Les mozabites d'Alger ont organisé, hier, un sit-in, en face de la Maison de la presse Tahar-Djaout, pour réclamer la réinstauration de la paix dans la vallée du M'Zab, dans la wilaya de Ghardaïa, qui a sombré dans l'anarchie totale depuis déjà deux ans. Malgré le jeûne et le soleil de plomb, les manifestants se sont rassemblés pour dénoncer les dépassements et les attaques que subit leur communauté. Ils étaient des centaines à crier leur colère, désarroi et revendications. «Il n'y a pas de sécurité. On nous tue avec des balles réelles sans que l'Etat n'intervienne, c'est affreux», s'écrie un jeune mozabite avec force. Dans une parfaite synchronisation, les manifestants psalmodient, chantent et scandent les slogans qui expriment leurs condamnations et revendications. Des pancartes sont brandies. «Non à la division de l'Algérie», «Non à l'assassinat des innocents à Ghardaïa», «On est maintenant en grève à cause des massacres qui se pratiquent actuellement à Ghardaïa», «L'Algérie est forte avec l'union de son peuple», «On demande notre protection par l'armée, comme stipulé par la Constitution», «Où sont les autorités ?», «A qui profite la situation à Ghardaïa ?», lit-on sur les pancartes soulevées par les manifestants dont les fronts ruissellent de transpiration sous le soleil au zénith. «On veut la paix et la réconciliation dans notre région. On demande la vérité sur cette crise sans précédent. On demande également de punir ces gens qui sèment la terreur dans la vallée du M'zab», lance un jeune que nous avons abordé sur place. Hocine, quant à lui, dit craindre une guerre civile. Il nous indique qu'il venait d'appeler à Ghardaïa et on lui apprend que plus de 14 personnes ont été tuées et plus de 200 autres ont été blessées. «Il n'y a pas de sécurité, c'est le plus lourd bilan jamais connu à Ghardaïa. La police ne veut pas nous protéger», clame-t-il. «L M'zab Chouhada» (les M'zab sont des martyrs), «Dhimazighen» (nous sommes des amazighes), «La lil irhab» (non au terrorisme), «Allah Akbar, dhimazighen» (Dieu est grand, nous sommes des amazighes), «E'châab yourid el amn fi Ghardaïa» (le peuple veut la sécurité à Ghardaïa)... scandent-ils avant de chanter en chœur l'hymne national et réciter des versets coraniques durant plusieurs minutes. Initialement, le mouvement de protestation devait se tenir à la Grande Poste. Mais les autorités ont interdit ce rassemblement. Les manifestants ont alors accepté de se rassembler devant la maison de la presse, et le mot d'ordre a été lancé via les réseaux sociaux. Le sit-in s'est tenu dans un calme et un ordre exemplaires. Les forces de l'ordre ont fait leur travail d'encadrement de la manifestation et les manifestants ont fait leur travail sans qu'il y ait le moindre débordement ni dérive. Même les riverains ne se sont pas sentis «envahis». Les habitants du bâtiment en face de la maison de la presse ont même fait preuve d'empathie pour les manifestants qu'ils arrosaient avec de l'eau depuis leurs fenêtres pour les rafraîchir. En fin de journée, nous apprenons que le nombre de victimes des violences à Ghardaïa s'élevait à 22 morts. Y. S.