A quelques semaines de l'ouverture du congrès du Parti des travailleurs, le premier depuis 1980, Pyongyang lève peu à peu le voile sur son programme d'armement et laisse transparaître ses intentions en matière nucléaire en dépit des sanctions internationales A quelques semaines de l'ouverture du Congrès du Parti des travailleurs, le premier depuis 1980, la Corée du Nord lève peu à peu le voile sur son programme d'armement et laisse transparaître ses intentions en matière nucléaire en dépit des sanctions internationales. Cette publicité a de quoi surprendre de la part d'un Etat adepte du secret et au sujet duquel les puissances étrangères devaient jusque-là fonder leurs analyses sur des images satellites ou sur quelques relevés effectués dans la foulée d'essais nucléaires. En un peu plus d'un mois, Pyongyang a diffusé de nombreux articles et photographies détaillant les résultats d'un série de tests et d'opérations qui témoignent d'une accélération de ses efforts pour doter son armée de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM). «La publication d'images détaillées des essais terrestres est quasiment sans précédent en République populaire démocratique de Corée», a dit à Reuters John Schilling, ingénieur en aérospatiale spécialisé dans les satellites et dans les systèmes de propulsion de lanceurs. «Cette transparence laisse entendre que la stratégie est tout autant diplomatique que militaire : il est tout autant important de disposer de ces capacités que de le faire savoir», explique John Schilling. Le régime nord-coréen a annoncé samedi avoir procédé à l'essai d'un nouveau type de moteur pour missile balistique en présence du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Selon plusieurs experts, l'analyse des images de l'essai montre que le système était équipé de deux moteurs de missiles soviétiques R-27 qui ont laissé échapper deux panaches de fumée. L'agence de presse officielle KCNA a de son côté précisé que le moteur en question est destiné à équiper un missile balistique d'une portée supérieure à 5 600 km. En rendant ces détails publics, la Corée du Nord montre qu'elle n'a pas l'intention de relâcher ses efforts et qu'elle fait peu de cas des sanctions décidées à l'Onu et des avertissements lancés à l'étranger, par les Etats-Unis notamment, explique Michael Elleman, de l'Institut international pour les études stratégiques. «Ces révélations, ces annonces, ces ‘‘essais'' semblent s'inscrire dans une campagne tendant à démontrer que Pyongyang dispose, ou disposera d'ici peu, d'un missile à très longue portée susceptible d'atteindre le territoire américain», a-t-il dit. «Tous ces éléments, s'ils sont vrais, font partie d'un programme structuré destiné à développer les capacités (nucléaires). Reste une question, celle de l'étendue de la véracité de ces tests.» Beaucoup d'observateurs semblent désormais admettre que les capacités militaires nord-coréennes sont beaucoup plus développées que ce qu'ils pensaient jusqu'alors. D'après une source gouvernementale américaine, Pyongyang pourrait disposer d'ici la fin de la décennie d'un missile balistique intercontinental rudimentaire. La volonté de convaincre ses voisins du sérieux de son programme tout en alimentant leurs préoccupations pourrait justifier cette débauche de publicité à quelques semaines du congrès de mai, estime Yang Moo-jin, enseignant sud-coréen de l'Université de recherche sur la Corée du Nord. «Dans une armée normale, le développement de l'armement est censé être classifié», souligne-t-il. «Mais depuis des années, le Sud et les Etats-Unis déprécient les efforts militaires de Kim Jong-un, c'est pourquoi il entend optimiser la perception de la menace que constitue son armement.» L'essai de samedi dernier est intervenu après l'essai en mars d'un moteur de fusée à combustible solide et d'une simulation de rentrée d'ogive dans l'atmosphère. Kim Jong-un a promis que le régime procéderait d'ici peu à son cinquième essai de tête nucléaire. Selon certains analystes, il pourrait intervenir peu de temps avant l'ouverture du Congrès lors duquel le dirigeant devrait dévoiler un programme de développement économique couplé à son programme nucléaire. Il a également annoncé le mois dernier que la Corée du Nord était parvenue à miniaturiser une ogive nucléaire susceptible d'équiper un missile balistique et les médias nord-coréens ont à cette occasion diffusé les images d'un Kim Jong-un ravi posant avec un objet sphérique métallique. Ces divulgations scénarisées laissent toutefois certains experts sceptiques. «Je ne suis toujours pas convaincu que tout est aussi vrai qu'ils souhaitent nous le faire croire», indique Markus Schiller, un ingénieur en aérospatiale allemand qui suit de longue date le programme nucléaire nord-coréen. Reuters