Chaque région possède son tapis typique avec son propre répertoire de dessins, de symboles et de décorations représentés par des motifs géométriques tels les triangles et les losanges ainsi que des paillettes et franges typiques Elément incontournable d'une décoration, le tapis de pure laine, tissé et noué à la main, demeure la principale vedette de la 48e édition de la fête nationale du tapis, organisée annuellement à Ghardaïa. Œuvre picturale de l'art féminin de l'Algérie profonde, le tapis de laine pure, tissé par les tisseuses d'une manière savante, mélange d'élégance et de raffinement, dans les ateliers familiaux du monde rural, est aujourd'hui menacé par l'obsolescence des moyens techniques de base utilisés et par l'exacerbation de la concurrence de l'industrialisation du produit. Authenticité et qualité, les atouts de la zarbia La prolifération de tapis industriels à bas prix, la rareté de la matière première et des touristes et autres connaisseurs de l'art traditionnel, ont engendré aujourd'hui un net repli dans le tissage du tapis traditionnel pure laine, a indiqué Mme Zahia, une tisserande de Theniet El Makhzen (Ghardaïa). «Les acheteurs, notamment les touristes étrangers, se font rares, la confection d'un tapis pure laine revient très chère avec un prix allant de 180 000 à 200 000 DA», abonde de son côté, sa collègue Hada. Le tapis qui est avant tout une œuvre d'art véhiculant un héritage de l'imaginaire social, un patrimoine culturel riche et une histoire millénaire nattée d'un savoir-faire et d'un savoir-vivre ancestral, est l'expression symbolique du vécu des tisseuses. Le tapis pure laine aux motifs traditionnels s'inspire souvent du patrimoine culturel et propose des productions figuratives inspirées de l'environnement et du vécu de la tisseuse, et constitue un moyen de transmission d'une identité, de valeurs et de règles. A travers les symboles et motifs fidèlement transmis avec raffinement, un néophyte peut aisément déterminer avec exactitude l'origine du milieu de fabrication du tapis «zarbia». Le tapis, expression de la diversité culturelle Cette fresque tissée (le tapis artisanal) est un véritable médium qui véhicule des repères inspirés du substrat social et représente la vie quotidienne des tisserandes, exprimée à travers des symboles complexes, des figures géométriques et des dessins abstraits chargés de sens. Chaque région possède son propre répertoire de dessins, de symboles et de décorations représentés par des motifs géométriques tels les triangles et les losanges ainsi que des paillettes et franges typiques. Parmi les régions du pays qui excellent dans le tissage du tapis et dans la symbolique artistique, véritable ancrage culturel et identitaire, figurent les régions de la Kabylie, des Aurès, du M'zab, de Tlemcen, des Hauts plateaux et du Djebel Amour. Du tapis d'Ath-Hichem à celui de Béni-Isguen en passant par ceux de Nememcha, de Ksar Chellala, d'Aflou et de Laghouat, l'expression artistique et la symbolique propre à chaque région se manifestent à travers les dessins et motifs reproduits et exécutés magistralement par les doigts des tisserandes armées d'une grande patience. Ces tisserandes livrent à travers leurs tapis soigneusement élaborés des repères significatifs qui ont un lien direct avec leur milieu sociologique immédiat et l'imaginaire social dont elles sont issues. A titre d'illustration, les tapis des régions de Djebel Amour de Nador en allant vers Sougueur, Aflou, El Bayadh et Laghouat, se distinguent par des dessins exécutés avec le mariage des couleurs rouge, noire et blanche. Le tapis de Ksar Chellala répond aux styles de tissage bien particulier et comporte une multitude de couleurs et motifs, tandis que le tapis de Ghardaïa se caractérise par un motif central d'apparence végétale et un motif représenté par une ligne de palmier avec deux principales couleurs (le blanc et le noir) étroitement lié au milieu naturel. Chacun des symboles et couleurs que renferme le tapis artisanal témoigne d'une pratique sociale, d'un mode de vie propre à une région et d'une entité culturelle inspirée de son vécu quotidien et de l'imaginaire sociologique, expliquent des spécialistes dans ce genre artisanal. Ces fresques tissées par les mains dont la valeur et la particularité résident dans l'originalité ainsi que dans le génie et la dextérité de la tisseuse, traduisent l'authenticité et la diversité culturelle millénaire du pays. APS