Les séquelles des essais nucléaires français, effectués il y a 56 ans à Reggane (Adrar), continuent à peser sur la population et l'environnement affectés, interpellant, ainsi, la responsabilité historique et morale de la France face à ce drame. «Crimes contre l'humanité», «crimes abjects et abominables», «violation des droits de l'Homme». Ce sont, entre autres, les qualificatifs décrivant les essais nucléaires perpétrés dans le Sahara algérien par la France, dont ceux effectués le 13 février 1960 dans la zone de Hamoudia, à Reggane, 150 km au sud d'Adrar. Les séquelles des essais nucléaires français, effectués il y a 56 ans à Reggane (Adrar), continuent à peser sur la population et l'environnement affectés, interpellant, ainsi, la responsabilité historique et morale de la France face à ce drame. «Crimes contre l'humanité», «crimes abjects et abominables», «violation des droits de l'Homme». Ce sont, entre autres, les qualificatifs décrivant les essais nucléaires perpétrés dans le Sahara algérien par la France, dont ceux effectués le 13 février 1960 dans la zone de Hamoudia, à Reggane, 150 km au sud d'Adrar. De l'avis de chercheurs et spécialistes nationaux et étrangers, ces essais dépassent en intensité ceux d'Hiroshima (Japon) tant leurs effets ont été désastreux pour l'homme, la faune et la flore. Une réalité qui a amené, il y a une année, lors de la commémoration du 55e anniversaire de cette tragique date, le président de l'association «13 février-1960» de Reggane, Omar El Hamel, à s'indigner de l'usage du qualificatif simpliste d'«essais», attribué à des «crimes atroces». Depuis leur expérimentation, il y a plus d'un demi-siècle, l'ampleur des ravages engendrés par ces violentes explosions a été décriée et attestée par des témoignages directs de victimes ou de leurs proches, par des études et recherches spécialisées ou encore par des comptes rendus médiatiques. «L'horreur» est également relatée par les populations, témoins des fortes secousses ayant ébranlé la région de Reggane et les zones environnantes, mais surtout de la tragédie humaine et environnementale qui en a découlé. Le porte-parole des victimes de ces essais en a appelé, à ce propos, aux responsabilités de la France coloniale, censée «répondre de ces crimes devant le Droit international et devant le peuple algérien», en même temps qu'il a rappelé son obligation d'indemniser les populations affectées par l'onde de dommages qui s'en est suivie. Préjudice illimité sur la population et l'environnement Les retombées des essais nucléaires dans le Sud s'étaient avérées, au fil du temps, plus tragiques qu'il ne pouvait, au départ, paraître. Le plus important préjudice a été celui impactant la santé des habitants de la région : apparition de maladies diverses et inconnues, caractérisées par des malformations de tous types ainsi que des cas conséquents de cancer et de cécité, comparativement au reste du pays. Une vingtaine de maladies cancéreuses a été répertoriée comme étant une résultante directe de la radioactivité par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dont certaines de contamination immédiate par la radioactivité et d'autres pouvant être développées à long terme. Plus de 50 ans après ces explosions, leurs effets néfastes pèsent toujours sur la population et l'environnement sahariens, tel que démontré par des tests effectués ces dernières années et révélant l'existence d'un «taux élevé» de radioactivité dans la région. Ceci, d'autant plus que des déchets nucléaires demeurent sur le site des expérimentations, constituant un péril certain pour les habitants et l'environnement des localités affectées, non encore assainies de la nocivité de la radioactivité. Une responsabilité qui continue, par ailleurs, d'interpeller la France, auteur des essais de Reggane, mais aussi d'In-Ecker, dans la wilaya de Tamanrasset, et des essais chimiques de oued Namous, dans la wilaya de Béchar. «Grand temps» de se pencher sur ce dossier En déplacement de travail en France, fin janvier dernier, le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, avait soutenu qu'il était «grand temps» que l'Algérie et la France se penchent sur les dossiers en suspens, à savoir ceux des disparus, des archives et des essais nucléaires. Trois commissions mixtes s'attèlent à faire aboutir les négociations pour chacun des dossiers, celle inhérente aux essais nucléaires et axée principalement sur l'indemnisation des victimes, devait précisément se réunir au lendemain de cette visite, le 3 février courant. Le ministre avait ajouté que le règlement des dossiers en suspens, dont celui du nucléaire, était une étape devant précéder celle des «excuses» de la France pour ses crimes coloniaux. Pour rappel, un texte réglementaire (la loi Morin du 5 janvier 2010), préconise la reconnaissance et l'indemnisation par la France des victimes de ses essais nucléaires entrepris dans ses ex-colonies. Néanmoins, aucune victime algérienne n'a été indemnisée dans le cadre de cette loi. La présence, pour la première fois en Algérie en avril 2015, du secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants, Jean-Marc Todeshini, la veille de la commémoration des manifestations du 8 mai 1945, se voulait être pourtant l'expression d'une volonté «concrète» de la France d'assainir le litige historique entre les deux pays. Avant lui, c'est le chef de l'Etat français, François Hollande qui, en décembre 2012, avait soutenu que les conséquences des essais nucléaires étaient «pleinement assumées et prises en compte par l'Etat français qui agit en toute transparence». A la veille du déplacement de M. Zitouni en France, le secrétariat national de l'Organisation des Moudjahidine (ONM), avait jugé utile d'appeler à «l'ouverture» du dossier des expériences nucléaires françaises, notant qu'il s'agissait de «l'une des positions de principe permettant de nouvelles perspectives» entre les deux pays. APS Les effets des essais nucléaires français sont toujours présents Appel à la décontamination de la région de Reggane Le président de l'Association du 13 février-1960, Omar El Hamel, a appelé, hier, à la nécessaire prise en charge des victimes des essais nucléaires français effectués à Reggane et à la décontamination des sites des déchets radioactifs. «Considérés comme crimes contre l'humanité, les effets dévastateurs des essais nucléaires effectués par la France coloniale dans le sud algérien se font sentir à ce jour et continuent d'affecter la santé et la vie des populations des régions concernées», a déclaré M. Hamel à l'APS à la veille du 56e anniversaire des essais nucléaires français à Reggane (13 février 1960). Il a, dans ce sens, appelé à la nécessité «de décontaminer les sites concernés par ces essais nucléaires, des déchets radioactifs, comme priorité pour mettre fin aux effets néfastes de ces crimes» sur la population. M. Hamel a, en outre, insisté sur l'impératif «de décontaminer la région des déchets radioactifs qui continuent à faire de Reggane et des régions affectées des zones d'essais, lesquelles coûtent la vie aux habitants et des fonds colossaux à l'Etat dans le cadre de la prise en charge des victimes». «Des centaines de victimes souffrant notamment de cancers et de maladies ophtalmiques dont des cas graves entrainant la mort ont été recensés», a souligné le même responsable, précisant que les statistiques obtenues par l'association auprès de l'hôpital de Reggane faisaient état de 48 cas de cancers, notamment de la peau, enregistrés durant la période allant de mai 2014 à janvier 2016. M. El Hamel a estimé qu'il était «difficile de déterminer de manière précise le nombre de victimes parmi la population de Reggan et les régions avoisinantes en raison de l'affectation de certains cas aux services de cancérologie aux niveaux des grands hôpitaux, notamment à Alger et Oran». Concernant les revendications de l'association qui compte des victimes des essais nucléaires et leurs familles, M. El Hamel a précisé que l'«association, porte parole des victimes, ne revendique pas d'indemnisation financière, mais plutôt les archives sanitaires des victimes des essais dans cette région d'avant 1962 ainsi que les archives techniques des essais». Ces dernières, a-t-il expliqué, permettront de suivre l'évolution des radiations nucléaires meurtrières et de délimiter les résidus, ce qui permettra de faciliter le travail des experts et spécialistes en matière de décontamination». L'autre revendication de l'association 13 février 1960 étant la reconnaissance par la France des crimes nucléaires commis en Algérie, selon le président de l'association. M. Hamel a exprimé le souhait de voir des «résultats positifs sanctionner ce dossier à la faveur de la récente visite à Paris du ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni». APS