Ahmed Ouyahia, qui a marqué mercredi son retour sur la scène politique, n'a absolument rien perdu de son franc-parler, encore moins de sa manière de remettre les pendules à l'heure. Il vient de le démontrer une fois de plus à l'occasion d'une conférence de presse qu'il a animée jeudi au terme des travaux du conseil national du RND qui l'a plébiscité à la tête du parti. Il ne pouvait donc passer sous silence tout le bruit entretenu par certains canaux médiatiques à propos de la lettre adressée par Gaïd-Salah, vice-ministre de la Défense au nouveau SG du FLN, Amar Saâdani, pour le féliciter de la réussite du 10e congrès de son parti. Dans sa réaction à ce propos, Ouyahia n'a pas hésité à faire dans la dénonciation. Il a en effet reproché à certains confrères d'avoir «politisé» la lettre de Gaid-Salah, et ce, en lui conférant, dira-t-il, «une dimension disproportionnée» obéissant, selon lui, à la logique de «porter atteinte aux institutions». Une telle anarchie doit impérativement cesser, a encore préconisé le nouveau SG intérimaire du RND, qui se dit en outre convaincu que la lettre de Gaid-Salah à Saâdani est «un message de félicitations d'un frère à un frère et rien de plus». Au cours de la même conférence, Ouyahia a exprimé par ailleurs son soutien à Ali Haddad, le président du FCE, qui ne ménage aucun effort pour redorer le blason de l'économie nationale et relancer la machine de production. Selon Ouyahia, ils sont vraiment dans le tort ceux qui voient d'un mauvais œil les rencontres de concertation entre Ali Haddad et les membres du cercle diplomatique accrédités en Algérie. «Recevoir des ambassadeurs n'est pas une trahison», dira Ouyahia, attestant ainsi de sa totale confiance pour le président du FCE, et rendant hommage à ses efforts pour drainer les investissements au profit de l'économie nationale. Dans la même optique, il rappellera que l'Etat a besoin de toutes «ses potentialités publiques et privées et des autres partenaires disposés à travailler avec nous». Il s'interroge aussi sur les desseins encore inavoués des critiques ciblant Ali Haddad au moment où l'on se tait sur «les personnes qui importent la sale marchandise». Bouteflika finira son mandat présidentiel D'autre part, Ahmed Ouyahia, qui est également ministre d'Etat, directeur de cabinet à la présidence de la République, a fait savoir que les prochaines échéances électorales auront lieu à la date fixée par la loi (législatives en 2017 et présidentielle en 2019), et que le président de la République Abdelaziz Bouteflika remplira sa fonction jusqu'à la fin du mandat pour lequel il a été élu. «Le président de la République n'a peut être pas la santé qu'il avait lors de son élection en 1999, mais ses capacités d'analyse et de gestion équivalent à 150% de ce qu'il présentait auparavant», a-t-il soutenu. S'adressant à ceux qui disent que le président de la République «a échoué» dans la réalisation d'un consensus autour de l'amendement constitutionnel, il a rappelé que les parties intéressées avaient pris part aux consultations, même celles qui estimaient que «cela n'était pas d'actualité». A propos d'ailleurs de la révision de la Constitution, Ouyahia expliquera que cela est tributaire d'un calendrier et que «la locomotive est d'ores et déjà lancée, le reste relèvant des prérogatives du président de la République». A une question sur l'ambition de Saïd Bouteflika, frère du président de la République, de postuler à la présidence, il a répondu : «Je ne pense pas que le peuple algérien soit un peuple monarchiste et je ne pense pas que le moudjahid Bouteflika qui s'est battu pour le pays dès l'âge de 16 ans, que ce soit les armes à la main dans un premier temps ou en tant qu'homme politique, ait des visions monarchistes». «Saïd Bouteflika n'est pas inconnu sur la scène algérienne et ce n'est pas quelqu'un qui est en train de jouer dans cette direction», a-t-il ajouté. Le SG intérimaire du RND a tenu à faire savoir par la même occasion que le choix du peuple est sacré. Il expliquera que son parti est disposé à débattre de toutes les questions à caractère économique, sécuritaire et politique, excepté celle touchant au choix du peuple à travers l'urne comme la question de la période de transition. «Le RND s'oppose aux tentatives de substituer l'opinion d'un groupe politique à celle du peuple», a-t-il assuré, ajoutant qu'il existe «une seule voie dans le pluralisme en matière d'alternance au pouvoir, à savoir le peuple et non le consensus national ni la période de transition». Evoquant la démission de Abdelkader Bensalah du poste du SG du RND, Ahmed Ouyahia dira qu'il s'agit «d'une démission volontaire, pas du tout liée à une conjoncture ni à un système qui a besoin de renfort, tel que colporté par la presse», accuse-t-il encore. Concernant ses fonctions à la présidence de la République et l'éventualité de sa démission après sa nomination à la tête du RND, Ahmed Ouyahya a précisé qu'il assumera les deux fonctions même si cela impliquait davantage de responsabilités. «Je suis un homme d'Etat et je serai toujours au service du pays à chaque fois qu'on me sollicitera», a-t-il assuré. «Je salue le DRS et je salue Toufik» A une question sur certaines institutions de l'Etat comme le département du renseignement et de la sécurité (DRS) de l'armée populaire nationale (ANP) que d'aucuns tentent de «diaboliser», le SG par intérim du RND a salué ces institutions qui veillent à la protection du pays. «Je salue le DRS et je salue Toufik (responsable du DRS), en tant que frère et compagnon, ainsi que les centaines de milliers de personnes qui veillent à la protection du pays et consentent d'immenses sacrifices à cette fin», a-t-il dit. Concernant les menaces qui pèsent sur la sécurité de l'Algérie, il a évoqué l'organisation autoproclamée Etat islamique «Daech», soulignant qu'il s'agissait d'«une réalité proche et non d'un fantôme» et que sa «graine s'était propagée de l'Algérie durant les années 90». Il a salué à ce propos les forces de sécurité qui ont pu faire avorter plusieurs tentatives d'entrée d'armement lourd en Algérie. L'Algérie est encore ciblée, a-t-il tenu à faire remarquer, ajoutant que les «dangers sont réels». Il a rappelé «les tentatives de déstabilisation de l'Algérie en 2011» et la propagation d'armes et de stupéfiants qui transitent par le pays. Un congrès extraordinaire pour mai 2016 Dans le registre partisan, Ahmed Ouyahia révélera par ailleurs que ce parti tiendra son congrès extraordinaire en mai prochain. Bien évidemment, ce congrès traitera de l'élection d'un nouveau secrétaire général du parti donc de la mise à terme de la période intérimaire d'Ouyahia qui sera par la même occasion intronisé à la tête du RND pour un nouveau mandat. Il a annoncé en outre qu'il rencontrera aujourd'hui les 20 membres du secrétariat national désignés mercredi afin de leur préciser leurs tâches. Sur un autre volet, Ahmed Ouyhia qui a été invité à donner son avis sur le problème suscité à In Salah (extrême-sud) par le projet d'exploitation du gaz de schiste a affirmé que les habitants du sud «ne sont pas les damnés de la terre» et l'Etat «ne fait aucune différence entre les habitants du nord et ceux du sud». «L'exploitation du gaz de schiste n'était pas possible en Algérie avant au moins 6 ou 8 ans». Il a ajouté dans ce sens que la production de pétrole et de gaz conventionnels diminuait d'année en année et qu'elle pourrait cesser dans 10 à 15 ans. «Aussi, l'Algérie doit-elle trouver des ressources de substitution», a-t-il dit.