sécurité, dont les patriotes et les éléments de la garde communale : «Ils veillent en permanence sur le pays et sur nous, les citoyens. Sans eux, nous ne nous serions pas rencontrés aujourd'hui et n'aurions pas pu avoir cette réunion conviviale». Ouyahia poursuivra, en disant que «le DRS a beaucoup donné au pays». Trois tentatives d'entrée d'armement lourd ont été avortées dernièrement, a-t-il poursuivi. Ce qui l'a amené à évoquer le danger de l'Organisation Etat islamique, appelé Daech : «Daech n'est pas un fantôme. C'est une réalité. Daech est en Irak et en Syrie, mais la graine était en Algérie. Et l'organisation terroriste est bien présente en Libye, notre voisin. J'insiste, Daech n'est pas un fantôme. C'est une réalité. Dieu merci, notre dispositif sécuritaire est fort. C'est grâce à la vigilance de nos forces de sécurité que ces tentatives d'entrée d'armes et autres ont été avortées et des attentats évités. Il n'en demeure pas moins que la menace est réelle. Nous sommes une cible. L'Algérie est ciblée. Elle était dans le plan ‘'printemps arabe''. L'Algérie est ciblée pour son autonomie, pas seulement l'autonomie territoriale, mais aussi celle de nos positions dont nous sommes fiers. Nous sommes un pays crédible». «Le peuple algérien n'est pas un peuple monarchiste» Autre question posée avec insistance à Ahmed Ouyahia, celle portant sur les «ambitions» de Saïd Bouteflika de remplacer son frère, Abdelaziz Bouteflika, à la tête du pays. «Je ne pense pas que le peuple algérien soit un peuple monarchiste ni que le moudjahid Abdelaziz Bouteflika, qui s'est battu pour ce pays depuis l'âge de 16 ans, ait des visions monarchistes. Saïd Bouteflika n'est pas une personne inconnue. Et ceux qui le connaissent, de près ou de loin, savent que ce dernier ne joue pas dans cette direction. Nous ne sommes pas l'Egypte. Nous ne sommes pas une monarchie». Autrement dit, Ouyahia assure que «l'accession au pouvoir n'est pas héréditaire». Pour ce qui est de la révision de la Constitution, là aussi Ouyahia a appelé à ce que les spéculations sur le sujet cessent : «Il n'y a pas matière à spéculer. Quand il y aura révision de la Constitution ce sera annoncé par un communiqué de la présidence de la République, qui annoncera soit une réunion du Conseil des ministres autour de la question soit la convocation du corps électoral pour un référendum». Autre personnage public évoqué lors de cette conférence de presse, le président du FCE (Forum des chefs d'entreprises), Ali Haddad, auquel est reproché le fait de recevoir des ambassadeurs et autres. «A-t-il vendu le pays?», a rétorqué Ouyahia. Selon lui, «bien au contraire, nous devions en être contents. L'Algérie se construit avec ses potentialités publiques et privées, ainsi que ses partenaires. Pourquoi ne dit-on pas Dieu merci, nous avons un groupe d'hommes d'affaires qui a sa place et ses compétences pour promouvoir les idées qui contribuent au développement du pays? Si vous comptez sur l'administration pour changer les choses, vous allez attendre longtemps». Ouyahia notera, à ce propos, que «des gens s'élèvent contre le fait que le président du FCE reçoive des ambassadeurs, mais ne protestent aucunement contre l'argent sale venant dans de sales marchandises. Pas la moindre protestation contre les fuites d'impôts et le non paiement des cotisations sociales». Pour ce qui est de son poste de Chef de cabinet à la présidence de la République, le nouveau SG par intérim du RND, a répondu qu'il n'est pas démissionnaire. «Je suis un commis de l'Etat. Et je suis honoré d'assurer ce travail. Je travaille», a-t-il dit. «Ce qui se passe à Ghardaïa est douloureux» Par ailleurs, Ahmed Ouyahia a abordé la question portant sur l'exploitation du gaz de schiste dans le sud du pays, défendant cette option du fait notamment que d'ici 10 à 15 ans, «nous n'aurions plus de gaz conventionnel. La croissance de la consommation interne, ajoutée à l'épuisement des ressources actuelles, fait qu'il y a un grand risque que nous n'aurons plus à l'avenir». Et si un «pays ami», en l'occurrence la France, développe par le biais de certaines parties, une thèse contraire, «c'est parce que ce pays ami a le nucléaire. La production du gaz de schiste risque de le désavantager en la matière». Sur un autre plan, évoquant toujours le sud du pays, Ouyahia affirme regretter ce qui se passe à Ghardaïa: «Ce qui se passe à Ghardaïa est très douloureux. Je dis aux habitants de Ghardaïa qu'on vous manipule. Nous sommes des Algériens. On se dispute entre nous, mais on ne laisse pas une chaîne de télévision étrangère semer le trouble. Nous sommes tous malades de ce qui se passe». Le congrès extraordinaire en mai 2016 Interrogé sur ses nombreuses missions en tant justement que «commis de l'Etat», Ouyahia a affirmé que «cela ne me gène nullement. Chaque fois que mon pays a besoin de moi, je réponds oui. Si j'ai occupé ces postes, c'est grâce à l'Algérie. C'est grâce au choix que mon pays a fait à l'indépendance. On a eu l'école gratuite. Mieux, notre génération était gâtée. On nous payait pour notre scolarité. Une fois on m'a demandé si je ne regrette rien, moi qui ai eu la médaille de ‘'la sale besogne'', j'ai répondu que je ne regrette rien, je n'ai que des factures à payer». Revenant sur la médaille de «la sale besogne», Ouyahia poursuivra : «Il fallait que quelqu'un fasse ce travail et je l'ai fait moi. En politique comme en guerre, il faut que des gens meurent». Aujourd'hui, samedi, le nouveau SG par intérim du RND, Ahmed Ouyahia, réunira son secrétariat général, composé de 20 membres. Pour ce qui est de l'organisation du congrès, «la question a été tranchée hier (mercredi). Le congrès extraordinaire du RND aura lieu en mai 2016». K. M.