La décision de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), vendredi dernier, de ne pas fixer un plafond de production, du moins jusqu'à juin 2016, a vite fait de provoquer réactions et répercussions sur le marché pétrolier, qui, pourtant, ne misait pas beaucoup sur une réduction des quotas du cartel. Ainsi, vendredi à 19h, le Brent a chuté de 1,5% à 43 dollars, tandis que le WTI, à New York, a franchi à la baisse la barre fatidique des 40 dollars le baril. Une première baisse des cours avait déjà eu lieu quand des agences de presse avaient rapporté, en milieu d'après-midi de vendredi, que l'Opep avait relevé son plafond de production de 30 millions de barils-jour (Mb/j) en intégrant le 1,5 Mb/j de surplus officieux pour le porter à 31,5 Mb/j. Le communiqué officiel, qui est tombé vers 18h, annonçant que, finalement, aucun objectif chiffré n'a été retenu, accentuera la baisse. Le secrétaire général de l'organisation, Abdullah al Badri, expliquera l'accord sur la non fixation d'un plafond par l'absence d'indications sur les conséquences du retour sur le marché, l'année prochaine, de l'Iran qui a déjà déclaré qu'il augmentera sa production d'au moins un Mb/j après la levée des sanctions. «L'Opep attendra sa prochaine réunion, en juin, pour confirmer son objectif de production», a-t-il indiqué. De son côté, le ministre du Pétrole iranien s'est félicité de la décision d'ouverture de l'Opep. «Chacun fait ce qu'il veut», a-t-il confirmé. En fait, cette déclaration traduit la politique de certains membres du cartel, les pays du Golfe notamment, avec l'Arabie saoudite en tête, qui ont toujours fait ce qu'ils voulaient. Le plafond de 30 Mb/j n'est plus respecté depuis des années. La production de l'Organisation atteint même aujourd'hui le record de 32,12 Mb/j, selon une estimation de l'agence Bloomberg, au détriment de certains pays comme le Venezuela et l'Algérie qui ont plaidé pour que le cartel réduise sa production. Mais l'Arabie saoudite refuse, préférant maintenir sa production pour, d'une part, préserver ses parts de marché et, d'autre part, affaiblir l'Iran, la Russie et les Etats-Unis, où, à 40 dollars le baril, de nombreux forages de pétrole de schiste sont devenus non rentables et ont dû être arrêtés. Ces derniers mois, l'Arabie saoudite a augmenté sa production de 500 000 barils jour à 12 millions, l'Irak est passé de 3 à 4 millions. Et l'année prochaine, avec la levée probable des sanctions sur l'Iran, 500 000 barils viendraient s'ajouter aux volumes actuels. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir jusqu'à quand la surabondance de l'offre (3 milliards de barils au niveau mondial) et le ralentissement économique qui plombent les cours se maintiendront, et si l'Opep a intérêt à entretenir la baisse des cours ainsi que les moyens de le faire. A moins de 50 dollars, certains forages aux Etats-Unis, en mer du Nord ou en Sibérie, ne sont plus rentables, d'où leur fermeture, alors que pour des pays comme l'Arabie saoudite, le coût de production se situe encore sous les 40 dollars. Mais jusqu'où les membres du cartel qui refusent la réduction de la production (les pays du Golfe) défendue par d'autres pourront-ils aller ? Ils ont, certes, accumulé d'immenses réserves financières lorsque le pétrole était à la hausse qui leur permettent de compenser la baisse des prix. Toutefois, «cette politique est un luxe qu'il peuvent encore se payer pour deux ou trois années», assure Dorian Abadie, de XTB France, cité par le Figaro. Car, en plus d'éponger la chute des recettes, ces pays sont obligés aussi de dépenser beaucoup «pour acheter la paix sociale depuis le printemps arabe», indique le journal français. L'Arabie saoudite a d'ailleurs été contrainte cette année d'emprunter pour financer son déficit budgétaire, une première dans son histoire, ajoute-t-on. «On voit les limites de cette stratégie. L'agence de notation S&P a récemment abaissé la note du pays car elle s'attend à ce que le déficit budgétaire passe de 1,5% du PIB en 2014 à 16% en 2015. Elle appelle même le royaume à lever des impôts !», souligne Dorian Abadie, cite par le même journal qui ajoute que les budgets des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG - Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Koweït) devraient connaître cette année un déficit moyen de 13% de leur PIB, confirme le FMI. Quant à un rebond des cours du baril en 2016, analystes et experts sont divisés. La position de l'Opep et des autres pays producteurs ne laisse augurer d'aucune baisse de production qui permettrait d'absorber le surplus d'offres et de doper les cours. Le seul espoir est en fait la conséquence de la baisse des prix qui s'est traduite par une baisse des investissements, laquelle amènera une perte de production de l'ordre de 1 Mb/j. «Le marché serait alors quasiment à l'équilibre», assure Benjamin Louvet cité par le Figaro. De plus, la production de pétrole de schiste pourrait ralentir plus fortement qu'annoncée. «On pourrait donc connaître un rééquilibrage plus rapide que le marché ne l'anticipe et, de ce fait, voir les prix du pétrole remonter dès 2016», ajoute le spécialiste. Pour XTB France, «les chiffres de production de schiste aux Etats-Unis sont clairement de la poudre aux yeux. On peut pour cette raison envisager une hausse des cours l'année prochaine avec un prix moyen de 55 dollars pour le baril de WTI». L'Agence internationale de l'énergie (AIE) est, elle, circonspecte, et estime que le rééquilibrage n'interviendra pas avant 2020 avec un baril qui ne dépassera pas les 80 dollars. H. G.