Photo : Riad De notre envoyé spécial à El Kef Mohamed Rahmani «La Tunisie et l'Algérie sur la voie de la réussite et de l'excellence». Ce slogan qui, affiche les ambitions des deux pays du Maghreb et qui est en passe d'être concrétisé sur le terrain, a été adopté par les hommes d'affaires algériens et tunisiens lors de leur rencontre les 3 et 4 du mois courant à El Kef (Tunisie). Cette 17e rencontre du genre se propose d'insuffler une nouvelle dynamique de coopération et d'échanges commerciaux entre les deux voisins dans la perspective d'une complémentarité qui les mettra à l'abri d'une mondialisation où il n'y a pas de place pour les faibles. La création, ces dernières années, de nouvelles institutions : chambre commune de commerce, commissions mixtes, signatures d'accords et autres rencontres au sommet, a eu pour effet l'augmentation sensible du volume des échanges commerciaux. Ainsi, côté tunisien, les exportations vers l'Algérie sont passées de 237 millions de dinars tunisiens (DT), en 2005, à 249 MDT en 2006, pour atteindre 367 MDT en 2007. Côté algérien, on enregistre à peu près la même progression avec l'équivalent de 175 MDT en 2005, 259 MDT en 2006, et 383,5 MDT en 2007. La première rencontre, qui a regroupé une quarantaine d'hommes d'affaires des deux pays, s'est tenue vers 18h et a duré plus de deux heures pendant lesquelles les participants sont intervenus pour exposer les problèmes auxquels ils sont confrontés et qui constituent un véritable frein à l'essor de leurs activités des deux côtés de la frontière. M. H'sen Bata ex-président de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) et membre influent de la délégation tunisienne, dira qu'il faut redynamiser la cellule des frontières algéro-tunisiennes pour qu'elle puisse jouer le rôle qui lui revient «C'est cette cellule qui est à la base de la concrétisation de cet espace économique vital que nous comptons créer et développer, lance-t-il à l'assistance. Une organisation, une structuration et une coordination sont aujourd'hui indispensables pour pouvoir transmettre nos propositions à nos responsables qui, à leur tour, interviendront pour mettre au point les mécanismes et le cadre légal qui faciliteront l'ensemble des opérations des deux côtés aussi bien pour les Tunisiens voulant investir en Algérie que pour les Algériens en Tunisie.» Il poursuivra en insistant sur le fait que l'Algérie et la Tunisie sont des pionniers en matière d'échanges interarabes mais que beaucoup reste à faire pour améliorer la situation. Evoquant les difficultés rencontrées, il proposera la création de sièges pour ces cellules qui seront implantés aux frontières de façon telle que l'opérateur économique saura où il faut s'adresser pour régler ses problèmes. «Cela lui permettra d'éviter bien des tracas et de gagner un temps précieux», assure-t-il. Selon l'ex-président, une carte spéciale réservée exclusivement aux hommes d'affaires affiliés aux chambres de commerce et d'industrie des deux pays devrait être instituée. Ces opérateurs seront prioritaires ; des facilités et des avantages leur seront accordés de façon à ce qu'ils puissent réaliser leurs projets pour le plus grand bien de tous. La création de sociétés algéro-tunisiennes de transport, d'une banque mixte pour le financement de projets communs, l'institution de conseils sectoriels, l'organisation de salons spécialisés, la création de banques de données de tous les secteurs d'activités et bien d'autres propositions ont été présentées à l'assistance qui a longuement débattu de toutes ces questions avant d'aborder d'autres sujets. Côté algérien, c'est M. Redha Boushaba, industriel de la chambre de commerce de Annaba, qui est intervenu pour rappeler qu'Algériens et Tunisiens sont condamnés à s'entendre parce qu'il y va de leur survie et de leur devenir face à un monde en perpétuel mouvement aux bouleversements économiques et à la crise financière qui a frappé de plein fouet les grands pays industrialisés. Parlant de la zone arabe de libre-échange (ZALE), il fera part de ses craintes concernant les certificats d'origine délivrés par les pays signataires de l'accord. «En Algérie, dit-il, nous avons beaucoup souffert de l'import-import ; les produits asiatiques débarquent par conteneurs écrasant la production locale qui disparaît au bout de quelques temps. Dans le domaine du textile, de grandes marques telles que la chemise «Redman» ou «Chréa» n'existent plus ; c'est une catastrophe aux conséquences désastreuses. On importe des produits de très mauvaise qualité qu'on paye en devises fortes et on exporte des postes de travail pour ces pays. Il ne faudrait pas que les Asiatiques nous exportent ces produits via les pays arabes interposés qui délivreraient à leurs exportateurs des certificats d'origine de ‘'complaisance'' attestant d'un taux d'intégration (40%) conforme aux accords signés.» Il ajoutera que les économies des deux pays ne sont pas assez fortes pour faire face aux autres pays et qu'il faudra mettre des garde-fous des deux côtés pour arriver à une complémentarité réelle où Tunisiens et Algériens pourront intervenir dans des secteurs peu ou pas développés avec pour objectif une intégration économique totale qui ne pourrait qu'être bénéfique pour les deux parties. Versant dans le même sens, un opérateur tunisien dira que juste après la signature des accords avec l'Algérie, lors d'une rencontre sur le partenariat organisée dans son pays, le nombre de participants étrangers a triplé, ce qui était inhabituel. «Ces étrangers, ajoute-t-il, croyaient utiliser la Tunisie comme tremplin pour pénétrer en Algérie et profiter des avantages accordés ; nous sommes conscients de cela et nous rassurons nos frères Algériens qu'il n'y aura que des produits exclusivement tunisiens qui seront exportés.» Le lendemain, l'antique Sicca Veneria, habillée aux couleurs des deux pays avec des banderoles accrochées un peu partout, devait accueillir les officiels venus écouter les préoccupations des hommes d'affaires qui avaient beaucoup d'espoirs quant à la prise en charge de leurs problèmes. C'est à l'Institut supérieur d'informatique que la rencontre a eu lieu dans la matinée pour se prolonger jusqu'à l'après-midi avec à la fin un message adressé aux Présidents des deux pays. Côté algérien, M. Rachid Belbaki, consul d'Algérie au gouvernorat du Kef, M. Aziar, président de la chambre de commerce de la CCI «Seybouse» (Annaba), représentants des chambres de commerce de Constantine, Tébessa et Souk-Ahras et une quarantaine d'hommes d'affaires algériens activant dans différents secteurs de l'économie ; M. Mohamed Belkheiria, gouverneur du Kef, M. El Mouldi Ayari, président de la chambre mixte algéro-tunisienne et membre du bureau exécutif de l'UTICA, le secrétaire général de l'ambassade de Tunisie en Algérie, le président de la chambre de commerce du nord-ouest tunisien et près de 80 hommes d'affaires côté tunisien. Le gouverneur du Kef interviendra en premier pour rappeler les événements de Sakiet Sidi Youcef, distante d'une quarantaine de kilomètres, événements qui ont soudé les liens entre les deux peuples et ont été à l'origine de ces rencontres qui, au départ, se limitaient aux échanges culturels et sportifs pour ensuite se développer et englober le domaine économique «C'est un pont solide pour l'amitié et le développement, dit-il. Il faudrait se hisser au niveau des aspirations des deux peuples frères et il n'y a pas meilleur moyen que la coopération bilatérale qui redynamisera les échanges dans les deux sens. La volonté inébranlable des autorités supérieures des deux pays, qui ont veillé à la mise en œuvre de tous les mécanismes à même de faciliter et d'encourager ces échanges, trouve toute son expression ici et nous sommes certains que vous, hommes d'affaires, concrétiserez sur le terrain ce projet grandiose.» Prenant la parole et usant d'un langage diplomatique châtié, il dira que les relations entre l'Algérie et la Tunisie sont au beau fixe et sont renforcées chaque jour. La volonté politique n'est plus à démontrer, Le Président Abdelaziz Bouteflika et son frère le Président Ben Ali sont plus que convaincus de la nécessité d'une coopération dans tous les domaines, une coopération que rien ni personne ne pourra arrêter. «Il faut, martèle-t-il, un partenariat réel qui viendra en complément de l'action politique. Nos frères tunisiens devraient mieux connaître l'Algérie ; ils doivent se déplacer, la visiter et s'intéresser beaucoup plus à l'économie algérienne. Des salons doivent être organisés pour faire connaître les produits des deux pays. Cela pourra améliorer les échanges et susciter le lancement de projets communs où tout le monde est gagnant.» M. El Mouldi Ayari annoncera, pour sa part, qu'une rencontre sera organisée au cours du 1er semestre par la chambre de commerce mixte en Algérie et une autre le sera pendant le 2e semestre en Tunisie. «Ce sera l'occasion pour les hommes d'affaires algériens et tunisiens de se rencontrer, dit-il. Ils auront à débattre de tout ce qui touche à leurs activités et d'exposer les problèmes qui auront surgi entre-temps.» Il poursuivra en insistant sur le fait que l'Algérie peut apporter beaucoup à la Tunisie en matière de produits agricoles. «Nous avons près de 6 millions de touristes par an et donc la consommation augmente sensiblement durant la haute saison. L'Algérie produit des primeurs que nous n'avons pas ; nous en avons besoin et ils seront les bienvenus chez nous.» Sur sa lancée, le président de la chambre de commerce attirera l'attention des présents sur la possibilité pour les deux pays en partenariat de conquérir des marchés extérieurs. «Les capacités de l'Algérie sont énormes, et il faut passer à la vitesse supérieure immédiatement après avoir aplani toutes les difficultés rencontrées par nos opérateurs ; nous en sommes conscients et œuvrons tous dans ce sens», conclut-il. A la fin de cette rencontre, un message commun dans lequel les représentants des deux parties remercient les deux Présidents pour leur action visant à rapprocher encore plus les deux peuples a été lu à l'assistance qui répondit par un tonnerre d'applaudissements. M. R. Le consul d'Algérie au Kef reçoit des hommes d'affaires algériens Le siège du consulat d'Algérie au Kef, rénové et tout en marbre blanc, situé au 3, rue Hedi Chaker est imposant. Il offre au visiteur l'image d'un édifice où les architectures moderne et traditionnelle se sont unies en toute harmonie pour donner naissance à ce petit bijou qui, il faut le reconnaître, honore l'Algérie. L'aménagement intérieur a été réalisé de façon à répondre aux besoins de la communauté algérienne établie dans la région : une grande salle d'attente avec des chaises confortables, des guichets derrière lesquels des fonctionnaires s'affairent et des bureaux bien équipés, l'outil informatique omniprésent, des armoires encastrées, des téléphones, des télécopieurs, le tout dans un ensemble très propre. Au fond, une autre grande salle avec une fresque murale en bas-relief représentant les grandes batailles de la Révolution, l'emblème national bien en vue avec au-dessus, accroché au mur ; un portrait du président de la République. C'est, là, autour d'un café, dans une atmosphère toute algérienne que M. Rachid Belbaki, consul d'Algérie au Kef a reçu les hommes d'affaires algériens qu'il avait invités la veille. D'emblée, le représentant de l'Algérie conseillera à ses compatriotes de travailler la main dans la main pour réaliser ce noble objectif qui est le rapprochement des deux pays. Il dira que le consulat est ouvert pour eux, qu'il est prêt à les accueillir à n'importe quel moment et qu'il est au service de la communauté algérienne établie dans ce pays frère. Il leur conseillera de mieux s'organiser, de coordonner entre eux par le biais des chambres de commerce de leurs wilayas et de faire un recensement des secteurs dans lesquels ils peuvent intervenir. «L'Etat algérien avec toutes ses institutions, est là pour vous soutenir, poursuit-il. C'est à vous de constituer une banque de données pour pouvoir réussir ces échanges. Nos frères tunisiens ont de l'expérience en matière d'exportation et il s'agit pour vous d'apprendre de ces compétences pour ensuite les utiliser efficacement.» Les hommes d'affaires qui ont écouté attentivement ces paroles et les ont applaudies, ont tous reconnu qu'il n'y avait effectivement pas une bonne organisation de leur côté. Cela est dû à une absence de coordination, mais que ça sera réglé une fois qu'ils seront rentrés au pays.