Entretien réalisé par notre envoyée spéciale à Dakhla Fella Bouredji LA TRIBUNE : Quel état des lieux faites-vous du problème de l'autodétermination du Sahara occidental au su des dernières résolutions adoptées par l'ONU ? Pensez-vous qu'on va vers une solution du conflit ? Mohamed Khedad : Par ces résolutions, le Conseil réaffirme son engagement pour l'autodétermination du Sahara occidental afin d'aboutir à une solution pacifique du conflit. Nos préoccupations n'ont pas été totalement prises en charge et le blocage est venu de la France. Cependant, le fait d'avoir parlé de la dimension humaine du conflit est déjà un acquis en soi, un pas en avant. Il y a une volonté et un intérêt affichés en théorie par les Nations unies. Il reste seulement un problème d'ordre pratique et dynamique, à savoir comment concrétiser cette volonté. La solution est là, elle est adoptée. Sa mise en application dépend de la réalité du terrain. Il faut continuer à déployer des efforts par la voie politique et pacifique. Il faut impérativement que certains pays, tels que la France, cessent de constituer des blocages à l'évolution de la résolution du conflit. La France s'est opposée à ce que le Conseil de sécurité de l'ONU élargisse le mandat du contingent des Casques bleus au Sahara occidental (Minurso) à la surveillance des droits de l'Homme. Que pensez-vous de cette position ? Elle constitue malheureusement un véritable blocage de toute évolution vers une solution de paix pour le conflit. Un sabotage de toute possibilité de coopération, de paix et de stabilité dans la région, comme s'il y avait derrière cette position une hantise de toute coopération maghrébine, une volonté de maintenir, si j'ose dire, un Maghreb boiteux ! La France a la hantise d'un Maghreb stable. Ce genre de blocage n'augmente-t-il pas les risques d'une reprise de la lutte armée ? Oui, malheureusement. Cette possibilité est toujours présente. Nous avons fait beaucoup de concessions jusque-là et nous ne perdons pas espoir quant à l'engagement des Nations unies pour la résolution du conflit. Ça dépend des rapports de force, des débats à venir. Est-ce que l'espoir est permis avec la nouvelle administration américaine ? La nouvelle administration américaine a totalement rompu avec les positions de G. W. Bush qui se caractérisaient par une politique idéologique manichéenne, du noir et du blanc. Une politique qui a fait beaucoup de dégâts dans le monde et pour les Etats-Unis. Barack Obama a exprimé sa volonté de résoudre ce conflit. Quels autres pays peuvent avoir, selon vous, un impact sur la solution de ce conflit ? D'abord la position française, qui est importante. La France a un rôle déterminant et en ce moment elle joue celui de perturbateur et de destructeur de la paix, car c'est elle qui a empêché l'application du plan de règlement initial. C'est également la France qui a aidé le Maroc à refuser l'application du plan Becker en 2003. Et c'est aussi la France, censée être le creuset des droits de l'Homme et de la révolution, qui ose faire des blocages sur des questions aussi élémentaires que les droits humanitaires. Il y a aussi l'Espagne, en tant qu'ancien colonisateur du Sahara occidental. Elle a son mot à dire mais elle continue, comme la France, à avoir une position en faveur du Maroc malgré une forte mobilisation de la société civile pour la cause sahraouie. Mais les négociations vont continuer… C. Ross va s'atteler à la mise en application des résolutions adoptées récemment, et à la préparation des prochaines négociations entre les deux parties… Quel rôle peut jouer l'Algérie dans la résolution du conflit ? L'Algérie est un pays frontalier incontournable dans la résolution du conflit. Elle est concernée par le conflit, et, de ce fait, a son mot à dire. Elle a un poids économique et politique et sa position en faveur du Sahara occidental compte. Et concernant les conditions de vie dans les camps des réfugiés… Les conditions sont très difficiles. Des gens sont nés et vivent dans ces camps depuis une trentaine d'années, et les perspectives sont rudes dans ce désert d'autant que les aides humanitaires arrivent souvent en retard ou incomplètes et sont souvent utilisées comme instruments de pression sur les réfugiés. Au-delà des problèmes de nourriture et d'eau, il y a celui de l'éducation de toute une génération qui a droit à un enseignement décent, au savoir et à l'apprentissage. Et c'est d'autant plus difficile d'être dans une situation de «ni paix ni guerre». Que pensez-vous de la tenue chaque année du Festival international du cinéma de Dakhla ? La culture peut-elle agir pour l'autodétermination du Sahara occidental ? Ce festival est une excellente initiative. Il permet des rencontres, des échanges et l'expression culturelle. Venir partager une fois par an la réalité, les difficultés et les attentes du peuple sahraoui est très important au-delà du fait politique. La solidarité et le fait de porter un message de paix sont en soi une réussite. La culture et l'expression de la solidarité sont primordiales.