L'accord nucléaire historique entre l'Iran et les grandes puissances est entré en vigueur samedi soir après le feu vert de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea), entraînant une levée des sanctions économiques qui frappent le pays, depuis plusieurs années. Six mois après la conclusion dudit accord, au terme d'un long marathon diplomatique, l'Aiea a ainsi rendu son rapport dans lequel elle certifie que Téhéran a bien respecté toutes ses obligations destinées à garantir la nature strictement pacifique de son programme nucléaire. Cet accord met fin à un contentieux de plus de treize ans. «L'Iran a achevé les étapes préparatoires nécessaires au démarrage de la mise en œuvre» de l'accord conclu le 14 juillet 2015, a déclaré le secrétaire général de l'Agence onusienne, Yukiya Amano, dans un communiqué publié à Vienne, où les chefs de la diplomatie iranienne, européenne et américaine étaient réunis pour d'ultimes discussions. Le rapport envoyé au Conseil de sécurité par l'Aiea était une pré-condition cruciale, visant à rassurer les opinions publiques sur la bonne foi d'un régime ayant dissimulé par le passé ses activités nucléaires. L'Iran a ainsi réduit pour une durée de dix ans le nombre de ses centrifugeuses, de dix-neuf mille à six mille. Il a modifié le réacteur à eau lourde d'Arak afin de réduire la production de plutonium. Il a aussi limité son stock d'uranium faiblement enrichi et a accepté un cadre d'inspection très intrusif. La levée des sanctions internationales qui brident l'économie de l'Iran, un pays de 77 millions d'habitants aux riches ressources pétrolières et gazières, sera progressive et contrôlée. Elle sera échelonnée sur 10 ans, et durant 15 ans les mesures pourront être automatiquement rétablies en cas de manquements de Téhéran qui sera soumise à des inspections renforcées de l'Aiea. Les embargos sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques sont maintenus jusqu'en 2020 et 2023 respectivement. Quel impact sur l'économie iranienne? Une telle décision, permettra inévitablement, à l'économie de l'Iran de connaître un bond certain. Il est prévu une croissance de pas moins de 5% en 2016, contre 3% en 2015. La levée des sanctions économiques contre Téhéran va se traduire notamment par une augmentation des exportations de pétrole iranien. D'ailleurs, quelques heures après la levée internationale des sanctions contre le pays, les autorités iraniennes se sont prononcées sur ce sujet: «En prenant en compte les conditions sur le marché mondial et le surplus existant, l'Iran est prêt à relever ses exportations de pétrole brut de 500 000 barils par jour», a déclaré le vice-ministre iranien du Pétrole, Amir Hossein Zamaninia, cité par l'agence de presse Shana. La levée des sanctions contre l'Iran pourrait avoir un impact «important» sur les marchés mondiaux du pétrole, en faisant baisser les prix du baril de brut- déjà déprimés par l'abondance de l'offre mondiale- de 10 dollars dès 2016, selon la Banque Mondiale. Toutefois, bon nombre d'analystes pensent que si l'objectif de l'Iran est atteint, cela ne changera pas fondamentalement la donne du marché pétrolier. «Cela aboutira bien sûr à un excès d'offres plus important, mais ce ne sera pas un élément décisif dans l'évolution des cours du baril cette année», a observé Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque. M. Dembik pense que «l'appareil productif a beaucoup vieilli du fait des sanctions. Il y a un besoin important de le renouveler et, donc, d'attirer les investissements étrangers». Selon l'analyste, la capacité de l'Iran à exporter davantage dépendra étroitement de son aptitude à attirer les investissements étrangers et à les orienter vers l'industrie pétrolière. S'ajoute à ces facteurs, la réponse des concurrents de l'Iran à cet afflux de pétrole, notamment au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont Téhéran était le deuxième plus gros producteur avant 2012. «Est-ce que l'Opep répondra à cette offre supplémentaire en réduisant sa production? J'ai de sérieux doutes à ce sujet, surtout étant donné les tensions croissantes entre l'Iran et l'Arabie saoudite, poids lourd du cartel», a commenté Fawad Razaqzada, analyste chez Forex.com. La plupart des observateurs estimaient en effet que la récente escalade des tensions entre Riyad et Téhéran risquait de compromettre davantage les chances de voir les pays membres du cartel s'accorder pour réduire leur production alors que l'Arabie saoudite, qui pompe quelque 10,4 millions de barils par jour (mbj), est plus déterminée que jamais à ne concéder aucun terrain à son rival. B. A./Agences Echange de prisonniers entre Washington et Téhéran Avec l'annonce de la levée des sanctions, les relations entre Téhéran et Washington semblent entrer dans une phase d'apaisement, après plusieurs années de relations tendues. Samedi, l'Iran a libéré quatre prisonniers américains, dont le journaliste du Washington Post, Jason Rezaian, en échange de six prisonniers iraniens non identifiés, détenus aux Etats-Unis. Le Brent autour de 40 dollar en 2016, selon AIE Les cours du Brent devraient évoluer autour de 40 dollars en 2016 et de 50 dollars en 2017, et connaîtront une période de «volatilité accrue» en raison des incertitudes qui pèsent sur l'offre iranienne, a indiqué le dernier rapport de l'Agence américaine d'information sur l'Energie (Energy information administration). Le Baril du West Texas Intermediate (WTI) sera moins cher de deux dollars que le Brent en 2016 et de trois dollars en 2017. Le rythme du retour de la production iranienne sur les marchés internationaux influera sur les prix qui resteront, par ailleurs, sous la pression d'autres facteurs comme la croissance de la demande mondiale et le volume de la production des pays hors Opep, explique l'agence. La production iranienne devrait augmenter de 0,3 million baril/jour (mbj) en 2016 et de 0,5 mbj en 2017, mais cette hausse dépendra de la volonté de l'Iran de vendre son brut à bas prix et aussi de ses capacités à améliorer les techniques de récupération des puits en déclin. La production de l'Opep, progressera, quant à elle, de 0,5 mbj en 2016 et de 0,6 mbj en 2017, et sera tirée essentiellement par l'offre iranienne. Dans les pays hors Opep, la production pétrolière devrait reculer de 0,6 mbj en 2016, soit la première baisse enregistrée depuis 2008, affectée par le déclin de la production du Tight Oil (pétrole de la roche réservoir) aux Etats-Unis.