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Un métier en déclin
Libraire à Constantine
Publié dans La Tribune le 17 - 05 - 2016

Face à une fréquentation circonstancielle ou d'utilité, les quelques libraires qui avaient pignon sur rue à Constantine tentent de résister aux temps modernes.
Face à une fréquentation circonstancielle ou d'utilité, les quelques libraires qui avaient pignon sur rue à Constantine tentent de résister aux temps modernes.
L'avènement du livre électronique, le boom des multimédias et autres supports high-tech ont considérablement décru la courbe de lecture et l'engouement sur le livre. Les libraires dans la ville des ponts soutiennent que le peu d'intérêt au domaine livresque s'explique surtout par ce déficit aigue à promouvoir la lecture parmi la jeune génération.
Affirmant mener un combat au quotidien dans une profession menacée de disparition, les libraires affirment également que «les ambiguïtés» du marché du livre ont amplement contribué au déclin d'un métier qui a de tous temps reflété l'évolution des sociétés.
Au centre ville de Constantine, la librairie Belouizdad élisant domicile au siège de l'ex-société nationale d'édition et de diffusion (SNED) £uvre à intéresser ses clients à travers une gamme de livres et d'ouvrages aussi intéressante que diversifiée. Le propriétaire de la librairie, Larbi Rebai, confie à l'APS qu'il cultive une passion plutôt que d'exercer un métier. «La vente du livre et le métier du libraire ne rapportent pas d'argent», concède-t-il.
Exerçant ce métier de libraire depuis 23 ans, M.Rabie avoue que son «commerce» ne doit son salut qu'aux livres parascolaires et ceux de l'histoire et du Droit. «Les livres parascolaires se vendent à longueur d'année et j'ai pu fidéliser une clientèle composée essentiellement d'étudiants pour les livres de Droit et une autre, celle de la vieille école qui maintien son engouement intact pour le livre de l'histoire concernant la ville de Constantine, la guerre de Libération nationale et les figures emblématiques du pays», se félicite-t-il.
La librairie comprend un espace pour le livre d'enfants, un autre pour les livres de théologie, une aile réservée au décor et à l'architecture, et une autre pour la littérature classique anglaise. «Les livres importés, en médecine et en informatique, sont souvent dépassés. Les connaissances de ces deux domaines se renouvellent périodiquement et nous nous sommes toujours pas à jour, notre approvisionnement reste tributaire des importateurs du livre», commente M. Rebai.
Dans cette librairie, les auteurs Paul Coelho, Marc Levy, Ahlem Mostaghanemi et tout récemment Guillaume Musso «tentent» de renverser la vapeur et d'accrocher un lectorat pour renouer avec la lecture. «Ce sont les auteurs les plus demandés en dehors des livres d'histoire et de droit», confirme le libraire.
Evoquant un métier «en perte de vitesse», un autre libraire du centre-ville s'empresse de dire que la notion du libraire est «assez confuse» dans notre pays et qu'il faut distinguer entre «le libraire professionnel et le libraire papetier». Il appuie également que le libraire professionnel est toujours attentif à la demande de ses clients, lit beaucoup et suit l'actualité du livre.
Il ajoute que chez un libraire professionnel, c'est important de disposer d'un fond d'écrivains algériens et de littérature classique. «Kateb Yacine, Malek Haddad, Abdelhamid Benhadouga, Assia Djebar, Victor Hugo ou Emile Zola constituent un must chez un libraire même si on en vend qu'un livre par an», lance-t-il, convaincu.
Chez ce libraire, les livres relatant l'Histoire de l'Algérie, la guerre de Libération nationale, l'actualité-polémique ou encore les témoignages sont «les titres les plus vendus». Pour lui, Amin Maalouf et Nadjib Mahfoud demeurent des écrivains dont les £uvres sont demandées et que tout récemment l'auteur John Green a fait son entrée dans sa librairie, dans le hit parade des auteurs les plus sollicités.
Prix du livre, faux alibi pour expliquer la recul de la lecture
A la librairie Belouizdad, l'on affirme que les prix des livres jugés «excessifs» pour la plupart n'arrange pas souvent les affaires du libraire et contribue à la régression du lectorat.
C'est comme dans un cercle fermé. Les éditeurs évoquent souvent le prix élevé du papier, le coût de l'édition en perpétuelle augmentation pour expliquer le prix du livre et le libraire fait face à une situation qui influe sur son commerce et freine quelque part l'accès à la culture, concède-t-on.
Pour un autre libraire, le prix du livre «n'est pas vraiment l'élément clé dans le déclin de la profession ou de la lecture». «A mon avis, (le mal du livre et de la lecture) réside particulièrement dans (les anomalies) qui régissent le secteur».
Le libraire qui comptabilise plus de vingt ans dans le domaine du livre souligne que l'approvisionnement est difficile. «Si dans le domaine du livre local, le libraire est plus à l'aise, il reste, par contre, tributaire d'importateurs des livres et de leurs choix».
Il détaille que les importateurs du livre «ne sont pas forcément des professionnels du métier et peuvent être importateurs d'autres produits» ce qui, de son avis, «influe sur la qualité du livre importé».
Selon lui, l'importateur est souvent «beaucoup plus intéressé» par les marchés universitaires ou des institutions. «Ces marchés rapportent gros et mettent en second plan le libraire engagé», souligne-t-il.
Le même libraire rappelle que le livre est proposé à des différents prix et «recherche désespérément un lectorat».
Loin des détails de la «fabrication» du livre, du marché d'importation, des ambiguïtés et des contraintes, des jeunes et moins jeunes rencontrés dans les rues de Constantine s'accordent à dire qu'un lectorat se construit et se cultive.
B. Dahmane, un retraité du domaine des transports, un journal à la main, affirme sans hésiter «instillons la passion de la lecture, faisons du livre le compagnon des tous petits à l'école. C'est un travail de longue haleine, mais c'est l'unique chemin pour (créer le consommateur du livre)».
Z. Lylia, enseignante d'anglais dans un lycée de la ville, soutient que les bibliothèques des lycées et celles municipales à jour avec le livre et l'actualité nationale et mondiale sont le «relais dans la promotion de la lecture».
Des jeunes approchés par l'APS sur l'artère principale de la ville Ali Mendjeli estiment qu'on ne met pas un produit sur un marché, s'il n'a pas de consommateur. Kamel, 16 ans, se distingue du groupe et commente : «en plus, les manifestations organisées pour initier à la lecture sont tellement (folkloriques) que personne n'en profite».
En fait, libraires et citoyen lambda se rejoignent pour confirmer que, dans toutes les sociétés, la culture de la lecture a commencé par une toute petite graine, celle de l'amour du livre.
APS


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