Photo : Mohamed Rahmani De notre envoyé spécial en Tunisie Mohamed Rahmani Le gouvernorat du Kef, en République tunisienne, situé à quelque 45 km de la frontière est des frontières algéro-tunisienne, a abrité pendant 2 jours, les 2 et 3 février derniers, le Forum annuel des hommes d'affaires des deux pays frères à l'occasion de la commémoration du 52e anniversaire des événements douloureux de Sakiet Sidi Youcef. La première journée, qui s'est prolongée jusque vers 21 heures, a donné lieu à un large débat sur le secteur du bâtiment et des travaux publics et avait soulevé plusieurs problèmes en relation avec l'activité des entreprises algériennes en Tunisie et leurs homologues en Algérie. «L'édification du Grand Maghreb commence par nous, c'est nous les bâtisseurs, nous devons nous entendre, devenir partenaires et mettre la main dans la main pour concrétiser sur le terrain ce à quoi aspirent nos 2 peuples, c'est-à-dire cette unité tant espérée», dira M. Cherif Nesnane, représentant de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), inaugurant ainsi cette rencontre. Côté algérien, M. Khelladi, représentant de la Chambre de commerce de Annaba, interviendra pour déplorer le fait que la cellule des frontières, structure dépendant de la Chambre mixte algéro-tunisienne, n'ait pas vraiment joué son rôle dans la mise en œuvre des mécanismes à même de faciliter les liaisons entre les opérateurs. «C'est, poursuit-il, le moteur essentiel pour dynamiser les relations ; aujourd'hui, elle est frappée de léthargie, elle n'a pas de siège, elle n'est pas dotée des moyens nécessaires et le problème de transit reste toujours posé. Nous désirons mettre sur les rails cette coopération pour une complémentarité économique réelle.» Les débats qui ont suivi ont porté essentiellement sur les travaux publics, le bâtiment et ses dérivés (matériaux de construction), le transport et surtout sur l'uniformisation des lois régissant ce secteur stratégique. Dans la soirée, et à la fin des débats où chaque partie avait montré sa disponibilité à œuvrer pour concrétiser dans les faits les ambitions des uns et des autres, une première ébauche de recommandations à transmettre aux autorités supérieures a été élaborée, en attendant d'être l'enrichire au cours des séances suivantes. Le lendemain, M. Ridha Ben Mosbah, ministre tunisien du Commerce et de l'Artisanat, accompagné de M. Kheireddine Hammoum, consul d'Algérie au Kef, M. Hatem Lamari, wali du Kef, et du président de la Chambre mixte algéro-tunisienne, a présidé à l'ouverture officielle de ce forum à l'Institut supérieur d'informatique situé en plein centre-ville. 60 entreprises tunisiennes travaillent en Algérie Dans son allocution devant plus de 200 hommes d'affaires venus participer à cette rencontre, le ministre tunisien, qui a longuement loué les excellentes relations des deux pays, a rappelé les bombardements dont ont été victimes les Tunisiens et les Algériens, paisibles habitants de Sakiet Sidi Youcef, le 8 février 1958, avant de revenir au thème de ce forum. «La conjoncture actuelle et la crise économique mondiale est pour nous une autre occasion de resserrer encore plus nos liens et consolider nos relations qui doivent s'étendre en associant toutes les entreprises et PME afin de repérer les compétences et aboutir à une complémentarité et une intégration économique avec pour objectif le développement et la croissance.» Le ministre tunisien enchaînera en rapportant que les échanges entre les 2 pays ont atteint en 2009 un montant de 1 277 millions de dinars tunisiens et qu'actuellement il y a 60 entreprises tunisiennes qui travaillent en Algérie. «Il y a une volonté des 2 pays d'améliorer ces résultats et de les multiplier en instituant les mécanismes nécessaires, la grande commission mixte, l'accord préférentiel exonérant une liste de produits tunisiens et algériens, une autre liste a bénéficié des mêmes avantages à hauteur 40 % des droits et taxes douaniers et des négociations sont encore pour aller encore plus loin», a-t-il rapporté encore. Prenant la parole, le consul d'Algérie au Kef, M. Kheireddine Hammoum, axera son intervention sur le fait qu'aujourd'hui l'Algérie est un chantier ouvert à l'échelle du territoire national. «Le plan quinquennal 2010-2014 avec le million de logement du programme du président Abdelaziz Bouteflika, l'autoroute Est-Ouest, les projets de rénovation des chemins de fer et la mise en valeur des terres sont une occasion unique pour nos frères tunisiens qui peuvent investir et s'y investir ; des facilités et des mesures incitatives et des garanties sont offertes, c'est une occasion à saisir qui constitue un nouveau souffle à la coopération algéro-tunisienne pour être fidèles à nos chouhada tombés sous les bombardements aveugles de l'aviation française un certain 8 février1958 à Sakiet Sidi Youcef,» a-t-il déclaré. Ces propos sincères, salués par un tonnerre d'applaudissements ont été bien accueillis aussi bien par les hommes d'affaires tunisiens qu'algériens. Les interventions qui suivirent ont porté sur les échanges commerciaux entre les deux pays et la législation algérienne et sur la loi de finances complémentaire (LFC) en matière d'investissements étrangers. Ainsi, on apprend entre autres que les exportations tunisiennes vers l'Algérie sont passées de 212 millions de DT en 2007 à 297 M de DT en 2008 pour atteindre les 345 M de DT en 2009, ce qui est déjà appréciable selon certains responsables. 302 millions de dinars d'exportations algériennes vers la Tunisie en 2009 L'Algérie a exporté pour les mêmes années respectivement pour 85 MDT, 872 MDT et 302 MDT, essentiellement des produits énergétiques, gaz naturel, butane liquide. Les débats qui ont suivi ont soulevé les problèmes rencontrés par les opérateurs économiques et hommes d'affaires des deux pays, certificats de conformité, double analyse, problèmes de transit, lenteurs administratives, procédures et documents à fournir et surtout le fait que dans la réalité cette volonté politique de faciliter les échanges et le partenariat affichée par les autorités supérieures des 2 pays se heurte à une bureaucratie «à toute épreuve». Le cadre juridique censé accélérer cette mutation vers un partenariat efficace et efficient n'a pas encore été élaboré en plus du fait que les législations des 2 pays sont différentes s'agissant de l'investissement étranger. A la fin de la deuxième journée, des recommandations ont été adressées aux instances supérieures algériennes et tunisiennes tout en remerciant les directions politiques des 2 pays d'avoir été à l'origine de ces rencontres annuelles entre les hommes d'affaires. Parmi les recommandations lues à l'assistance, on retient la redynamisation de la cellule frontalière, la facilitation des formalités de passage, l'institution de conseils sectoriels, la multiplication des salons spécialisés et des rencontres, l'uniformisation et l'homogénéisation des lois des deux pays, la création d'une banque algéro-tunisienne et une zone de libre-échange. Le ministre tunisien du Commerce et de l'Artisanat a, dans son allocution marquant la clôture de ces 2 journées, insisté sur le réalisme et le rationalisme et sur le fait que les choses avancent et s'améliorent d'année en année. «Certes, nous avons une vision ambitieuse pour la promotion de la coopération dans un cadre bilatéral préférentiel en mettant en place les structures d'appui et les mécanismes adéquats mais il faut y aller progressivement et comme on dit Rome ne s'est pas faite en un jour», a-t-il conclu.