Une pétition de soutien pour Mme Benghebrit est lancée sur Internet. Des citoyens anonymes viennent à son secours pour faire taire les voix des islamo-conservateurs et autres tuteurs de la langue arabe qui, depuis le début dela polémique, n'arrêtent pas de discréditer la ministre. Une polémique qui, simplement, n'a pas lieu d'être parce que non fondée. Pour cause, lors de ses déclarations à la fin des travaux de la Conférence nationale d'évaluation de la mise en œuvre de la réforme de l'école, tenue en juillet dernier à Alger, ce n'est pas de l'enseignement du dialectal que Mme Benghebrit a parlé, mais plutôt de l'enseignement avec le dialectal, dans le préscolaire et les deux premières années du primaire. Cela pour une raison simple, c'est qu'il est impossible d'échanger avec l'enfant, durant ses premières années d'école, avec une langue qu'il ne connaît pas encore. Le meilleur moyen de l'amener à s'intéresser aux cours étant de lui parler dans son langage à lui. En somme, il n'y a rien de nouveau dans les déclarations de la ministre du fait que, depuis toujours, dans tous les établissements scolaires à travers le pays, du préscolaire au lycée, disons même à l'université et dans le milieu professionnel, les langues maternelles ont leur place dans les échanges. Dans ses déclarations à la clôture des travaux de la Conférence, Mme Benghebrit n'a fait que reprendre une recommandation parmi d'autres d'un atelier. Et c'est juste une recommandation et non pas une décision. Dès que la ministre a prononcé les premiers mots sur le sujet, cela a provoqué un tollé général. Une belle aubaine pour ses détracteurs, des différentes obédiences et couleurs politiques, de s'en prendre à nouveau à elle. Elle qui continue à faire face à toutes les attaques, parce que décidée à mener à terme sa mission de remettre l'école sur pieds. Elle l'a dit lors d'une de ses sorties médiatiques : «Ce chahut créé autour de la conférence a un but précis, celui de bloquer tout processus d'évolution de l'école algérienne. Ils veulent que les propositions et recommandations prises lors de cette conférence soient bloquées et gelées, laisser les choses telles qu'elles sont à présent.» Dans la pétition de soutien pour la ministre, lancée sur Facebook, ses initiateurs écrivent : «Pour une fois, voilà quelqu'un qui ose et qui veut tirer l'école vers le haut. Rien que pour ce fait, elle se retrouve victime d'une cabale de la part des islamo-conservateurs qui ne veulent pas que la ministre mette l'index sur la véritable cause du sinistre scolaire. Ils ne veulent pas que leur chasse gardée qu'est l'école leur file entre les doigts. Ils ne veulent pas d'un citoyen produit de cette école avec un esprit cartésien. Ils veulent un citoyen suiviste acquis à leur dogmatisme. Soutenons là dans sa tâche. Signez cette pétition et faites la signer aussi». Il est clair que par leurs accusations et leurs provocations, sans cesse renouvelées, les «ennemis» de l'école telle qu'envisagée par Mme Benghebrit, veulent carrément bloquer tout processus de son développement. Ils veulent maintenir le statu quo pour des desseins inavoués. Des ambitions politiques et autres non déclarées. La ministre en est consciente et se défend comme elle peut, répondant à ses opposants de manière très opposée, sans afficher le moindre signe d'affolement, allant même jusqu'à les inviter pour enrichir le débat. Un débat que d'aucuns diront qu'il est stérile, mais qu'elle considère comme une occasion de rapprocher les idées et transcender les différends à tous points de vue. Le problème c'est que la polémique prend de l'ampleur et de l'épaisseur et de vieux conflits idéologiques remontent à la surface. Au lieu de poursuivre dans les actions visant le rassemblement de tous les Algériens, l'unité nationale et la stabilité du pays, des parties cherchent à attiser les haines et les colères. Les dérapages sur les réseaux sociaux suscitent de grandes inquiétudes. Entre ceux qui appellent la ministre, qu'ils accusent d'être d'origine juive, à porter le hidjab et à maîtriser la langue arabe et ceux qui insistent sur l'introduction de l'anglais dans l'enseignement primaire, à la place du français, d'autres trouvent la brèche pour relancer leur appel à la division d'un peuple. La ministre est dans une position peu enviable. Sa non maîtrise de la langue arabe n'est pas pour arranger les choses. De nombreux citoyens ont affirmé leur souhait de voir le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, s'exprimer sur le sujet et défendre la ministre. D'autres relèvent que c'est le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a procédé à l'ouverture de la Conférence de l'éducation, au Palais des Nations et que, jusqu'à présent, ce dernier n'a pas dit mot. C'est surtout cela qui est plus agaçant, pour reprendre l'expression de certains citoyens parmi les plus indignés par cette campagne de lynchage contre une ministre qui ne souhaite qu'améliorer la situation de l'école. K. M.