L'art et la culture doivent avoir une place prépondérante dans le système scolaire. L'ouverture de l'école sur les belles œuvres participe à l'émancipation précoce de l'élève et à l'éveil de son esprit critique ainsi que l'éclosion de sa conscience propre. Pour le dire ainsi, la culture est un antidote efficace contre l'enfermement, la violence, la fraude et l'extrémisme qui minent l'école algérienne. Partout à travers le monde, l'initiation aux arts occupe une place de choix dans les programmes pédagogiques. L'apprentissage des langues, le développement de l'expression (orale et écrite) et l'adoucissement des rapports entre les différents intervenants dans le système éducatif s'articulent essentiellement sur l'animation culturelle au sein des classes de cours et dans l'établissement de manière générale. Depuis la fin des années 1980, l'école algérienne a fatalement rompu avec cette saine tradition. Dans l'école primaire d'autrefois (1960 - 1970), le dessin, par exemple, avait autant d'importance que la lecture, le calcul, la dictée ou la dissertation. Le manuel scolaire de l'époque regorgeait de beaux textes littéraires. On y trouvait des extraits soigneusement choisis dans les classiques de la littérature universelle et dans les œuvres des grands écrivains algériens. Les écoliers participaient volontiers à des cours de conversation où ils animaient de petites représentations afin d'apprendre à parler correctement et à bien prononcer leurs mots. Il est vrai que ce n'était pas la grande immersion dans le monde magique de l'art, mais un élève studieux ne manquera pas de s'y laisser séduire. Tout cela a été abandonné par la suite, laissant la porte ouverte à l'intolérance, la violence, le tabagisme, la fraude et l'extrémisme religieux. Ladite réforme d'alors s'est caractérisée par une espèce de «déculturation» au nom d'une thèse qui prône l'épanouissement des facultés intrinsèques de l'apprenant. Or, depuis la nuit des temps, l'homme se perfectionne à partir de l'héritage qui lui est légué par ses prédécesseurs. Substrat qui lui permet d'aller encore plus loin et d'accroître encore ce précieux legs. L'histoire des sciences et techniques nous enseigne que le développement des valeurs innées est indissociable d'une bonne connaissance des idées antérieures. Réalisant que la culture constitue un véritable gage de performance, le ministère de l'Education nationale a lancé ces dernières années plusieurs initiatives pour rendre aux arts la place qui leur revient dans les programmes pédagogiques. Une convention de partenariat a été même paraphée, au milieu des années 2000, avec le ministère de la Culture pour concourir à cette réinsertion. Cet accord est resté lettre morte depuis ! L'actuelle ministre de l'Education, Noria Benghabrit, a dépoussiéré ce dossier et compte, à partir de cette année, lui donner un contenu concret. Lors d'une récente réunion avec son homologue de la culture, Azzedine Mihoubi, les deux parties ont convenu d'un programme exécutif de cette convention, afin de «consacrer la dimension culturelle et artistique dans le système éducatif et encourager la créativité», indique Noria Benghebrit dans une déclaration à l'APS. Ainsi, on s'apprête à l'insertion de 80 hommes de lettres et auteurs algériens dans les programmes scolaires ainsi que l'élaboration de programmes de formation pour le choix des textes littéraires. L'initiative comprend aussi «l'organisation de sorties pédagogiques pour les élèves dans les musées, les sites archéologiques et historiques ainsi que le développement des activités artistiques dans les milieux scolaires comme le théâtre, le cinéma, la musique, la chorégraphie et le dessin», ajoute la ministre de l'Education. En guise de gage de leur détermination commune à persévérer dans ce sens, les deux ministres ont arrangé, par la même occasion, la participation du secteur de l'Education à la 20e édition du Salon international du livre d'Alger (27 octobre-7 novembre). En matière d'encadrement, les deux départements, en collaboration avec la direction de la fonction publique, prévoient, à court terme, de recruter des enseignants de musique et de dessin afin de consacrer l'insertion de ces deux matières dans le programme scolaire au même titre que les autres modules. L'important fonds documentaire de la bibliothèque nationale sera également mis à la disposition de la famille éducative avec l'ambition de créer des passerelles permanentes entre les enseignants, les écrivains et les bibliothécaires. Les élèves, à travers l'ensemble du territoire national, bénéficieront de cette dernière initiative, puisque des instructions ont été données à toutes les bibliothèques pour octroyer, gratuitement, une carte d'adhésion à tous les écoliers afin de les encourager à la lecture. Dans le même sillage, des rencontres et des séminaires rassemblant pédagogues et intellectuels autour d'une même table pour stimuler la créativité et le savoir au sein de l'école algérienne. Tout un programme d'action, émancipateur et plein d'espoir, en mesure de faire de l'école une véritable institution citoyenne. Enseignants, parents d'élèves et citoyens s'enthousiasment à cette prometteuse perspective. Benghabrit et Mihoubi n'ont pas le droit de décevoir cette attente largement partagée. Il y va de l'avenir et du développement du pays. K. A.