C'est évident, la crise financière ne peut être combattue par des mesures homéopathiques ou des rustines. Plutôt que d'être perçue comme un drame, elle doit être vécue comme une opportunité divine de transformation économique radicale. Une œuvre de réforme profonde qui nécessite de changer les paradigmes, les hommes et les méthodes de travail. Surtout de lancer la réforme, avec un grand «R», celle du système financier, notamment du secteur bancaire dont la nature et le fonctionnement représentent un risque majeur pour la sécurité financière, la sûreté économique et la stabilité politique. Cette urgente réforme est celle du financement de l'économie. Il est absolument anormal qu'un pays à revenus intermédiaires comme le nôtre, presque totalement dépendant de la rente pétrolière, ait pris un si grand retard dans la modernisation de son secteur bancaire et financier. Là aussi le statu quo est mortifère. La réforme est donc nécessaire pour créer ce choc de confiance pour garantir l'adhésion de tous les acteurs économiques et de la population. Faut-il le répéter encore, nos banques publiques fonctionnent comme un oligopole sclérosé qui recycle les dépôts issus des revenus pétroliers et n'accorde des financements qu'aux entreprises publiques et à un pool réduit d'entreprises privées triées sur le volet. Les PME-PMI, qui représentent près de 95% du tissu économique et qui sont le vrai moteur de la croissance et de l'emploi, peinent à obtenir des financements. Le marché interbancaire ou ce qui en tient lieu ne fonctionne pas comme il le devrait. Les banques publiques ne coopèrent pas du tout avec les banques privées qui sont toutes à capitaux étrangers. Après la liquidation de la Khalifa Bank, l'Algérie se place dans la catégorie peu enviable des rares pays au monde à ne pas disposer de banques à capitaux privés nationaux. En outre, et c'est encore déplorable, une grande partie de la liquidité monétaire échappe au système bancaire. Les raisons sont connues : défiance vis-à-vis des banques et absence de supports de placement et d'épargne assez attractifs. S'ajoute aussi le faible développement de la monétique et les retards dans la mise en œuvre du paiement électronique. Reste la question de la Bourse. Son développement est fortement pénalisé par l'absence de professionnels en nombre et en qualité pour animer le marché. Notamment pour encourager les entreprises publiques et privées à émettre des titres de dette ou des actions. Il faudrait donc repenser la notion même de patriotisme économique ou de souverainisme financier. Le patriotisme économique, le vrai, a pour seule philosophie la performance de l'économie et son pouvoir de création de richesses et d'emplois. Le protectionnisme ne doit pas signifier la perpétuation des logiques rentières et de l'économie administrée. Seul compte le souci permanent d'élever la productivité, de stimuler l'innovation et de créer les emplois nécessaires pour assurer la stabilité politique et sociale. Une telle transformation, œuvre nationale majeure, si elle est lancée et menée à son terme, aura une incidence profonde sur la place de l'Etat dans l'économie. La dépense publique ne serait plus alors le moteur principal de l'économie, mais le stabilisateur et le soutien à des activités à «externalités positives» comme la recherche-développement. Cette inévitable et vitale entreprise de transformation nécessite de s'appuyer sur des hommes et des femmes ad hoc. A commencer par le gouvernement. Car le gouvernement de la dépense et de l'opulence, ne peut pas être celui de l'austérité et du dinar bien placé. N. K.