Partagé entre euphorie et colère, le Royaume-Uni était plus divisé que jamais après le choc du Brexit et faisait face à des partenaires européens pressés d'organiser un divorce qui pourrait être acrimonieux. Après le verdict du référendum, les Britanniques et l'Europe essayaient toujours d'encaisser une décision historique qui a fait plonger toutes les Bourses mondiales et révélé de profondes fractures. Un fort ressentiment commençait à monter aussi bien sur les îles britanniques, favorables à 51,9% au Brexit, que sur le continent. En Ecosse, le Parlement régional a été rappelé pour une réunion d'urgence afin de disséquer les conséquences d'un vote qui pourrait entraîner un nouveau référendum d'indépendance dans la région. A Londres, où Boris Johnson, le chef de file des pro-Brexit, a été insulté et hué à la sortie de sa maison vendredi, certains réclament l'indépendance pour la capitale britannique, majoritairement pro-UE. En Europe aussi, le ton monte, alors que les ministères des Affaires étrangères des six pays fondateurs se réunissaient à Berlin pour analyser les conséquences. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker réclame que Londres dépose «immédiatement» sa demande de quitter l'UE. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a lui jugé «scandaleux» le choix du Premier ministre britannique David Cameron, qui a démissionné vendredi, de ne quitter son poste qu'en octobre, retardant d'autant les négociations sur le processus de sortie de son pays. Entre consternation et appels au calme, dirigeants et responsables européens continuaient à se mobiliser pour faire en sorte que la transition soit la moins douloureuse possible. Les quotidiens britanniques de samedi reflétaient la division d'un royaume écartelé. «Chapeau, la Grande-Bretagne!», titrait en énormes lettres le Daily Mail, un tabloïd qui a mené une campagne virulente contre l'Europe. «Voici le jour où le peuple silencieux de Grande-Bretagne s'est élevé contre l'élite méprisante de Bruxelles et une classe politique arrogante et déconnectée». Du côté des pros-Europe, le Times titrait sobrement sur le «séisme du Brexit». Le tabloïd Daily Mirror adoptait un ton plus sombre, demandant en première page: «que diable va-t-il se passer maintenant?». Dans le même camp, le Guardian titrait «Fini. Et dehors», au-dessus d'une photo du Premier ministre démissionnaire, David Cameron. Alors que les mouvements populistes prospèrent à travers l'Europe, le Brexit pourrait provoquer une réaction en chaîne. Déjà, la chef de l'extrême droite française, Marine Le Pen, (FN) et le député d'extrême droite néerlandais, Geert Wilders, ont appelé à des référendums dans leurs pays. Londres va à présent entrer dans un long tunnel de négociations avec l'UE sur les conditions de sortie, qui pourraient durer jusqu'à deux ans. D'ici là, le Royaume-Uni restera lié par les accords existants. Nationalement, la démission de Cameron ouvre la question de sa succession. Boris Johnson, leader de la campagne pro-Brexit, semblerait un choix logique. Mais autant «BoJo» était populaire lorsqu'il était maire de Londres, autant il cristallise aujourd'hui la colère d'une grande partie du Royaume-Uni. R. I.