En dépêchant une quinzaine d'avions-cargos sur une base militaire en Syrie, Moscou envoie un message sans nuances aux différents acteurs du conflit, notamment aux Occidentaux de moins en moins insistants sur le départ préalable du président Assad avant tout règlement de la crise. La guerre semble donc enclencher un tournant. De nouvelles révélations selon lesquelles des rebelles formés par les Américains ayant remis une partie de leurs munitions à Al-Qaïda embarrasse Washington. Moscou semble avoir repris l'initiative dans cette guerre aux ramifications diverses. De nombreuses chancelleries occidentales commencent à envisager d'inclure le président syrien Bachar al-Assad dans la recherche d'une solution. Le président russe, Vladimir Poutine, propose de mettre en place une coalition élargie comprenant l'armée syrienne pour combattre le groupe extrémiste Daech. Il rencontrera son homologue américain Barack Obama à New York. Sur le terrain Moscou est déjà dans l'action. Au moins 15 avions-cargos russes transportant «des équipements et du personnel» ont atterri au cours des deux dernières semaines sur la base militaire de Hmeimim dans l'ouest de la Syrie. Les appareils sont arrivés sur cette base située dans la province de Lattaquié. Bien qu'il n'y ait aucune confirmation officielle du Kremlin, Washington, qui alimente les rebelles, s'inquiète du renforcement de la présence russe en Syrie avec des avions de combat, des systèmes de défense aérienne et des équipements modernes. Mercredi des drones fournis par la Russie auraient été utilisés pour la première fois. D'après les Américains, les Russes ont mené des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie sans effectuer de frappes. Pour Damas l'implication russe marque un «tournant». Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah libanais qui résiste aux côtés de l'armée syrienne, a affirmé que l'intervention russe «influera sur l'évolution de la bataille en cours en Syrie». Les Etats-Unis ont déjà fait savoir qu'ils accueilleraient favorablement une initiative russe pour renforcer la lutte contre Daech en exprimant les réticences d'usage envers Moscou. La chancelière allemande Angela Merkel a, de son côté, parlé pour la première fois de la nécessité de parler avec le Président syrien pour résoudre le conflit. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pourtant un partisan farouche du départ de Assad, a aussi concédé que le chef de l'Etat syrien pourrait faire partie d'une période de transition. Ces changements de posture en chaîne se traduisent sur le terrain par un cafouillage patent sur le soutien des groupes armés par les Occidentaux. La stratégie de Washington dans ce sens a subi un nouveau revers, quand le commandement des forces américaines au Moyen-Orient (Centcom) a reconnu que des insurgés formés par les Américains ont remis une partie de leur équipement et de leurs munitions au Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda. S'il est confirmé, ce comportement «est très préoccupant et constitue une violation des règles» du programme de formation des NSF (New Syrian forces, Nouvelles forces syriennes), a reconnu le porte-parole du Centcom. Cette énième affaire marque un nouveau coup dur pour la crédibilité de ce programme lancé par les Etats-Unis au début de l'année. Il était censé former et équiper environ 5 000 «rebelles» par an pendant trois ans, pour activer en Syrie. Avec des résultats mitigés. Une partie de ces «éléments formés» auraient rejoint al-Nosra, selon des informations circulant sur les réseaux sociaux. M. B./Agences